11 Sep Congés-payés et décompte des heures supplémentaires
La Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 10 septembre 2025 selon lequel lorsque le temps de travail est décompté à la semaine, un salarié en congés payés doit voir ces jours pris en compte comme travail effectif pour déterminer le seuil d’heures supplémentaires, ouvrant ainsi droit à majoration, même si le salarié n’a pas travaillé cette semaine.
(Cass. Soc. 10 Septembre 2025, Arrêt n° 789 FP-B+R, Pourvois n° N 23-14.455, Q 23-14.457 et R 23-14.458
Arrêt_Congé_payé_heures_supplémentaires.pdf)
Faits principaux : Trois ingénieurs salariés d’une société appliquant la convention collective Syntec (accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail) étaient soumis à un forfait en heures hebdomadaire de 38 h 30. Ils ont saisi les prud’hommes pour des rappels de salaires sur heures supplémentaires, congés payés et primes de vacances. La cour d’appel de Versailles (9 février 2023) a condamné l’employeur mais exclu les périodes de congés payés du calcul hebdomadaire des heures supplémentaires, minorant ainsi les majorations dues.
Motifs et décision : La Cour de cassation casse partiellement les arrêts d’appel sur les pourvois incidents des salariés, écartant l’application restrictive de l’article L. 3121-28 du code du travail (qui subordonne les heures supplémentaires à un travail effectif). S’appuyant sur la directive 2003/88/CE (article 7, paragraphe 1) et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, elle invoque la jurisprudence CJUE : le droit au congé payé est un principe essentiel du droit social UE (CJUE, 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal, C-569/16 et C-570/16, point 80), et toute mesure dissuasive (y compris financière) est incompatible avec sa finalité (CJUE, 6 novembre 2018, Kreuziger, C-619/16, point 49 ; 22 mai 2014, Lock, C-539/12, point 21). Citant explicitement la CJUE du 13 janvier 2022 (DS c/ Koch Personaldienstleistungen GmbH, C-514/20), la Cour juge que « l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE […] s’oppose à une disposition nationale qui exclut les heures de congé payé annuel du calcul des heures supplémentaires ». Ainsi, dans un décompte hebdomadaire du temps de travail, les congés payés doivent être assimilés à du travail effectif pour déterminer le seuil déclencheur des heures supplémentaires et les majorations afférentes. Le salarié peut prétendre aux majorations qu’il aurait perçues s’il avait travaillé toute la semaine.
Cet arrêt rappelle l’impact du droit européen sur le droit interne : l’article 7 de la directive 2003/88/CE, lu avec la Charte des droits fondamentaux, impose de considérer les congés payés comme du temps de travail effectif en matière d’heures supplémentaires, quand le décompte est hebdomadaire.
Portée et applicabilité : Cet arrêt s’applique à tous les employeurs utilisant un décompte hebdomadaire (y compris forfaits heures), quel que soit le champ conventionnel (Syntec ou autres), sauf exceptions expresses. Il impose une interprétation conforme du code du travail au droit UE, évitant tout désavantage financier différé pour le salarié en congés. Cela étend la protection au-delà du cas d’espèce, impactant potentiellement les accords collectifs non alignés.
L’applicabilité de cet arrêt est large : l’obligation de majoration définie par le second arrêt s’impose à tous les employeurs ayant un décompte hebdomadaire, quel que soit le champ conventionnel, sauf exceptions expressément prévues.
L’employeur doit donc prendre en compte les congés payés comme travail effectif dans les calculs des heures supplémentaires dans le cadre d’un décompte hebdomadaire.