NEWSLETTER – OCTOBRE 2019

NEWSLETTER – OCTOBRE 2019

 

Droit du travail et sécurité sociale

 

SECURITE SOCIALE – MALADIE PROFESSIONNELLE : LA CHARGE DE L’INDEMNISATION DE L’INCAPACITE PERMANENTE DE LA VICTIME ET DES AYANTS DROIT INCOMBE A LA CAISSE DE RETRAITE LORSQUE LA VICTIME DE LA MALADIE PROFESSIONNELLE ETAIT AFFILIEE AUPRES D’ELLE EN DERNIER LIEU AVANT LA DATE DE LA PREMIERE CONSTATATION MEDICALE DE LA MALADIE

Cass., Civ., 2ème, 11 juillet 2019, n°18-16383

Y… X… a travaillé en qualité d’électricien dans le secteur privé de 1978 à 2004 avant de rejoindre, à cette date, les effectifs de la mairie de Paris. Un cancer broncho-pulmonaire lui ayant été diagnostiqué le 25 septembre 2008, il a présenté une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (la CNRACL). Après son décès des suites de sa maladie, sa veuve, Mme X…, a sollicité de la CNRACL l’attribution d’une pension au titre de la rente d’invalidité. Un refus lui ayant été opposé au motif que l’exposition au risque lié à la maladie professionnelle n’était pas effective pendant la période d’affiliation à cet organisme, elle s’est adressée à la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse). La caisse ayant rejeté sa demande, Mme X… a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Selon l’article D. 461-24, devenu D. 461-7 du code de la sécurité sociale, la charge des prestations, indemnités et rentes afférentes à une maladie professionnelle incombe à la caisse d’assurance maladie ou à l’organisation spéciale de sécurité sociale à laquelle la victime est affiliée à la date de la première constatation médicale de la maladie, ou, lorsque la victime n’est plus affiliée à cette date à une caisse primaire ou à une organisation spéciale couvrant les risques mentionnés au livre IV du code de la sécurité sociale, à la caisse ou à l’organisation spéciale à laquelle la victime a été affiliée en dernier lieu, quel que soit l’emploi occupé par elle. Selon les articles 36 et 37 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la CNRACL, dans leur rédaction applicable au litige, le fonctionnaire relevant du régime de retraite géré par la CNRACL a droit, lorsqu’il est atteint, notamment, d’une maladie professionnelle reconnue imputable au service, à une rente viagère d’invalidité cumulable avec la pension de retraite. Selon les articles 40 et 48 du même décret, la moitié de la rente viagère d’invalidité est réversible, en cas de décès du fonctionnaire, au bénéfice de son conjoint dans les conditions et limites qu’il précise. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le régime spécial de retraite géré par la CNRACL revêtant le caractère d’une organisation spéciale de sécurité sociale couvrant pour partie les risques mentionnés au livre IV, la charge de l’indemnisation de l’incapacité permanente de la victime et des ayants droit lui incombe lorsque la victime de la maladie professionnelle était affiliée auprès d’elle en dernier lieu avant la date de la première constatation médicale de la maladie.

Ayant constaté qu’au 25 septembre 2008, date de la première constatation médicale de la pathologie, Y… X… était affilié à la CNRACL, la cour d’appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux dernières branches du moyen, en a exactement déduit que la charge des prestations, indemnités et rentes incombait à cet organisme, de sorte que Mme X… ne pouvait prétendre à la prise en charge du risque par la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis.

 

SECURITE SOCIALE – CE SONT LES JUGES DU FOND QUI APPRECIENT LA REALITE DE LA CESSATION ANTICIPEE D’ACTIVITE DES TRAVAILLEURS DE L’AMIANTE SOUHAITANT PERCEVOIR UNE ALLOCATION DE CESSATION ANTICIPEE DES TRAVAILLEURS DE L’AMIANTE

Cass., Civ., 2ème, 11 juillet 2019, N°18-14588

M. X… a bénéficié à compter du mois de septembre 2008 d’une allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. A la suite d’un contrôle, la caisse de retraite et de santé au travail du Sud-Est (la CARSAT) lui a notifié un indu. M. X… a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.
Les dispositions de l’article 41, I, de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée subordonnent à la cessation de toute activité professionnelle l’attribution de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

L’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. X… a été gérant d’une société civile, de la SARL Jardinerie de la Rouvière de mars 2010 à février 2014 et de la SARL Espace Création Provence de 1999 à février 2014, qu’il percevait à ce dernier titre 1 500 euros par an, qu’il détenait avec son épouse 90 % des parts de ces deux sociétés.

De ces constatations procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d’appel a exactement déduit qu’ayant exercé au cours de la période litigieuse une activité professionnelle, M. X… ne pouvait prétendre au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

 

SECURITE SOCIALE – ACCIDENT DU TRAVAIL : L’ACCIDENT SURVENU AU TEMPS ET AU LIEU DU TRAVAIL EST PRESUME ETRE UN ACCIDENT DU TRAVAIL, SAUF A ETABLIR QUE LA LESION A UNE CAUSE TOTALEMENT ETRANGERE AU TRAVAIL

Cass., Civ., 2ème, 11 juillet 2019, N°18-19160

 

Z… Y… (la victime), salarié de la société Souriau (l’employeur), est décédé le […] des suites d’un malaise cardiaque ayant eu lieu sur son lieu de travail, le jour même. L’employeur a souscrit une déclaration d’accident du travail. La caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) ayant refusé de prendre en charge le décès de la victime au titre de la législation professionnelle, ses ayants droit ont saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Pour approuver la décision de la caisse de ne pas prendre en charge au titre de la législation professionnelle l’affection et le décès de la victime, l’arrêt retient que l’enquête administrative de la caisse n’avait identifié aucune cause de stress professionnel important. Au contraire, l’ambiance est qualifiée de très bonne, la victime étant décrite comme un homme très engagé professionnellement, très équilibré, chaleureux et souriant, à l’opposé d’une personne stressée. La réunion à laquelle la victime devait participer, qui avait à peine commencé, ne présentait aucune difficulté particulière, d’autant moins que les résultats devant y être présentés étaient bons et que rien ne permettait d’envisager que la victime puisse être mise, d’une façon ou d’une autre, en difficulté. Les relations de la victime avec son nouveau supérieur, arrivé au mois d’août, étaient très constructives et le dialogue très ouvert, le management de ce dernier étant plus en adéquation avec la philosophie de la victime.

En statuant ainsi, alors que l’accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail, la cour d’appel a violé l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

 

SECURITE SOCIALE – PRESTATIONS FAMILIALES

Cass., Civ., 2ème, 11 juillet 2019, N° 18-19158

Selon l’article 1er, § 2 de la Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie, publiée par le décret n° 51-457 du 19 avril 1951, applicable dans les relations entre la France et la Macédoine en vertu de l’accord sous forme d’échange de lettres des 13 et 14 décembre 1995, publié par le décret n° 96-726 du 8 août 1996, seul applicable au droit à prestations du chef de l’enfant qui réside également sur le territoire français, que les ressortissants français ou macédoniens qui n’ont pas la qualité de travailleur salarié ou assimilé au sens des législations de sécurité sociale comprises dans le champ d’application de la Convention, sont soumis respectivement aux législations concernant les prestations familiales énumérées à l’article 2 de la Convention, applicables en Macédoine et en France, et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces pays. Selon, l’article 23 A de la convention précitée, les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française ou macédonienne occupés sur le territoire de l’un de ces Etats ont le droit, pour leurs enfants résidant sur le territoire de l’autre Etat, à des allocations familiales dans les conditions qui seront fixées d’un commun accord.

M. X…, de nationalité macédonienne, déclare être entré en France le 28 janvier 2013, accompagné de sa fille, née le […]. Ayant obtenu le 31 décembre 2013 une carte de séjour temporaire “vie privée et familiale”, il a sollicité, auprès de la caisse d’allocations familiales de l’Isère, le bénéfice des prestations familiales. La caisse lui ayant opposé un refus pour sa fille aînée, il a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Pour rejeter ce dernier, l’arrêt retient que M. X… se prévaut de la Convention générale de sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie, applicable entre la France et la Macédoine, qui prévoit la réciprocité d’application des législations de sécurité sociale. Toutefois, les articles 23 A et 23 B de cette Convention relatifs aux prestations familiales ne font référence qu’aux travailleurs. La caisse d’allocations familiales démontre par les pièces qu’elle verse au dossier que depuis son entrée en France, M. X… n’a jamais déclaré de revenus et n’a donc jamais travaillé. Il ne pouvait donc se prévaloir de ces conventions.

En statuant ainsi, après avoir constaté que la fille aînée de M. X… résidait en France avec lui, ce dont il résultait que ce dernier pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales dans les mêmes conditions que les allocataires de nationalité française, la cour d’appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d’application, le second par fausse application.

 

HOSPITALISATION SANS CONSENTEMENT – LE CERTIFICAT MEDICAL REQUIS EN MATIERE D’HOSPITALISATION SANS CONSENTEMENT NE PEUT EMANER D’UN MEDECIN APPARTENANT AU MEME ETABLISSEMENT PUBLIC QUE LE CENTRE HOSPITALIER D’ACCUEIL

Cass., Soc., 11 juillet 2019, N°19-14672

Le 25 janvier 2019, Mme Y…, hospitalisée pour une anémie, a été conduite au Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (le CPOA), également nommé Centre Georges Daumezon, à Paris, pour une évaluation psychique. Un médecin exerçant au CPOA a rédigé un certificat proposant l’admission de la patiente en soins psychiatriques, sur le fondement des dispositions de l’article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique, en raison du péril imminent pour sa santé et en l’absence de tiers susceptible de formuler une telle demande. Le même jour, le directeur du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences (le GHU) a pris une décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement permettant à la patiente d’intégrer le site de l’hôpital Sainte-Anne. Il a ensuite, saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure, conformément aux dispositions de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

L’ordonnance retient que le certificat initial émane d’un médecin du GHU, précisément du site de l’hôpital Sainte-Anne où a été accueillie la patiente. De ces constatations, dont il résultait que ce document avait été établi par un médecin d’une structure appartenant au même établissement public que le centre hospitalier d’accueil, le premier président a exactement déduit, sans dénaturer le certificat, qu’il n’avait pas été établi dans les conditions prévues à l’article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique, de sorte que la procédure était irrégulière.

Le certificat médical requis en matière d’hospitalisation sans consentement ne peut émaner d’un médecin appartenant au même établissement public que le centre hospitalier d’accueil.

 

AVOCATS – FIN DU CONTRAT DE COLLABORATION PENDANT L’ETAT DE GROSSESSE DE LA COLLABORATRICE

Cass., Civ., 1ère 4 juillet 2019, N°18-11758

Mme M… (l’avocate) a conclu, le 1er août 2009, un contrat de collaboration avec l’association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle dénommée Vigo (l’association). Le 11 février 2013, elle a annoncé sa décision de quitter l’association et de rechercher une nouvelle collaboration. Les 16 et 17 mai 2013, elle a informé les membres de l’association de son état de grossesse. L’association a estimé que le délai de prévenance avait couru à compter du 11 février 2013 et que le contrat avait pris fin le 11 juin 2013.

Considérant qu’il n’avait pas été mis fin au contrat de collaboration avant la déclaration de sa grossesse, mais pendant la période de protection dont elle bénéficiait en application de l’article 14.4 du règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) et de l’article 14.4.1 du règlement intérieur du barreau de Paris, l’avocate a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats audit barreau sur le fondement de l’article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

En premier lieu, l’arrêt constate que l’avocate, qui avait choisi de rechercher une autre collaboration dès le mois de février 2013, avait décidé de ne plus collaborer au sein de l’association et annoncé ce choix le 11 février 2013. La cour d’appel a ainsi caractérisé l’existence d’un acte unilatéral par lequel l’avocate avait manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat, peu important que l’association ait été disposée, à cette date, à ne pas appliquer le délai légal de prévenance aux fins de laisser à sa collaboratrice le temps nécessaire aux démarches lui permettant de trouver une autre collaboration

En second lieu, il soutient que la décision des associés, intervenue le 10 juin 2013, d’exiger l’application stricte du délai de prévenance fixé par le règlement a entraîné la rupture effective du contrat de collaboration, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain d’appréciation de la cour d’appel qui, après avoir analysé les messages électroniques échangés courant mai et juin 2013, a estimé que l’association avait appliqué, conformément aux dispositions du contrat de collaboration, le délai légal de prévenance, par suite de l’absence de réponse claire de l’avocate sur la date de son départ et sur un accord possible quant à la durée du délai de prévenance.
Aux termes de l’article 14.4 du RIN, dans sa rédaction applicable, sauf meilleur accord des parties, chaque partie peut mettre fin au contrat de collaboration en avisant l’autre au moins trois mois à l’avance. Selon la même disposition, ce délai est augmenté d’un mois par année au-delà de trois ans de présence révolus, sans qu’il puisse excéder six mois.

 

UNE PRIME D’OBJECTIFS, MEME D’UN MONTANT VARIABLE, VERSEE PERIODIQUEMENT CONSTITUE UN ELEMENT PERMANENT ET OBLIGATOIRE DE LA REMUNERATION DU SALARIE DEVANT ETRE PRIS EN COMPTE DANS LE CALCUL DES MINIMA CONVENTIONNELS

Cass., Soc., 3 juillet 2019, N°17-18210

M. L… a bénéficié d’un contrat d’apprentissage conclu avec la société Oxytronic (la société) pour la période du 6 septembre 2005 au 5 septembre 2008, à l’issue duquel cette société l’a embauché en qualité d’ingénieur mécanique, catégorie cadre, position II, coefficient 100. Il a démissionné le 29 août 2012. Il a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir requalifier sa démission en prise d’acte aux torts de l’employeur.

Les sommes consacrées par l’employeur pour l’acquisition par le salarié de titres-restaurant n’étant pas versées en contrepartie du travail, elles n’entrent pas dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum conventionnel.

Selon l’article 23 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, les appointements minima garantis comprennent les éléments permanents de la rémunération, y compris les avantages en nature. Ils ne comprennent pas les libéralités à caractère aléatoire, bénévole ou temporaire.

Pour condamner l’employeur au paiement de sommes à titre de rappel de salaire et d’indemnités de rupture, l’arrêt retient que, s’agissant du respect des minima conventionnels, le litige se noue autour du sort à réserver notamment aux primes exceptionnelles versées aux mois de juin et décembre au salarié, que la prime exceptionnelle en cause était attribuée périodiquement, au regard des éléments tels que le chiffre d’affaires réalisé, les absences du salarié concerné tout au long de l’année et ses performances, qu’il s’agit donc de toute évidence d’une prime d’objectifs, qu’une telle prime manifestant la reconnaissance de l’effort et/ou la performance au cours de la période considérée n’a pas à être prise en compte dans le minimum conventionnel puisqu’elle présente un caractère aléatoire, que l’examen des bulletins de paie de l’intéressé montre d’ailleurs que les montants alloués à ce titre sont très variables, qu’il apparaît que le salarié a été régulièrement payé en-deçà des minima conventionnels sur la totalité de la période non prescrite.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait qualifié la prime litigieuse de prime d’objectifs et constaté qu’elle était versée périodiquement aux mois de juin et décembre, ce dont elle aurait dû déduire, peu important son montant variable, qu’il s’agissait d’un élément permanent et obligatoire de la rémunération du salarié devant être pris en compte dans le calcul des minima conventionnels, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Pour rejeter l’ensemble des demandes de l’avocate relatives à la protection des collaboratrices enceintes, l’arrêt retient que le délai légal applicable à la rupture du contrat de collaboration signé le 1er août 2009 est de quatre mois et non de trois mois, dès lors que l’article 14-4 du RIN applicable prévoit que le délai de trois mois est augmenté d’un mois par année au-delà de trois ans de présence révolus.

En statuant ainsi, alors que l’augmentation du délai de prévenance prévu à l’article 14-4, alinéa 2, du RIN est d’un mois par année révolue postérieure aux trois années de présence révolues dont dépend la prolongation de ce délai, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 129 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et 14.4 du RIN, dans sa rédaction applicable.

Les sommes consacrées par l’employeur pour l’acquisition par le salarié de titres-restaurant n’entrent pas dans le calcul de la rémunération minimum conventionnelle. Tel est en revanche le cas d’une prime d’objectifs versée périodiquement, en tant qu’élément permanent et obligatoire de la rémunération du salarié.

 

L’EMPLOYEUR DOIT PROCEDER AU PRECOMPTE DES COTISATIONS SOCIALES DUES AU TITRE DES CONDAMNATIONS PRONONCEES INDIQUEE EN MONTANT BRUT, SAUF PRECISION CONTRAIRE

Cass., Soc., 3 juillet 2019, N°18-12149

Mme R…, engagée le 5 juin 2000 par la société d’Arcy, aux droits de laquelle vient la société W… I… (la société), a été licenciée le 20 novembre 2013. Par jugement du conseil de prud’hommes du 30 mars 2016, la société a notamment été condamnée à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés afférents, et au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société a versé à la salariée une somme correspondant aux condamnations prononcées après déduction des cotisations sociales obligatoires. La salariée a fait délivrer un commandement et effectuer une saisie-attribution sur un compte bancaire de l’employeur qui a saisi un juge de l’exécution d’une contestation tendant à voir dire que la condamnation s’entendait d’une somme brute.

Pour débouter la société de ses demandes de nullité du commandement de payer et de mainlevée de la saisie-attribution, l’arrêt retient que la salariée a formulé une demande de condamnation en net et non en brut, que le conseil de prud’hommes a été saisi d’une telle demande, qu’aucune disposition n’impose à une juridiction de prononcer toutes les condamnations sur la même base, toutes en net ou toutes en brut, et qu’en faisant droit, sans autre précision, à la demande de la salariée, le conseil de prud’hommes, qui n’a pas écarté la prétention de la salariée qui souhaitait obtenir une indemnité nette, a prononcé une condamnation nette.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la décision servant de fondement aux poursuites ne s’était pas prononcée sur l’imputation des cotisations et des contributions sociales, ce dont il résultait que l’employeur devait procéder au précompte des sommes dues par le salarié sur la condamnation prononcée, la cour d’appel, qui, sous couvert d’interprétation, a modifié la décision qui lui était soumise, a violé l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, ensemble les articles 1351 du code civil, en sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile.

En l’absence de précision de la décision sur l’imputation des cotisations et des contributions sociales, l’employeur doit procéder au précompte des sommes dues par le salarié sur la condamnation prononcée.

 

TEMPS PARTIEL – LE CONTRAT DE TRAVAIL A TEMPS PARTIEL EST UN CONTRAT ECRIT QUI DOIT NOTAMMENT MENTIONNER LA DUREE HEBDOMADAIRE OU MENSUELLE DE TRAVAIL. LA SEULE MENTION D’UNE DUREE MINIMALE DE TRAVAIL GARANTIE NE REPOND PAS A CETTE EXIGENCE, CE QUI PERMET AU SALARIE DE SE PREVALOIR DE LA PRESOMPTION DE TRAVAIL A TEMPS COMPLET

Cass., Soc., 3 juillet 2019, N°17-15884

Par un contrat de travail à temps partiel mentionnant que les fonctions s’exerceraient à temps choisi, Mme G… a été engagée le 15 octobre 1997 en qualité de coiffeuse à domicile par la société A… développement Ouest, aux droits de laquelle vient la société Viadom activités Aquitaine. Victime d’une maladie professionnelle, elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l’issue de deux examens des 3 et 17 janvier 2012. Ayant été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de la requalification de la relation de travail en contrat à temps plein et de la rupture abusive du contrat de travail.

Pour débouter la salariée de sa demande de requalification de contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et des demandes pécuniaires en découlant, l’arrêt retient, d’une part que le contrat de travail respecte pleinement les principes posés par le code du travail pour les contrats à temps partiel qui ne prévoit, selon l’article L. 3123-1, qu’un temps maximum de travail inférieur à 35 heures, que l’article L. 3123-14 du même code énonce que le contrat de travail doit fixer un nombre d’heures de travail, ce qui est le cas, puisqu’il est expressément garanti quatre heures de travail mensuelles, que la mention des horaires et leur répartition ne peuvent apparaître puisque c’est la salariée elle-même qui les déterminait selon ses disponibilités et le choix des prestations qu’elle souhaitait réaliser, d’autre part que les bulletins de salaire produits et le récapitulatif de l’activité de l’intéressée montrent qu’elle travaillait en moyenne 56,56 heures par mois, que l’employeur rapporte la preuve que la salariée ne travaillait pas à temps complet.

En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de ce que le contrat de travail prévoyait une durée minimale garantie de quatre heures par mois et que la salariée déterminait elle-même ses horaires, alors qu’il ressortait de ses constatations que le contrat ne mentionnait pas la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail et ne répondait pas aux exigences légales, la cour d’appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans rechercher si l’employeur justifiait de la durée de travail exacte convenue, a violé l’article L. 212-4-3 du code du travail, devenu L. 3123-14 du même code.

Pour débouter la salariée de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que l’employeur justifie avoir effectué de vaines recherches auprès des sociétés Financière Viadom et Domus data et qu’il produit les registres du personnel de ces sociétés dont il découle l’inexistence d’un poste vacant correspondant aux compétences et aux capacités physiques de la salariée.

En se déterminant ainsi, sans vérifier comme il lui était demandé, si l’employeur avait recherché des possibilités de reclassement tant au sein de la société que parmi l’ensemble des entreprises appartenant au même groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettaient d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 1226-10 du code du travail, en sa rédaction applicable en la cause.

Le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit notamment mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail. La seule mention d’une durée minimale de travail garantie ne répond pas à cette exigence, ce qui permet au salarié de se prévaloir de la présomption de travail à temps complet.

 

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL – LES JUGES DU FOND PEUVENT APPRECIER LE PREJUDICE DIRECT ET CERTAIN RESULTANT DE LA PERTE D’UNE CHANCE

Cass., Soc., 3 juillet 2019, N°18-12306 à 18-12309

Mme X…, MM. R…, J… et I…, membres du groupe Superbus, ont conclu un contrat d’exclusivité le 17 novembre 2011 avec la société Universal Music France (la société) pour l’enregistrement en studio de phonogrammes permettant la réalisation de trois albums fermes dont seul le premier a été réalisé. Le 11 mai 2015, la société leur a notifié la résiliation du contrat. Les salariés ont saisi la juridiction prud’homale afin d’en contester la rupture et réclamer des sommes afférentes.

Selon le premier alinéa de l’article L. 1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du même code. Ce texte fixe seulement le minimum des dommages-intérêts que doit percevoir le salarié dont le contrat à durée déterminée a été rompu de façon illicite.

Ayant relevé que la rupture illicite des contrats à durée déterminée avait empêché la réalisation de deux des albums faisant l’objet des contrats, la cour d’appel a pu retenir que les salariés justifiaient d’un préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance de percevoir les gains liés à la vente et à l’exploitation de ces œuvres, préjudice qui constitue une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention. C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation qu’elle a, sans procéder à une évaluation forfaitaire, fixé le montant du préjudice soumis à réparation.

La rupture anticipée du CDD qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat.

 

RUPTURE CONVENTIONNELLE – UN EXEMPLAIRE DE LA CONVENTION DE RUPTURE SIGNE PAR LES DEUX PARTIES DOIT ETRE REMIS A CHACUNE D’ENTRE ELLES, AU RISQUE DE VOIR PRONONCER LA NULLITE DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE

Cass., Soc., 3 juillet 2019, N° 17-14232

M. X… a été engagé par la société Akzio le 1er avril 2012 en qualité d’attaché commercial junior. Les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 14 mai 2013. La société Akzio a été placée en liquidation judiciaire le 15 juillet 2013, M. N… étant désigné en qualité de mandataire liquidateur. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

Pour dire valable la rupture conventionnelle, l’arrêt retient que nonobstant l’absence de la signature de l’employeur sur l’exemplaire de la rupture conventionnelle remis au salarié, celui-ci avait toujours la possibilité d’exercer son droit de rétractation, dans un délai de quinze jours imparti, à compter de sa propre signature de ce document qui rappelle expressément l’existence de cette faculté.

En statuant ainsi, alors que seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause, la cour d’appel a violé les articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail.

Un exemplaire de la convention de rupture signé par les deux parties doit être remis à chacune d’entre elles, au risque de voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle.

 

RUPTURE CONVENTIONNELLE – UN EXEMPLAIRE DE LA CONVENTION DE RUPTURE SIGNE PAR LES DEUX PARTIES DOIT ETRE REMIS A CHACUNE D’ENTRE ELLES, AU RISQUE DE VOIR PRONONCER LA NULLITE DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE

Cass., Soc., 3 juillet 2019, N°18-14414

M. P… a été engagé le 11 juin 2012 par la société Z… frères, en qualité de vendeur. Les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 14 octobre 2014. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

Pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, l’arrêt retient que la convention de rupture rédigée sur le formulaire Cerfa mentionne qu’elle a été établie en deux exemplaires, et que quand bien même il n’est pas indiqué que chacun des exemplaires a été effectivement remis à chaque partie, il doit être présumé que tel a bien été le cas.

En statuant ainsi, sans constater qu’un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié, la cour d’appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail les textes susvisés.

 

 

DROITS DES AFFAIRES, CONCURRENCE, DISTRIBUTION ET CONSOMMATION

 

CONSOMMATION – MENTION MANUSCRITE DE L’ACTE DE CAUTIONNEMENT

Cass., Com., 9 juillet 2019, N°17-22626

Le 14 décembre 2004, la société Compagnie générale d’affacturage (la société CGA) a conclu un contrat d’affacturage avec Mme O…, exerçant sous l’enseigne “Atelier vosgien de transformation du bois” (AVTB). M. O… s’est rendu caution des engagements souscrits par son épouse au titre de ce contrat. Mme O… ayant été mise en redressement judiciaire, la société CGA a assigné M. O… en paiement. Ce dernier a, notamment, invoqué la nullité de son engagement pour non-conformité de la mention manuscrite aux dispositions légales.

Pour écarter le moyen de M. O… tiré de la non-conformité de la mention manuscrite à la mention légale, l’arrêt retient qu’il est mal fondé à soutenir que son engagement de caution serait nul pour indétermination du débiteur “AVTB”, dès lors qu’il a apposé la mention “vu” sur le contrat d’affacturage souscrit le 14 décembre 2004 par son épouse Mme G… O…, exerçant en nom personnel sous l’enseigne “AVTB”, qu’il s’est porté le même jour caution solidaire de cette dernière à hauteur de 150 000 euros, qu’il n’existe aucun doute sur l’identité du débiteur “AVTB” au regard de la mention en tête de l’acte de cautionnement “débiteur principal” Mme G… Y…, épouse O…-AVTB.

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mention manuscrite de l’acte de cautionnement permettait d’identifier le débiteur garanti, sans qu’il soit nécessaire de se référer à des éléments extérieurs à cette mention, quand ce débiteur doit être désigné dans la mention manuscrite apposée par la caution par son nom ou sa dénomination sociale, et ne peut l’être par une enseigne, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016.

 

CONSOMMATION – PRET – SINISTRE. L’OBLIGATION FAITE A L’EMPRUNTEUR DE CONTINUER A PAYER LES ECHEANCES DU PRET EN CAS DE SINISTRE NE CREE AUCUN DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF A SON DETRIMENT

Cass., Civ., 1ère, 4 juillet 2019, N°18-10077

Suivant offre acceptée le 27 janvier 2009, Mme V… (l’emprunteur) a souscrit un prêt immobilier auprès de la société Crédit lyonnais (la banque). Elle a adhéré, par l’intermédiaire de la société CBP solutions (le courtier), à l’assurance de groupe souscrite par la banque auprès de la société Axa France vie (l’assureur). M. V… (la caution) s’est porté caution solidaire du prêt, de même que la société Crédit logement (la société). A la suite d’incidents de paiement, la banque a prononcé la déchéance du terme et vainement mis en demeure l’emprunteur et la caution de payer la somme restant due au titre du prêt. Après avoir désintéressé la banque, la société a assigné l’emprunteur et la caution en paiement d’une certaine somme, ceux-ci ayant pour leur part assigné en intervention forcée la banque, l’assureur et le courtier. Les instances ont été jointes.

Il résulte des éléments de fait et de droit débattus devant la cour d’appel que l’obligation faite à l’emprunteur de continuer à payer les échéances du prêt en cas de sinistre ne crée aucun déséquilibre significatif à son détriment, dès lors que l’assureur doit pouvoir vérifier la réunion des conditions d’application de la garantie avant de l’accorder.

Ensuite, la clause prévoyant la cessation de la garantie et des prestations à la date de la déchéance du terme définit l’objet principal du contrat en ce qu’elle délimite le risque garanti, de sorte qu’étant rédigée de façon claire et compréhensible, elle échappe à l’appréciation du caractère abusif des clauses, au sens de l’article L. 132-1, alinéa 7, devenu L. 212-1, alinéa 3, du code de la consommation.

Enfin, ayant relevé que l’emprunteur n’avait fait l’objet d’une décision de classement en invalidité qu’en septembre 2011, qu’il n’avait sollicité la prise en charge de ses arrêts de travail que postérieurement à cette date et avait omis de fournir à l’assureur et au courtier l’ensemble des pièces nécessaires à l’examen de sa demande de garantie, la cour d’appel a pu en déduire que le retard invoqué dans l’instruction de celle-ci ne pouvait leur être reproché.

L’obligation faite à l’emprunteur de continuer à payer les échéances du prêt en cas de sinistre ne créant aucun déséquilibre significatif à son détriment, la cour d’appel a, à bon droit, fait application de la clause litigieuse pour exclure la faute de la banque.

 

BAIL COMMERCIAL – OBLIGATION DE DELIVRANCE – COMPETENCE JURIDICTIONNELLE

Cass., Civ., 1ère, 4 juillet 2019, N°18-20842

La commune de Boissezon (la commune) a donné à bail à la société Terre d’Hautaniboul (la société) un immeuble à usage commercial dépendant de son domaine privé. Arès l’effondrement partiel du chemin rural desservant les locaux loués, un arrêté municipal y a interdit la circulation. Soutenant être dans l’impossibilité de poursuivre leur activité et invoquant un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, la société et ses gérants, MM. G… et Z… N…, ont saisi la juridiction judiciaire pour voir prononcer la résolution du contrat et obtenir le paiement de dommages-intérêts. La société Allianz IARD est intervenue volontairement à l’instance, en sa qualité d’assureur de la société. La commune a soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.

Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée. Cette obligation légale lui impose de délivrer un local conforme à la destination contractuelle. Dès lors, c’est à bon droit et sans avoir à procéder aux recherches visées par les deux premières branches du moyen, qu’après avoir relevé que l’action engagée par la société tendait à voir sanctionner la violation, par la commune, de son obligation de délivrance, en raison de l’impossibilité d’accéder aux locaux loués, la cour d’appel a retenu que le litige avait pour objet la résolution d’un contrat de bail portant sur un immeuble dépendant du domaine privé et dépourvu de clause exorbitante du droit commun et relevait, par suite, de la compétence de la juridiction judiciaire

 

PROTECTION DU CONSOMMATEUR – PRESCRIPTION CIVILE APPLICABLE A L’USAGER, BENEFICIAIRE DU SERVICE PUBLIC DE L’ENLEVEMENT DES ORDURES MENAGERES

Cass., Civ., 1ère, 4 juillet 2019, n° 19-13494

Aux termes de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Une telle prescription est applicable uniquement à l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent contractuellement aux consommateurs (1re Civ., 9 juin 2017, pourvoi n° 16-21.247, Bull. 2017, I, n° 140). Selon l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l’article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d’enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu’ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages.

Suivant délibération du 8 octobre 2013, la communauté de communes Arc Sud Bretagne (la communauté de communes) a institué, à compter du 1er janvier 2014, une redevance d’enlèvement des ordures ménagères, dont le tarif a été fixé par une délibération du 17 décembre 2013. Par jugement du 9 septembre 2015, la juridiction de proximité de Vannes a annulé le titre de perception émis à l’encontre de Mme X… pour l’exercice 2014 Par arrêt du 6 octobre 2017, devenu définitif, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la requête, présentée par plusieurs usagers, tendant à l’annulation de la délibération du 17 décembre 2013. La communauté de communes a établi, le 26 février 2018, une nouvelle facture correspondant à la redevance d’enlèvement des ordures ménagères due pour l’exercice 2014, puis a émis, le 8 mars suivant, aux fins de recouvrement de cette facture, un titre exécutoire à l’encontre de Mme X… Celle-ci a saisi le tribunal d’instance pour en voir prononcer l’annulation.

Pour accueillir sa demande, après avoir énoncé que, lorsqu’elle assure l’enlèvement des ordures ménagères, la communauté de communes exerce une activité industrielle et commerciale, dont le service est facturé à l’usager proportionnellement à son usage, le jugement retient que celle-ci doit être regardée comme un professionnel qui s’adresse à des consommateurs et que, dès lors, son action en paiement est soumise au délai biennal de prescription prévu à l’article L. 218-2 du code de la consommation.

En statuant ainsi, alors que l’usager, bénéficiaire du service public de l’enlèvement des ordures ménagères, n’est pas lié à ce service par un contrat, de sorte que le délai dont dispose une collectivité publique pour émettre un titre exécutoire, aux fins d’obtenir paiement de la redevance qu’elle a instituée, n’est pas soumis aux dispositions dérogatoires prévues à l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, le tribunal d’instance a violé l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, ensemble l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales.

L’usager, bénéficiaire du service public de l’enlèvement des ordures ménagères, n’est pas lié à ce service par un contrat, de sorte que le délai dont dispose une collectivité publique pour émettre un titre exécutoire, aux fins d’obtenir paiement de la redevance qu’elle a instituée, n’est pas soumis aux dispositions dérogatoires prévues à l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation.

 

 

Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

 

NATURALISATION – ENFANTS MINEURS

CE 31 juillet 2019, 2ème – 7ème Ch. Réunies, N°411984

L’effet qui s’attache, au bénéfice des enfants mineurs, en vertu de l’article 22-1 du code civil, à l’acquisition de la nationalité française par l’un des parents est subordonné notamment à la preuve de l’existence d’un lien de filiation avec ce parent, susceptible de produire légalement des effets en France.

Si le ministre chargé des naturalisations pouvait, dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont il dispose en la matière, refuser de faire droit à la demande de naturalisation du requérant en prenant en considération la circonstance que celui-ci avait eu recours à la gestation pour le compte d’autrui, prohibée en France par l’article 16-7 du code civil, une telle circonstance ne pouvait en revanche, alors qu’il n’est pas soutenu que les actes d’état civil des deux enfants, établis selon la loi applicable aux faits dans l’Etat du Colorado, seraient entachés de fraude ou ne seraient pas conformes à cette loi, conduire à priver ces enfants de l’effet qui s’attache en principe, en vertu de l’article 22-1 du code civil, à la décision de naturaliser le requérant, sans qu’il soit porté une atteinte disproportionnée à ce qu’implique, en termes de nationalité, le droit au respect de leur vie privée, garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 

ETRANGERS – DEMANDEURS D’ASILE

CE, 31 juillet 2019, 2ème – 7ème Ch. Réunies, N° 428530

Il résulte de l’article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 que s’il est possible dans des cas exceptionnels et dûment justifiés de retirer les conditions matérielles d’accueil à un demandeur d’asile, d’une part ce retrait ne peut intervenir qu’après examen de la situation particulière de la personne et être motivé, d’autre part l’intéressé doit pouvoir solliciter le rétablissement des conditions matérielles d’accueil lorsque le retrait a été fondé sur l’abandon du lieu de résidence sans information ou autorisation de l’autorité compétente, sur la méconnaissance de l’obligation de se présenter aux autorités ou de se rendre aux rendez-vous qu’elle fixe ou sur l’absence de réponse aux demandes d’information. Il suit de là qu’en créant des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d’accueil sans appréciation des circonstances particulières et en excluant, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, les articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dans leur rédaction résultant de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, s’avèrent incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013.

 

Cour de Justice de l’Union Européenne

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — ARTICLE 49 TFEU — FREEDOM OF ESTABLISHMENT — SELF-EMPLOYMENT — NATIONAL OF A MEMBER STATE WHO CEASES TO BE SELF-EMPLOYED BECAUSE OF THE PHYSICAL CONSTRAINTS IN THE LATE STAGES OF PREGNANCY AND THE AFTERMATH OF CHILDBIRTH — RETENTION OF SELF-EMPLOYED STATUS

ECJ, 19 September 2019, Case C-544/18, The Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs v Henrika Dakneviciute

Article 49 TFEU must be interpreted as meaning that a woman who ceases self-employed activity in circumstances where there are physical constraints in the late stages of pregnancy and the aftermath of childbirth retains the status of being self-employed, provided that she returns to the same or another self-employed activity or employment within a reasonable period after the birth of her child.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — SOCIAL POLICY — DIRECTIVE 2010/18/EU — REVISED FRAMEWORK AGREEMENT ON PARENTAL LEAVE — NATIONAL LEGISLATION MAKING THE GRANTING OF PARENTAL LEAVE CONDITIONAL ON A REDUCTION IN WORKING TIME, WITH A PROPORTIONAL REDUCTION IN PAY — SHIFT WORK WITH VARIABLE HOURS — REQUEST OF THE WORKER TO PERFORM HIS WORK AT A FIXED SCHEDULE TO CARE FOR HIS MINOR CHILDREN — DIRECTIVE 2006/54/EC — EQUAL OPPORTUNITIES AND EQUAL TREATMENT OF MEN AND WOMEN IN EMPLOYMENT AND OCCUPATION — INDIRECT DISCRIMINATION — PARTIAL INADMISSIBILITY

ECJ, 19 September 2019, Case C‑366/18, José Manuel Ortiz Mesonero v UTE Luz Madrid Centro

Council Directive 2010/18/EU of 8 March 2010 implementing the revised Framework Agreement on parental leave concluded by BUSINESSEUROPE, UEAPME, CEEP and ETUC and repealing Directive 96/34/EC must be interpreted as not applying to national legislation, such as that at issue in the main proceedings, which provides for a worker’s right, in order to take direct care of minors or dependent family members, to reduce his ordinary hours of work, with a proportional reduction in his salary, without being able, when his usual work system is in shifts with a variable schedule, to benefit from a fixed working schedule while maintaining his ordinary hours of work.

 

REFERENCE FOR A RULING — SOCIAL SECURITY — MIGRANT WORKERS — REGULATION (EC) NO 987/2009 — ARTICLE 60 — FAMILY BENEFITS — RIGHT TO PAYMENT OF THE DIFFERENCE BETWEEN THE PARENTAL ALLOWANCE PAID IN THE MEMBER STATE HAVING PRIMARY COMPETENCE AND THE CHILDCARE ALLOWANCE PROVIDED BY THE MEMBER STATE HAVING SECONDARY COMPETENCE

ECJ, 18 September 2019, Case C‑32/18, Tiroler Gebietskrankenkasse v Michael Moser

The second sentence of Article 60(1) of Regulation (EC) No 987/2009 of the European Parliament and of the Council of 16 September 2009 laying down the procedure for implementing Regulation (EC) No 883/2004 on the coordination of social security systems must be interpreted as meaning that the obligation laid down in that provision to take into account, for the purposes of determining the scope of a person’s entitlement to family benefits, ‘the whole family … as if all the persons involved were subject to the legislation of the Member State concerned’ applies both in the case where benefits are provided in accordance with the legislation designated as having priority under Article 68(1)(b)(i) of Regulation (EC) No 883/2004 of the European Parliament and of the Council of 29 April 2004 on the coordination of social security systems, and in the case where benefits are payable in accordance with one or more other laws.

Article 68 of Regulation (EC) No 883/2004 must be interpreted as meaning that the amount of the differential supplement to be granted to a worker under the legislation of a Member State having secondary competence in accordance with that article must be calculated by reference to the income actually earned by that worker in his Member State of employment.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — SOCIAL POLICY — DIRECTIVE 2000/78/EC — EQUAL TREATMENT IN EMPLOYMENT AND OCCUPATION — ARTICLE 2(2)(B)(II) AND ARTICLE 5 — PROHIBITION OF ANY DISCRIMINATION BASED ON A DISABILITY — WORKER PARTICULARLY SUSCEPTIBLE TO OCCUPATIONAL RISKS WITHIN THE MEANING OF NATIONAL LAW — EXISTENCE OF A ‘DISABILITY’ — DISMISSAL FOR OBJECTIVE REASONS BASED ON CRITERIA OF PRODUCTIVITY, MULTI-SKILLING IN THE UNDERTAKING’S POSTS AND ABSENTEEISM — PARTICULAR DISADVANTAGE FOR DISABLED PERSONS — INDIRECT DISCRIMINATION — REASONABLE ACCOMMODATION — INDIVIDUAL WHO IS NOT COMPETENT, CAPABLE AND AVAILABLE TO PERFORM THE ESSENTIAL FUNCTIONS OF THE POST CONCERNED

ECJ, 11 September 2019, Case C-397/18, DW v Nobel Plastiques Ibérica SA

Council Directive 2000/78/EC of 27 November 2000 establishing a general framework for equal treatment in employment and occupation must be interpreted as meaning that the state of health of a worker categorised as being particularly susceptible to occupational risks, within the meaning of national law, which prevents that worker from carrying out certain jobs on the ground that such jobs would entail a risk to his or her own health or to other persons, only falls within the concept of ‘disability’, within the meaning of that directive, where that state leads to a limitation of capacity arising from, inter alia, long-term physical, mental or psychological impairments which, in interaction with various barriers, may hinder the full and effective participation of the person concerned in their professional life on an equal basis with other workers. It is for the national court to determine whether those conditions are satisfied in the main proceedings.

Article 2(2)(b)(ii) of Directive 2000/78 must be interpreted as meaning that dismissal for ‘objective reasons’ of a disabled worker on the ground that he or she meets the selection criteria taken into account by the employer to determine the persons to be dismissed, namely having productivity below a given rate, a low level of multi-skilling in the undertaking’s posts and a high rate of absenteeism, constitutes indirect discrimination on grounds of disability within the meaning of that provision, unless the employer has beforehand provided that worker with reasonable accommodation, within the meaning of Article 5 of that directive, in order to guarantee compliance with the principle of equal treatment in relation to persons with disabilities, which it is for the national court to determine.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — CONSUMER PROTECTION — CREDIT AGREEMENTS FOR CONSUMERS — DIRECTIVE 2008/48/EC — ARTICLE 16(1) — EARLY REPAYMENT — RIGHT OF THE CONSUMER TO A REDUCTION IN THE TOTAL COST OF THE CREDIT, CONSISTING OF THE INTEREST AND THE COSTS FOR THE REMAINING DURATION OF THE CONTRACT

ECJ, 11 September 2019, Case C-383/18, Lexitor Sp. z o.o v Spółdzielcza Kasa Oszczędnościowo – Kredytowa im. Franciszka Stefczyka and Others

Article 16(1) of Directive 2008/48/EC of the European Parliament and of the Council of 23 April 2008 on credit agreements for consumers and repealing Council Directive 87/102/EEC must be interpreted as meaning that the right of the consumer to a reduction in the total cost of the credit in the event of early repayment of the credit includes all the costs imposed on the consumer.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — CITIZENSHIP OF THE UNION — ARTICLE 21 TFEU — RIGHT OF UNION CITIZENS AND THEIR FAMILY MEMBERS TO MOVE AND RESIDE FREELY IN THE TERRITORY OF A MEMBER STATE — DIRECTIVE 2004/38/EC — ARTICLE 3(1) AND ARTICLES 15, 27, 28, 30 AND 31 — DEFINITION OF ‘BENEFICIARY’ — THIRD-COUNTRY NATIONAL, THE SPOUSE OF A UNION CITIZEN WHO HAS EXERCISED HIS RIGHT TO FREEDOM OF MOVEMENT — RETURN OF THE UNION CITIZEN TO THE MEMBER STATE OF WHICH HE IS A NATIONAL, WHERE HE IS SERVING A PRISON SENTENCE — REQUIREMENTS IMPOSED ON THE HOST MEMBER STATE UNDER DIRECTIVE 2004/38/EC WHEN MAKING A DECISION TO REMOVE SUCH A THIRD-COUNTRY NATIONAL

ECJ, 10 September 2019, Case C-94/18, Nalini Chenchooliah v Minister for Justice and Equality

Article 15 of Directive 2004/38/EC of the European Parliament and of the Council of 29 April 2004 on the right of citizens of the Union and their family members to move and reside freely within the territory of the Member States, amending Regulation (EEC) No 1612/68 and repealing Directives 64/221/EEC, 68/360/EEC, 72/194/EEC, 73/148/EEC, 75/34/EEC, 75/35/EEC, 90/364/EEC, 90/365/EEC and 93/96/EEC, is to be interpreted as being applicable to a decision to expel a third-country national on the ground that that person no longer has a right of residence under the directive in a situation, such as that at issue in the main proceedings, where the third-country national concerned married a Union citizen at a time when that citizen was exercising his right to freedom of movement by moving to and residing with that third-country national in the host Member State and, subsequently, the Union citizen returned to the Member State of which he is a national. It follows that the relevant safeguards laid down in Articles 30 and 31 of Directive 2004/38 are applicable when such an expulsion decision is adopted and it is not possible, under any circumstances, for such a decision to impose a ban on entry into the territory.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — ARTICLE 99 OF THE RULES OF PROCEDURE OF THE COURT OF JUSTICE — FREEDOM OF MOVEMENT FOR WORKERS — EQUAL TREATMENT — ARTICLE 45 TFEU — REGULATION (EC) NO 883/2004 — ARTICLE 4 — SOCIAL SECURITY CONVENTION CONCLUDED BETWEEN THE MEMBER STATE OF EMPLOYMENT AND A NON-MEMBER COUNTRY — FAMILY ALLOWANCES — APPLICATION TO A FRONTIER WORKER WHO IS NEITHER A NATIONAL NOR A RESIDENT OF ONE OF THE CONTRACTING STATES TO THE CONVENTION

ECJ, 5 September 2019, Case C‑801/18,  EU v. Caisse pour l’avenir des enfants

Article 45 TFEU, read in conjunction with Article 4 of Regulation (EC) No 883/2004 of the European Parliament and of the Council of 29 April 2004 on the coordination of social security systems, must be interpreted as precluding the refusal by the competent authorities of one Member State to pay to a national of a second Member State, who works in the first Member State without living there, family allowances for his child living in a non-member country with her mother when, under identical conditions for the grant of those benefits, those competent authorities recognise the entitlement of their own nationals and residents to family benefits pursuant to a bilateral international convention concluded between the first Member State and that non-member country, unless those authorities can put forward an objective justification for refusing to do so.

 



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