NEWSLETTER NOVEMBRE 2020

NEWSLETTER NOVEMBRE 2020

  1. Droit du travail et sécurité sociale
  2. Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation
  3. Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
  4. Cour de Justice de l’Union Européenne

 

 

Droit du travail et sécurité sociale

 

 

CONTRAT DE TRAVAIL – MISE A LA DISPOSITION D’UN SALARIE.
CASS., SOC., 14 OCTOBRE 2020, N°19-12275.

 

M. A… a été engagé, le 30 mars 2009, par la société Emailvision, devenue la société Smartfocus France, en qualité d’ingénieur commercial. Il y exerçait, en 2011, les fonctions de directeur commercial.

Au mois d’avril 2011, il a occupé, au Canada, un poste de directeur commercial, puis a été engagé, au début de l’année 2012, par la société filiale de droit américain Emailvision Inc., comme directeur commercial. Il a été licencié par cette dernière par lettre du 15 avril 2013.

La société Smartfocus France a proposé au salarié de le réintégrer en son sein, en France, à un poste de responsable des ventes, à compter du 1er mai 2013.

Elle a licencié celui-ci, pour faute grave, par lettre du 16 août 2013, en lui reprochant, en particulier, un abandon de poste.

Aux termes de ‘article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.

Il en résulte que lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi.

Pour condamner la société Smartfocus France au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, l’arrêt retient comme salaire de référence non pas le salaire moyen perçu aux États-Unis, mais celui antérieur à la période de détachement.

Selon l’article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.

Il en résulte que, en l’absence d’offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l’importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, cette dernière est tenue, jusqu’à la rupture du contrat de travail la liant au salarié, au paiement des salaires et des accessoires de rémunération du dernier emploi, dès lors que le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur.

Pour débouter le salarié de ses demandes de paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire et de droits à congés payés afférents pour la période d’avril à août 2013, ainsi que le condamner à rembourser à la société Smartfocus France une certaine somme représentant le montant de l’avantage logement, l’arrêt retient que le salarié n’a jamais rejoint le poste proposé par cette société ni exécuté la moindre prestation de travail en sorte qu’il ne peut ni prétendre au salaire correspondant à l’emploi qu’il n’a jamais occupé ni bénéficier des avantages qui y sont attachés.

En statuant ainsi après avoir constaté que l’offre de réintégration proposée par l’employeur n’était pas compatible avec l’importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

DELEGUES DU PERSONNEL – SALARIES INTERIMAIRES – INDEMNITE COMPENSATRICE DE CONGES PAYES.
CASS., SOC., 12 OCTOBRE 2020, N°19-11508.

 

Le 1er septembre 2013, M. M…, délégué du personnel au sein de la société Manpower (la société) pour la région Languedoc-Roussillon, a exercé son droit d’alerte. Il a demandé à la société la réalisation d’une enquête conjointe portant sur les modalités de calcul de l’indemnité de congés payés des salariés intérimaires. Le 16 septembre 2013, la société a refusé. Le 20 décembre suivant, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’injonction sous astreinte afin que la société réintègre les primes dont le versement ne dépend pas de la durée effective du travail dans le calcul des indemnités compensatrices de congés payés et d’une demande d’injonction sous astreinte afin que la société recherche les paies des salariés intérimaires calculées après le 17 décembre 2013 pour lesquelles le calcul des indemnités compensatrices de congés payés doit être recalculé. Le syndicat national du travail temporaire CFTC (le syndicat) est intervenu à la procédure.

Aux termes de l’article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, si un délégué du personnel constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, résultant notamment de toute mesure discriminatoire en matière de rémunération et qu’après en avoir saisi l’employeur, qui doit procéder sans délai à une enquête avec le délégué et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation, en cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec lui, le délégué du personnel, si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui peut ordonner toute mesure propre à faire cesser cette atteinte.

La cour d’appel ayant constaté, par motifs adoptés, qu’elle était saisie de l’exercice d’un droit d’alerte, fondé sur le mode de calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires, a décidé à bon droit que cette demande n’entrait ainsi pas dans les prévisions de l’article L. 2313-2 du code du travail.

 

CONTRAT DE RETRAITE SUPPLEMENTAIRE – CSG ET CRDS.
CASS., CIV., 2EME, 8 OCTOBRE 2020, N°19-16078.

 

M. Y… (l’assuré) a bénéficié d’un contrat collectif de retraite supplémentaire à cotisations définies souscrit par son employeur auprès de la société Allianz vie (l’assureur).

L’assuré a sollicité, en 2017, le rachat total de son contrat, en application de l’article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances. L’assureur ayant déduit du montant versé à l’intéressé une certaine somme au titre des prélèvements sociaux, ce dernier a saisi d’un recours un tribunal d’instance.

Selon l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, applicable au litige, sont inclus dans l’assiette de la contribution sur les revenus d’activité et de remplacement perçue au titre de la contribution sociale généralisée (CSG), pour leur montant brut, les traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l’article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3, ainsi que tous les avantages en nature ou en argent accordés aux intéressés en sus des revenus susvisés. Sont également incluses dans l’assiette de cette contribution les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, à l’exception de celles visées au cinquième alinéa de l’article L. 242-1 et de celles destinées au financement des régimes de retraite visés au I de l’article L. 137-11.

Selon l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée, la contribution sur les revenus d’activité et de remplacement perçue au titre de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) est assise sur les revenus visés, notamment, à l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale.

Selon l’article L. 241-2, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, applicable au litige, les cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont assises, d’une part, sur les avantages de retraite, soit qu’ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l’employeur, soit qu’ils aient donné lieu à rachat de cotisations ainsi que sur les avantages de retraite versés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1 du présent code, à l’exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires, d’autre part, sur les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 131-2.

Il résulte de ces dispositions que n’entrent pas dans l’assiette de la contribution sur les revenus d’activité et de remplacement perçue au titre de la CSG et de la CRDS, ni dans celle de la cotisation due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, les sommes versées au bénéficiaire d’un contrat de retraite supplémentaire à cotisations définies qui exerce la faculté de rachat prévue à l’article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige.

Le litige soumis au tribunal se rapporte à l’assujettissement aux contributions sur les revenus d’activité et de remplacement perçues au titre de la CSG et de la CRDS ainsi qu’à la cotisation due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, des sommes versées à la suite du rachat d’un contrat de retraite supplémentaire d’entreprise.

Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l’article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du même code, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

 

ACCIDENT DU TRAVAIL – FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR.
CASS., CIV., 2EME, 8 OCTOBRE 2020, N°19-13730.

 

Le 8 octobre 2010, M. S… (la victime), salarié de la société Screg Ile-de-France Normandie, aux droits de laquelle vient la société Colas Ile-de-France Normandie (l’employeur), a été victime d’un accident que la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (la caisse) a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle. Sur le recours de la victime, le caractère professionnel de l’accident a été reconnu par un tribunal des affaires de sécurité sociale, par jugement du 28 janvier 2014, devenu irrévocable. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Selon l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2010, applicable au litige, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit, si le caractère professionnel de l’accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n’est pas reconnu, ou à l’employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief. Il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard.

Pour dire que les dépenses afférentes à l’accident du travail de la victime seront inscrites au compte de l’employeur, l’arrêt constate qu’il est constant, d’une part, que la caisse avait refusé de prendre en charge l’accident déclaré par l’employeur au titre de la législation professionnelle et que cette décision est définitive à l’égard de l’employeur, d’autre part, que par décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 janvier 2014, à l’issue d’une procédure dans le cadre de laquelle l’employeur, bien que régulièrement mis en cause, n’avait pas comparu, le caractère professionnel de l’accident a été reconnu et que cette décision est définitive. Il retient que la cour «ne peut que, non pas dire la décision de prise en charge opposable à la société», mais qu’il doit être fait droit à l’action récursoire de la caisse dans l’hypothèse où la faute inexcusable de l’employeur serait retenue.

En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la décision de la caisse de refuser la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle était définitive à l’égard de l’employeur, ce dont il résultait que les dépenses afférentes à l’accident du travail ne pouvaient être inscrites au compte de l’employeur, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014 que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l’employeur.

Pour dire que les dépenses afférentes à l’accident du travail de la victime et à la majoration de rente seront inscrites au compte de l’employeur, l’arrêt constate qu’il est constant, d’une part, que la caisse avait refusé de prendre en charge l’accident déclaré par l’employeur au titre de la législation professionnelle et que cette décision est définitive à l’égard de l’employeur, d’autre part, que par décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 janvier 2014, à l’issue d’une procédure dans le cadre de laquelle l’employeur, bien que régulièrement mis en cause, n’avait pas comparu, le caractère professionnel de l’accident a été reconnu et que cette décision est définitive. Il retient que la cour ne peut que, « non pas dire la décision de prise en charge opposable à la société », mais qu’il doit être fait droit à l’action récursoire de la caisse dans l’hypothèse où la faute inexcusable de l’employeur serait retenue.

En statuant ainsi, alors que la majoration de rente fait l’objet de l’action récursoire de la caisse dans les conditions prévues aux textes susvisés, la cour d’appel a violé ces derniers.

 

CONVENTION NATIONALE DES INFIRMIERES ET DES INFIRMIERS LIBERAUX – REMBOURSEMENT D’UN INDU.
CASS., CIV., 2EME, 8 OCTOBRE 2020, N°19-20000.

 

La caisse primaire d’assurance maladie de la Meuse (la caisse) a demandé, par courrier du 21 mai 2015, à M. C…, infirmier libéral qui avait fait appel à une infirmière remplaçante, pour la période du 10 mai 2013 au 20 août 2014, le remboursement d’une certaine somme en répétition d’indu pour non-respect des règles de la convention nationale des infirmières et des infirmiers libéraux.

Après rejet de son recours amiable, M. C… a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

N’ayant d’autre objet que la restitution des sommes afférentes au non-respect des règles de tarification, de facturation ou de distribution des actes, soins et prestations pris en charge par l’assurance maladie et maternité, l’action en recouvrement de l’indu engagée par l’organisme social en application de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ne revêt pas la nature d’une sanction à caractère de punition au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme. Elle est, dès lors, exclusive de tout contrôle de l’adéquation du montant des sommes dues à la nature et à la gravité des manquements commis par le professionnel ou l’établissement de santé.

Le litige dont la cour d’appel était saisie, se rapportait au remboursement d’un indu afférent au non-respect des clauses de la convention nationale des infirmiers, lesquelles sont au nombre des règles de tarification, de facturation ou de distribution mentionnées à l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.

Il en résulte que la cour d’appel n’avait pas à procéder au contrôle prétendument omis.

 

OBLIGATION LEGALE DE SECURITE ET DE PROTECTION DE LA SANTE – FAUTE INEXCUSABLE.
CASS., CIV., 2EME, 8 OCTOBRE 2020, N°18-26677.

 

M. Y… (la victime), salarié de 1962 à 1996 des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues l’établissement public Charbonnages de France, aux droits duquel vient l’Agent judiciaire de l’État (l’employeur), a été reconnu atteint de silicose, maladie inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles, par décision du 5 juillet 2013 de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines.
La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Pour dire que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable, l’arrêt relève, d’une part, que s’agissant de la foration, l’instruction de 1956 admet la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, d’autre part, que s’agissant des conditions d’arrosage et d’humidification des poussières, MM. V… et H…, seuls témoins ayant travaillé avec la victime, font uniquement état d’un environnement poussiéreux du fait d’un manque d’arrosage d’eau, sans aucune description des moyens de protection existants, de sorte que la cour n’est pas en mesure d’apprécier la faute de l’employeur dans la mise en place des mesures pour protéger la victime et que, s’agissant des masques, celle-ci qui soutient que l’employeur ne lui fournissait pas de masque avant 1965 ne produit aucun élément permettant de démontrer ce qu’elle allègue et qu’il ressort de l’attestation de M. H…, ancien collègue direct, que celui-ci portait effectivement un masque et qu’il n’apporte toutefois aucune précision concernant l’efficacité des masques fournis et l’effort de distribution de l’employeur.

En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations une inefficacité des mesures de protection mises en œuvre par l’employeur, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

 

OBLIGATION LEGALE DE SECURITE ET DE PROTECTION DE LA SANTE – FAUTE INEXCUSABLE.
CASS., CIV., 2EME, 8 OCTOBRE 2020, N°18-25021.

 

M. U…, salarié en qualité de conducteur receveur de la société N’4 Mobilités (l’employeur), a été victime d’une agression physique, à bord de l’autobus qu’il conduisait. La caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne ayant pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, M. U… a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Le manquement à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Pour dire que la connaissance par l’employeur d’un danger antérieurement à l’accident n’est pas établie et rejeter la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de celui-ci, l’arrêt retient qu’au jour de l’accident, seules quatre agressions en vingt mois avaient été signalées sur la ligne. Il relève que si, à l’évidence, M. U… souhaitait changer de ligne, il ne justifie pas avoir signalé à son employeur les injures, humiliations et menaces dont il faisait état dans son courrier du 29 juillet 2008, faits distincts de l’agression qui s’est réalisée. Il ajoute qu’aucun élément ne permet de démontrer qu’avant cette date, l’employeur connaissait ce danger particulier d’agression, et que, des attestations produites, il ressort que dès que la direction a été informée de son souhait de changer de ligne, elle a recherché à le remplacer, le 30 juillet, mais n’a trouvé personne, les autres collègues refusant. Il précise, enfin, que si le document unique d’évaluation des risques répertorie bien le risque d’agression lors de la vente et du contrôle des titres de transports et le risque de stress lié à la présence de public, aucune réunion du CHSCT n’alerte sur ce danger particulier d’agression avant l’accident, que ce n’est que dans le procès-verbal de réunion du CHSCT du 5 février 2009 qu’il est mentionné un projet de vidéo-surveillance et que ce système sera effectivement mis en place, début 2013, pour l’ensemble des véhicules de transport de la société.

En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque d’agression physique auquel étaient exposés les conducteurs, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

 

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL – PREUVE.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°19-12058.

 

Mme X… a été engagée à compter du 1er juillet 2010 en qualité de chef de projet export par la société Petit Bateau. Par lettre du 15 mai 2014, elle a été licenciée pour faute grave, notamment pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité en publiant le 22 avril 2014 sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 présentée exclusivement aux commerciaux de la société.

Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.
D’abord, si en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve, la cour d’appel, qui a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de Mme X…, a pu en déduire que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal.

Ensuite, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

La production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée.

Cependant, la cour d’appel a constaté que, pour établir un grief de divulgation par la salariée d’une information confidentielle de l’entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l’employeur s’était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité et qu’il n’avait fait procéder à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte.

En l’état de ces constatations, la cour d’appel a fait ressortir que cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

 

ACCORD COLLECTIF – CONTRAT DE DE TRAVAIL INTERMITTENT.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N° 18-24909, 18-24910 ET 18-24912.

 

MM. K…, T… et Q… ont été engagés par la société Taylor Nelson Sofres par contrats à durée déterminée d’usage. Ils ont ensuite chacun conclu un contrat de chargé d’enquête intermittent à garantie annuelle (dit CEIGA).

Le 12 juillet 2012, les salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes de requalification des contrats en contrat à durée indéterminée à temps complet, de demandes en paiement d’une indemnité de requalification, de rappels de salaires et congés payés afférents. Ils ont été licenciés pour motif économique le 2 janvier 2014.

Selon l’article L. 3123-33 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui comporte notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail, la répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes. Il en résulte que les dispositions de l’article L. 3123-14 du code du travail, qui prévoient que le contrat de travail à temps partiel précise la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ne sont pas applicables au contrat de travail intermittent.

Pour requalifier les contrats de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, les arrêts retiennent qu’il est stipulé dans le contrat de travail intermittent ‘’vos horaires de travail, qui impliquent un travail, soit pendant la journée, le soir et/ou le samedi, seront variables en fonction de la charge d’enquêtes. Vous vous engagez à accepter indifféremment des études de journée, du soir et du samedi ‘’, qu’ainsi n’étaient déterminés, ni le temps de travail hebdomadaire ou mensuel, ni la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, qu’il importe peu que l’employeur établisse que le salarié au moins sur certaines périodes remplissait un planning dans lequel il indiquait les périodes durant lesquelles il était indisponible, que la société ne rapporte pas la preuve qu’en pratique, sinon selon les termes du contrat, il s’agissait d’un emploi défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 3123-14 du code du travail et L. 3123-33 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Il résulte de l’article préambule de l’annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dont les dispositions ont été maintenues en vigueur par l’article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, que les chargés d’enquête intermittents à garantie annuelle (CEIGA) exercent leur activité dans le cadre du travail intermittent tel qu’il est défini aux articles L. 212-4-8 et suivants du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.

Selon l’article L. 212-4-9 du code du travail alors en vigueur, auquel renvoie l’accord collectif, le contrat de travail intermittent doit faire mention des périodes pendant lesquelles le salarié travaille. Dans le cas où la nature de l’activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention collective ou l’accord étendu détermine les adaptations nécessaires.

En application de ces dispositions, l’article 3 de l’annexe précitée dispose que la nature des activités d’enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes. Les périodes de travail n’étant pas définies au contrat, l’employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables. Toutefois, l’employeur pourra faire appel aux chargés d’enquête intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur. L’article 8 de cette même annexe prévoit que l’engagement d’un chargé d’enquête intermittent à garantie annuelle doit être constaté par un écrit faisant référence aux dispositions de la présente convention. Cet écrit précise notamment la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, le montant de sa garantie annuelle, le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévus à l’article 3 de la présente annexe.

Il en résulte que les contrats de travail intermittent conclus en application de cet accord collectif n’ont pas à mentionner les périodes travaillées.

Pour requalifier les contrats de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, les arrêts retiennent qu’en ce qui concerne la requalification du contrat CEIGA en contrat à temps complet, aux termes de l’article L. 3123-31 du code du travail dans sa rédaction applicable, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées ou de périodes non travaillées, que selon l’article L. 3123-33 du même code, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, qui mentionne notamment la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes, que la requalification s’impose faute d’avoir prévu dans le contrat intermittent les périodes de travail et les périodes de suspension d’activité.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du code du travail dans leur version applicable au litige, l’article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, les articles L. 3123-33 et L. 3123-35 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’article préambule de l’annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, les articles 3 et 8 de l’annexe 4-2 se rapportant aux chargés d’enquête intermittents à garantie annuelle.

 

VRP – LICENCIEMENT.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°18-18266.

 

Mme I… a été engagée, le 30 juillet 1997, en qualité d’hôtesse d’accueil, par la société Le Dôme immobilier. A compter du 2 janvier 1998, elle a exercé les fonctions de négociateur immobilier voyageur, représentant, placier (VRP) exclusif.

Licenciée le 25 avril 2014, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes liées à la rupture de son contrat de travail.

La Fédération nationale de l’immobilier est intervenue volontairement à l’instance en cause d’appel.

Il résulte, d’une part, de la décision rendue le 17 janvier 1986 par le Conseil d’Etat, qui a annulé l’arrêté du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale du 5 octobre 1983 élargissant l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 (CE, 17 janvier 1986, n° 55717-57404), que cet accord ne s’applique pas aux salariés relevant de la branche des agents immobiliers et des mandataires en vente de fonds de commerce. D’autre part, selon l’avenant n° 31 du 15 juin 2006, relatif au nouveau statut de négociateur immobilier, à la convention collective nationale de l’immobilier du 9 septembre 1988, étendu par arrêté du 5 juin 2007, les dispositions de l’accord national interprofessionnel des VRP précité ne sont pas applicables aux négociateurs immobiliers VRP lesquels dépendent exclusivement de la convention collective de l’immobilier.

Ayant constaté que la salariée exerçait les fonctions de négociateur immobilier VRP, relevant de la branche des agents immobiliers et des mandataires de vente en fonds de commerce, ce dont il résultait que s’appliquaient exclusivement les dispositions de la convention collective nationale de l’immobilier, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à des recherches inopérantes, en a exactement déduit que les dispositions des articles 14 et 17 de l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 n’étaient pas applicables.

 

JOURNALISTE – LICENCIEMENT.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°19-12885.

 

M. K… a été engagé, le 29 juillet 1981, en qualité de journaliste rédacteur stagiaire par l’Agence France Presse (l’AFP) puis titularisé le 1er février 1982.

Licencié pour faute grave le 14 avril 2011, il a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir paiement de diverses indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’AFP s’est désistée de l’appel qu’elle avait formé contre le jugement de condamnation au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rendu le 24 septembre 2014.

Le 28 août 2012, le journaliste a saisi la commission arbitrale des journalistes. Celle-ci a retenu sa compétence pour statuer sur sa demande d’indemnité de licenciement et condamné l’AFP au paiement d’une certaine somme.

L’AFP a formé un recours en annulation contre cette décision.

Il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit.

Ayant rappelé que l’article L. 7111-3 du code du travail qui fixe le champ d’application des dispositions du code du travail particulières aux journalistes professionnels définit ceux-ci comme toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources et relevé que les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du même code ne prévoyaient pas expressément que leur champ d’application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques, la cour d’appel, qui a retenu, à bon droit, que si une restriction apparaissait dans l’article L. 7112-2 du code du travail relatif au préavis, elle ne saurait être étendue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4, en a exactement déduit que la demande d’annulation de la sentence, qui avait accueilli la demande de fixation de l’indemnité de licenciement du salarié en application de ce dernier texte, devait être rejetée.

La commission arbitrale chargée de fixer l’indemnité de licenciement d’un journaliste peut être saisie par tous journalistes professionnels travaillant au service d’une entreprise de presse, quelle qu’elle soit.

 

CHAUFFEUR POIDS-LOURDS – LICENCIEMENT.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°19-13122.

 

M. G… a été engagé en qualité de chauffeur poids-lourds le 2 décembre 1997 par la société Transports Moulinois et a été victime d’un accident du travail le 9 janvier 2015.

Déclaré inapte à son poste, apte à un autre avec réserves, à l’issue de deux examens médicaux le 29 août 2016, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 octobre 2016.

Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale.

D’une part, l’article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, n’imposant aucune forme particulière pour recueillir l’avis des délégués du personnel quant au reclassement d’un salarié déclaré inapte, la cour d’appel, qui a constaté que la délégation unique du personnel, dans ses attributions de délégation du personnel, avait été consultée et que chaque élu avait émis un avis, a légalement justifié sa décision.

D’autre part, l’adhésion à un groupement d’intérêt économique n’entraînant pas en soi la constitution d’un groupe, la cour d’appel, qui a constaté, en l’état des éléments qui lui étaient soumis tant par l’employeur que par le salarié, qu’il n’était pas établi que l’organisation du réseau France Express permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel, a retenu, sans méconnaître les règles relatives à la charge de la preuve, que ces sociétés ne faisaient pas partie d’un même groupe de reclassement.

 

ETABLISSEMENT PUBLIC – CONVENTION DE RUPTURE.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°19-15675.

 

M. J… a été engagé le 20 novembre 2012 en qualité de chargé de travaux par l’établissement public Cus Habitat-Office public d’habitat de l’eurométropole de Strasbourg. Le 28 février 2018, les parties ont conclu une convention de rupture qui, après homologation par l’autorité administrative, a pris effet le 20 avril suivant.

Soutenant que l’indemnité de rupture conventionnelle aurait dû être calculée conformément aux dispositions de l’article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011, M. J… a saisi la formation de référé d’un conseil de prud’hommes pour contester le montant de cette indemnité. Le syndicat interco 67 CGDT du Bas-Rhin (le syndicat) est intervenu à l’instance.

Selon l’article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 du code du travail.

Les articles R. 1234-1, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail, pris en application de l’article L. 1234-9 du code du travail auquel ils font référence, déterminent le taux et les modalités de cette indemnité de licenciement.

La cour d’appel a exactement retenu que le salarié ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 pour déterminer le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

 

CONDUCTEUR LONGUE DISTANCE – LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE ET IMPOSSIBILITE DE RECLASSEMENT.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°19-11974.

 

M. A…, engagé le 18 novembre 1991 en qualité de conducteur longue distance par la société Galopin transports, aux droits de laquelle vient la société Transports Murie-Galopin (la société), a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 mai 2015.

Le 14 septembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail.

Ayant été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l’issue d’un examen du 10 mars 2017, M. A… a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a formé des demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

Aux termes de l’article L. 1226-2 alinéas 2 et 3, du code du travail, en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Aux termes de l’article L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 du second de ces textes, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Il résulte de ces textes que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Pour rejeter les demandes du salarié au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt, après avoir relevé que l’obligation de consultation des délégués n’avait pas été respectée, retient que ce manquement n’a pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’au surplus, le salarié n’a pas formé de demande distincte de celle présentée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant observé que l’article L. 1226-15 du code du travail issu de la loi du 8 août 2016 ne sanctionne le défaut d’avis des délégués du personnel que lorsqu’il intervient dans le cadre d’une inaptitude professionnelle.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

SALARIEE ENCEINTE – LICENCIEMENT.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°19-12036.

 

M. A…, engagé en qualité de conseiller technique client à compter du 22 mai 2012 par la société Somfy (la société), a pris trois jours de congés du 23 au 25 novembre 2015 à la suite de la naissance de son enfant le 20 novembre 2015 et a bénéficié de la période de protection de quatre semaines prévue à l’article L. 1225-4-1 du code du travail, jusqu’au 18 décembre 2015.

Le salarié a été convoqué le 26 novembre 2015 à un entretien préalable qui s’est tenu le 10 décembre 2015 et a été licencié le 23 décembre 2015 pour insuffisance professionnelle.

Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale.

Selon l’article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

Pour déclarer nul le licenciement prononcé le 23 décembre 2015, l’arrêt retient que la protection de la maternité et/ou lors de la naissance d’un enfant au titre du droit interne est conforme au droit communautaire et notamment à l’article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 qui impose aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection de la maternité ou lors de la naissance d’un enfant et que sont sanctionnés les actes préparatoires à un licenciement pendant la période de protection du salarié, quels que soient les motifs du licenciement.

En statuant ainsi, alors que l’article L. 1225-4-1 du code du travail, qui ne met pas en œuvre l’article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, interdit à l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de l’enfant, sauf s’il justifie d’une faute grave ou de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

TELEVENDEUR – CONVENTION COLLECTIVE – PERIODES DE SUSPENSION POUR MALADIE.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°18-18265.

 

M. K… a été engagé en qualité de télévendeur le 9 septembre 2009 par la société Central médical.

Le salarié a été en arrêt maladie du 3 au 10 juin 2011, du 22 juin au 30 juin 2011, puis du 1er juillet au 30 septembre 2011.

Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 14 septembre 2011 et a saisi la juridiction prud’homale.

Il résulte de l’article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique et l’article L. 1234-8 du code du travail que la durée du préavis est de deux mois en cas de licenciement pour les salariés ayant une ancienneté égale ou supérieure à deux ans, et qu’en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, la période de suspension du contrat de travail pour maladie n’entre pas en compte pour la détermination de la durée d’ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions.

Pour condamner l’employeur à payer au salarié diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, l’arrêt retient que le calcul de l’ancienneté à prendre en compte pour le droit à indemnité compensatrice de préavis ne doit pas exclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie puisque, contrairement à l’article L. 1234-8 du code du travail, la convention collective ne les exclut pas.

En statuant ainsi, alors que la convention collective ne prévoit pas que les périodes de suspension pour maladie entrent en compte pour le calcul de l’ancienneté, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

ACCIDENT DU TRAVAIL – INAPTITUDE MEDICALE.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°19-16488.

 

M. B… a été engagé le 23 janvier 2013 par la société Médica service en qualité d’agent d’exploitation polyvalent.

Il a été placé en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail, et déclaré inapte par le médecin du travail à l’issue des visites de reprise des 9 et 23 juillet 2015.

Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 août 2015, et a saisi la juridiction prud’homale.

Selon l’article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

Pour débouter le salarié de sa demande au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que si les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail exigent que l’avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l’absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l’article L. 1226-12 du même code.

En statuant ainsi, alors que le salarié ayant été déclaré inapte à l’issue d’une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, il appartenait à l’employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement avant d’engager la procédure de licenciement, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE – ELECTIONS.
CASS., SOC., 30 SEPTEMBRE 2020, N°19-15505.

 

L’élection au premier tour de scrutin le 6 décembre 2018, en qualité de membre titulaire de la délégation au comité social et économique de l’EPIC Habitat Sud Atlantic, de M. V… a été annulée pour non-respect des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes par la liste de candidats présentée par le syndicat Sud logement social par jugement du 13 février 2019.

L’employeur a saisi le 20 mars 2019 le tribunal d’instance en omission de statuer aux fins d’annuler la candidature de M. V….

Le salarié soulève l’irrecevabilité du pourvoi, faute pour l’employeur de lui avoir notifié le mémoire ampliatif.

En matière d’élections professionnelles, aux termes de l’article 1005 du code de procédure civile, lorsqu’un mémoire est produit par le demandeur, celui-ci doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, en notifier, dans le mois de la déclaration, copie au défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception. Par ailleurs, aux termes de l’article 668 du code de procédure civile, sous réserve de l’article 647-1, la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre.

Il résulte de ces textes que l’obligation faite au demandeur au pourvoi de notifier copie du mémoire ampliatif au défendeur est remplie lorsqu’il expédie, dans le délai de l’article 1005 du code de procédure civile, la lettre recommandée avec accusé de réception de notification.

Il ressort des productions que l’employeur a expédié le 20 mai 2019, soit dans le délai d’un mois de sa déclaration de pourvoi, les lettres recommandées avec accusé de réception à tous les défendeurs au pourvoi, dont le salarié à l’adresse, pour ce dernier, mentionnée dans le jugement de première instance dont il avait reçu la notification faite par le greffe du tribunal d’instance.

L’employeur fait grief au jugement de le débouter de sa demande d’annulation de la candidature de M. V…, alors « que l’annulation des élections entraîne de plein droit l’annulation de tous les actes préparatoires dont les actes de candidature, qu’ayant prononcé l’annulation de l’élection de M. V… et en refusant cependant de prononcer l’annulation de sa candidature au motif qu’aucune disposition ne prévoit la rétroactivité de l’annulation de l’élection, le tribunal d’instance a violé ensemble l’article L. 2314-32 du code du travail et le principe électoral précité. »

Aux termes de l’article L. 2314-32 du code du travail, la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2314-30 entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.

Il en résulte que l’annulation de l’élection d’un élu surnuméraire du sexe surreprésenté, seule sanction prévue par les dispositions précitées, ne fait perdre au salarié élu son mandat de membre du comité social et économique qu’à compter du jour où elle est prononcée et reste sans incidence sur sa candidature aux élections professionnelles.

Ayant constaté que l’élection de M. V… comme membre titulaire du comité social et économique au titre du premier collège avait été annulée à raison du non-respect, par la liste présentée par l’organisation syndicale sur laquelle il figurait, des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes, le tribunal d’instance en a exactement déduit que cette annulation était sans effet sur sa candidature.

L’employeur fait grief au jugement de le condamner aux dépens, alors « que, selon l’article R. 2314-25 du code du travail, le tribunal d’instance statue sans frais en matière électorale et qu’en condamnant l’Epic Habitat Sud Atlantic aux dépens, le tribunal d’instance l’a violé. »

En statuant ainsi, alors qu’en matière d’élections professionnelles, il est statué sans frais, le tribunal d’instance a violé l’article R. 2314-25 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019.

 

TRANSPORT SANITAIRE – ACCORD-CADRE SUR L’AMENAGEMENT ET LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL.
CASS., SOC., 23 SEPTEMBRE 2020, N°18-23474.

 

Les organisations syndicales et patronales du secteur du transport sanitaire ont conclu, le 4 mai 2000, un accord-cadre sur l’aménagement et la réduction du temps de travail des personnels de leurs entreprises, qui a par la suite été étendu par arrêté du 30 juillet 2001.

Un avenant à cet accord-cadre, relatif à la durée et à l’organisation du travail dans les activités du transport sanitaire a été conclu le 16 juin 2016 entre les organisations patronales, la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, la Fédération nationale des artisans ambulanciers, l’Organisation des transports routiers européens ainsi que la Chambre nationale des services d’ambulances, d’une part, et les organisations syndicales représentatives de salariés, la Fédération générale des transports et de l’équipement CFDT, la Fédération générale CFTC des transports et le Syndicat national des activités du transport et du transit, d’autre part.

La Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière–UNCP, qui avait participé aux négociations sans être signataire de l’accord, a saisi un tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de l’article 6 de cet accord, dont le dernier paragraphe était relatif à l’entretien de la tenue professionnelle, et de l’article 10 relatif aux modalités de décompte du temps de travail des personnels ambulanciers.

Le juge saisi d’un recours en nullité contre les conventions ou accords collectifs apprécie leur conformité au regard des dispositions légales et réglementaires en vigueur lors de la conclusion de ces conventions ou accords collectifs.

Selon l’article R. 3312-33 du code des transports, la durée hebdomadaire de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire est décomptée au moyen de feuilles de route hebdomadaires.

L’article 1er de l’arrêté du 19 décembre 2001 concernant l’horaire de service dans le transport sanitaire dispose, dans le même sens, que les durées de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire sont décomptées au moyen de feuilles de route hebdomadaires individuelles qui précisent les horaires de début et de fin de service, l’amplitude journalière de travail en heures, les lieux et horaires de prise de repas, l’exécution de tâches complémentaires et d’activités annexes, l’heure de prise de service le lendemain et le véhicule attribué pour la première mission du lendemain avec une partie réservée aux observations et aux signatures.

Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, d’une part, que les moyens d’enregistrement permettant le contrôle de la durée du travail envisagés par l’article 10 ne reprenaient pas toutes les informations contenues dans la feuille de route rendue obligatoire par l’article 1er de l’arrêté du 19 décembre 2001, et d’autre part, que la procédure de validation contradictoire des temps de travail lorsqu’ils étaient enregistrés par un autre moyen que la feuille de route ne permettait pas de vérifier que les modalités choisies offriraient autant de garanties que la feuille de route, la définition d’un modèle unique de feuille de route applicable à l’ensemble des salariés du secteur évitant pour les intéressés toute incertitude sur les modalités de décompte de leurs temps de travail, la cour d’appel en a exactement déduit que ces dispositions qui autorisaient le décompte du temps de travail par un document autre que la feuille de route obligatoire étaient illicites, peu important que les partenaires sociaux eussent prévu que les dispositions de l’accord litigieux entreraient en application le premier jour du mois civil suivant la parution de l’arrêté d’extension au journal officiel et demandé par ailleurs au ministre une évolution de la réglementation applicable.

 

OBLIGATION DE LOYAUTE – RUPTURE DE PREAVIS POUR FAUTE LOURDE.
CASS., SOC., 23 SEPTEMBRE 2020, N°19-15313.

 

M. E… a été engagé le 1er juillet 2014 par la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance (AMCM). Il a présenté sa démission le 23 mai 2016.

L’employeur lui a notifié la rupture de son préavis pour faute lourde le 23 juin 2016, et a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté.

La société AMCM fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes et de la condamner à payer au salarié des sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors « que manque gravement à son obligation de loyauté le salarié qui, étant au service de son employeur et sans l’en informer, crée une société dont l’activité est directement concurrente de la sienne, peu important que des actes de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle soient ou non établis, et qu’en retenant que les manquements de M. E… à son obligation de loyauté n’étaient pas caractérisés, sans avoir tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles M. E… avait constitué, avec son épouse, la société MCO (étant acquis aux débats que les statuts avaient été signés le 14 mai 2016 avant la démission de M. E… le 23 mai), immatriculée le 31 mai 2016, soit pendant son préavis, société qui, par son objet social et son implantation territoriale, était en concurrence directe avec la société AMCM, la cour d’appel a violé l’article L. 1222-1 du code du travail.»

La cour d’appel, qui a constaté que si la société constituée par le salarié avait été immatriculée pendant le cours du préavis, son exploitation n’avait débuté que postérieurement à la rupture de celui-ci, alors que le salarié n’était plus tenu d’aucune obligation envers son ancien employeur, en a exactement déduit qu’aucun manquement à l’obligation de loyauté n’était caractérisé.

Aucun manquement à l’obligation de loyauté n’est caractérisé lorsque le salarié constitue une société dont l’immatriculation est réalisée pendant le cours du préavis de sorte que son exploitation ne débute que postérieurement à la rupture du contrat de travail.

 

CONVENTION DE RUPTURE – PREUVE DE DE LA REMISE D’UN EXEMPLAIRE.
CASS., SOC., 23 SEPTEMBRE 2020, N°18-25770.

 

M. R… a été engagé le 1er juin 2000 par la société G…, devenue la société G… couverture, en qualité de couvreur, et occupait en dernier lieu les fonctions de couvreur chef d’équipe.

Le 17 juillet 2015, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail, avec effet au 5 septembre 2015.

En premier lieu, la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle.

En second lieu, en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.

La cour d’appel, qui a constaté qu’aucune mention de la remise d’un exemplaire de la convention n’avait été portée sur le formulaire, et qui a retenu que l’employeur n’apportait aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence de cette remise, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que la convention de rupture était nulle.

Le défaut de remise d’un exemplaire au salarié de la rupture conventionnelle est une cause de nullité de l’acte entraînant les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il appartient à l’employeur d’être en mesure de prouver la remise d’un exemplaire au salarié.

 

LICENCIEMENT – HARCELEMENT MORAL – MAUVAISE FOI DU SALARIE.
CASS., SOC., 16 SEPTEMBRE 2020, N°18-26696.

 

Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 2 novembre 2018), engagé le 6 juin 2011 par la société Alten Sud-Ouest en qualité d’ingénieur d’études, M. D… a été licencié le 6 novembre 2015.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour faire juger son licenciement nul en application des dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail, ordonner sa réintégration et condamner l’employeur au paiement de diverses sommes.

Aux termes de l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Selon l’article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Il s’en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.
La cour d’appel a constaté que le salarié avait persisté à reprocher mensongèrement à l’employeur de ne pas lui avoir donné « pendant plusieurs mois » les motifs de sa sortie de mission alors qu’ils avaient été portés à sa connaissance par écrit le 1er juin 2015, qu’il était à l’origine du blocage de toute communication sur ce point et qu’en dénonçant des faits qu’il savait inexistants de harcèlement moral, l’intéressé, déniant tout pouvoir d’appréciation de l’employeur sur son comportement et sur son travail, avait adopté une stratégie lui permettant de se soustraire aux différents entretiens qui étaient fixés par l’employeur et à la discussion contradictoire qu’il appelait pourtant de ses vœux. Elle a également retenu que la connaissance que le salarié avait de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral se déduisait, d’une part de la contradiction existant entre son souhait affiché d’obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s’expliquer loyalement avec l’employeur sur lesdits motifs, d’autre part du caractère répétitif des remerciements qu’il avait adressés à l’employeur et de l’expression réitérée de sa volonté d’ouverture au dialogue, alors qu’il avait mis en réalité en échec toutes les tentatives de l’employeur de parvenir à une communication constructive en refusant d’honorer tous les rendez-vous qui lui étaient donnés au mépris de ses obligations contractuelles.

La cour d’appel a ainsi caractérisé la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation des faits de harcèlement moral.

La mauvaise foi du salarié qui a dénoncé des faits de harcèlement moral peut être invoquée devant le juge même si l’employeur ne s’en est pas prévalu expressément dans la lettre de licenciement. Cette mauvaise foi peut se déduire d’un comportement contradictoire.

 

LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE – FAUTE.
CASS., SOC., 16 SEPTEMBRE 2020, N°18-25943.

 

Mme A…, engagée par l’association Epicentre à compter du 29 janvier 2002 et qui exerçait les fonctions de coordinatrice, a saisi le conseil de prud’hommes par requête du 6 août 2014 d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a été licenciée pour faute lourde le 12 septembre 2014.

La salariée a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale.

S’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

Pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel relève, s’agissant du grief relatif au non-encaissement des chèques correspondant aux droits d’emplacements de la braderie de juin 2004, que le fait de ne pas présenter cent trente-cinq chèques à la date convenue a entraîné un retard de trésorerie préjudiciable à l’association, ainsi qu’un préjudice d’image auprès des émetteurs de ces chèques qui ont été débités près de trois mois après la date prévue et ont dû s’assurer que le solde de leur compte bancaire permettait ce règlement. Si ces faits peuvent constituer des fautes, il ne ressort pas des éléments du dossier qu’ils caractérisent l’intention de nuire reprochée à la salariée pour fonder la décision de licenciement.

En se déterminant ainsi, sans rechercher si les faits ainsi reprochés à la salariée n’étaient pas constitutifs d’une faute grave ou d’une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail.

Après exclusion de la faute lourde par le juge prud’homal, il lui appartient de rechercher encore si les faits reprochés aux salariés sont constitutifs d’une faute grave ou d’une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

 

 

Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation

 

 

CONSOMMATION – PRET.
CASS., COM. 7 OCTOBRE 2020, N°19-14422.

 

M. U… a acquis des panneaux photovoltaïques auprès de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France, exerçant sous le nom commercial Groupe solaire de France (le vendeur).

M. et Mme U… (les emprunteurs) ont contracté, auprès de la société Banque Solfea, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas personal finance (la banque), un crédit affecté au financement de cette installation.

Le 12 novembre 2014, le vendeur a été mis en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny, la société […] étant désignée en qualité de liquidateur.

Les 6 et 11 février 2015, les emprunteurs ont assigné le liquidateur et la société Banque Solfea devant un tribunal d’instance en demandant la suspension du contrat de crédit, la résolution du contrat pour inexécution, l’annulation des contrats de vente et de crédit, la restitution par le prêteur des sommes d’ores et déjà versées, et sa condamnation à leur verser des dommages-intérêts.

M. et Mme U… font grief à l’arrêt de les déclarer irrecevables à agir en application de l’article 122 du code de procédure civile contre le liquidateur du vendeur et, en application de l’article L. 311-32 du code de la consommation contre la banque, alors « que le jugement d’ouverture d’une procédure collective interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Les actions en nullité du contrat ou en résolution pour inexécution d’une obligation de faire sont autorisées. Les emprunteurs demandaient à titre principal la nullité du contrat de prestation conclu avec la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France pour violation des dispositions d’ordre public du code de la consommation, et à titre subsidiaire sa résolution pour violation d’une obligation de faire. En estimant cette action soumise à l’arrêt des poursuites, la cour d’appel a violé l’article L. 622-21 du code de commerce. »

Selon l’article L. 622-21, I, du code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant : 1° à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ; 2° à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Pour déclarer les emprunteurs irrecevables à agir contre le liquidateur du vendeur et contre la banque, l’arrêt retient que les demandes d’annulation et de résolution formées par M. et Mme U… à l’encontre du vendeur affecteront nécessairement le passif de la liquidation et constituent une action prohibée, sauf à ce qu’il soit justifié d’une déclaration de créance et que, tel n’étant pas le cas, leur irrecevabilité à agir contre le vendeur leur interdit, en application de l’article L. 311-32 du code de la consommation, d’agir également contre le prêteur.

En statuant ainsi, alors que les emprunteurs fondaient leur demande d’annulation du contrat de vente sur la violation de l’article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, et leur demande subsidiaire de résolution sur l’inexécution de prestations, sans demander de condamnation du vendeur au paiement d’une somme d’argent ni invoquer le défaut de paiement d’une telle somme, ni même réclamer la restitution du prix de vente, de sorte que leurs demandes ne se heurtaient pas à l’interdiction des poursuites, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

BAIL COMMERCIAL – PROCEDURE DE SAUVEGARDE.
CASS., COM., 7 OCTOBRE 2020, N°19-14807.

 

La société Arvem a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde ouverte le 24 janvier 2013, la société […] étant désignée administrateur avec une mission de surveillance. Dès avant l’ouverture de la procédure, la société Arvem ne réglait plus les loyers qu’elle devait à son bailleur, la SCI FG immobilier (le bailleur). L’administrateur, informé dès le 22 février 2013 de l’absence de paiement des loyers, n’a pas pris l’initiative de la résiliation du bail. La procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire à la demande de l’administrateur le 6 mai 2013, et ce dernier, qui s’est alors vu confier une mission d’assistance, a informé le bailleur, le 30 mai suivant, de sa renonciation à la poursuite du bail. La liquidation judiciaire a été prononcée le 9 juillet 2013, M. I… étant désigné liquidateur. Ce dernier a remis les clés au bailleur le 12 juillet suivant.

Le bailleur, reprochant des fautes à la société […] dans sa gestion du contrat de bail, pendant l’exercice de sa mission d’administrateur, a recherché sa responsabilité.

Il résulte de la combinaison de l’article 1382, devenu 1240, du code civil et les articles L. 620-1, L. 622-1 et L. 622-13 du code de commerce que la procédure de sauvegarde, qui bénéficie à un débiteur qui n’est pas en état de cessation des paiements, est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. L’administrateur, qui n’a reçu qu’une mission de surveillance, ne peut donc être tenu pour responsable de l’exécution ou de l’inexécution fautives du bail des locaux d’exploitation de l’entreprise, lequel s’est poursuivi de plein droit, tant qu’il n’a pas pris parti sur sa poursuite, dès lors que sa principale mission est d’établir le bilan économique de l’entreprise et de proposer un plan de sauvegarde.

Pour retenir la responsabilité de la société […] pour s’être abstenue de résilier le bail cependant que les loyers n’étaient pas payés depuis l’ouverture de la procédure, l’arrêt relève d’abord que l’administrateur a été informé du non-paiement des loyers dès le 22 février 2013, soit moins d’un mois après l’ouverture de la procédure, et que le bailleur, qui ne pouvait pas lui-même faire constater la résiliation du bail, en application de l’article L. 622-13, 2°, du code de commerce, dès lors que le délai de trois mois imposé par le texte n’était pas expiré, lui a ensuite fait savoir qu’il n’était pas opposé à une résiliation amiable. Il constate ensuite que l’administrateur n’a répondu au bailleur que le 10 avril suivant et n’a mis fin au contrat que le 30 mai 2013, après la conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire. Il retient enfin que l’abstention de résilier le contrat révélait de la part de l’administrateur son intention de prendre parti sur sa continuation et en déduit que ce dernier a méconnu les dispositions de l’article L. 622-13 précité dès lors que l’absence de trésorerie rendait impossible la poursuite du bail, en raison du montant trop élevé des loyers.

En se déterminant ainsi, sans rechercher si l’administrateur n’était pas fondé à différer sa prise de position sur le sort du bail jusqu’à la réalisation du diagnostic de l’entreprise, qu’il devait effectuer conformément à sa mission légale, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

BAIL COMMERCIAL – MISE EN DEMEURE.
CASS., CIV., 3EME, 17 SEPTEMBRE 2020, N°19-13242.

 

Par lettre du 28 juillet 2014, la société Alterea Cogedim Assets Management Entreprise, gérant de la société Acep Invest 2 CDG Neuilly, bailleresse, aux droits de laquelle se trouve la société Kosmo, a adressé à la société Sedad, titulaire d’un bail dérogatoire, une mise en demeure de libérer les lieux loués.

Après avoir sommé la société Sedad de quitter les lieux, la société Acep Invest 2 CDG Neuilly l’a assignée en référé en expulsion et en paiement de loyers.

La société Sedad a assigné au fond la société Acep Invest 2 CDG Neuilly en substitution d’un bail commercial au bail dérogatoire et en irrégularité de l’expulsion intervenue le 15 juin 2015.

Le non-respect des formalités édictées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce, bien que constitutif d’une infraction pénale, n’emportant pas nécessairement la nullité de l’acte, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant, a retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que l’absence de mentions prescrites sur la lettre de mise en demeure du 28 juillet 2014 n’en affectait pas la validité dès lors que la société locataire avait identifié que la lettre lui avait été adressée par la société bailleresse ou son gérant.

 

FONDS DE COMMERCE – CESSION.
CASS., CIV., 3EME, 17 SEPTEMBRE 2020, N°17-14407 ET 17-14408.

 

M. Q… qui, en 2000, avait effectué des travaux d’extension d’un local commercial dans lequel il exploitait un fonds de commerce, a été condamné, le 17 février 2004, par le tribunal correctionnel, à une amende et à remettre les lieux en l’état, sous astreinte.
Le 26 août 2005, M. Q…, qui avait interjeté appel, a cédé son fonds de commerce à la société Scamille.

L’acte de vente contenait une clause aux termes de laquelle l’acquéreur s’engageait à garantir le vendeur de l’exécution des mesures relatives au démontage de la structure illicitement mise en place et à exécuter à ses frais les travaux destinés à rendre les locaux conformes à la réglementation.

Le 4 octobre 2005, la cour d’appel a confirmé le jugement sur la culpabilité de M. Q… et dit que la démolition, à sa charge, de la construction irrégulièrement réalisée devrait intervenir dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle l’arrêt deviendrait définitif, sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

Mis en demeure par l’administration de payer la somme de 20 880 euros au titre de la liquidation de l’astreinte pour la période du 10 octobre 2006 au 5 septembre 2008, M. Q… a assigné la société Scamille pour obtenir le paiement de cette somme et la condamnation de l’acquéreur à remettre les lieux en l’état.

La cour d’appel a retenu à bon droit que les mesures de démolition et de mise en conformité ordonnées en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, qui sont destinées à faire cesser une situation illicite, ne constituant pas des sanctions pénales, peuvent faire l’objet de garanties contractuelles de la part de l’acquéreur.

La Cour de cassation a déjà admis la validité de ces stipulations (3e Civ., 22 novembre 2006, pourvoi n° 05-14.833, Bull. 2006, III, n° 235).

Elle a également jugé que l’astreinte qui, en application de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme, peut assortir la remise en état des lieux constitue elle aussi une mesure à caractère réel destinée à mettre un terme à une situation illicite et non une peine (Crim. 28 juin 2016, pourvoi n° 15-84.868, Bull. Crim. 2016, n° 202).

Il en résulte que la garantie contractuelle peut s’étendre au paiement de l’astreinte.

La cour d’appel a retenu que, dans l’acte de cession du fonds de commerce, la société Scamille avait consenti, de manière claire, précise et non équivoque et en toute connaissance de cause, au risque de voir ordonner le démontage de la structure illicitement mise en place, et constaté que le prix de cession du fonds de commerce tenait compte des conséquences financières liées à ce démontage et à la remise en état des lieux conformément à la réglementation.

 

FONDS DE COMMERCE – BAIL COMMERCIAL.
CASS., CIV. 3EME, 17 SEPTEMBRE 2020, N°19-18435.

 

Par deux actes intitulés « bail saisonnier » des 26 janvier 2012 et 28 janvier 2013, Mme H… a donné à bail à Mme A… un même local respectivement pour des durées d’une année et de onze mois, pour se terminer les 25 janvier 2013 et 26 décembre 2013.

Aux termes de l’article 1401 du code civil, la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. Il en résulte que le fait qu’un fonds de commerce constitue un acquêt de communauté est sans incidence sur la titularité du bail commercial qui n’a été consenti qu’à un seul des époux.

Selon l’article L. 121-6, alinéa 1er, du code de commerce, le conjoint collaborateur, lorsqu’il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise.

Il résulte des articles L. 145-5 et L. 145-60 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 18 juin 2014 que l’action en requalification d’un bail saisonnier en bail commercial est soumise à la prescription biennale.

En statuant ainsi, après avoir constaté que l’action en requalification des baux saisonniers en baux commerciaux était prescrite pour avoir été engagée le 16 décembre 2015, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

• Loyers commerciaux au 2e trimestre 2020 : hausse de l’ILC et baisse de l’ILAT.
Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, les seuls indices pouvant être pris en considération à l’occasion de la révision et du renouvellement des baux commerciaux sont l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des activités tertiaires (ILAT).
Informations rapides de l’INSEE n° 2020-245, 25 sept. 2020 (ILC)

Informations rapides de l’INSEE n° 2020-246, 25 sept. 2020 (ILAT)

 

Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

 

 

COVID 19 – COUVRE-FEU – CARACTERE NECESSAIRE.
CE, 23 OCTOBRE 2020, REF., N°445430.

 

Par l’article 51 d’un décret du 16 octobre 2020, le Premier ministre a prescrit aux préfets de seize départements d’instaurer un couvre-feu entre 21h et 6h dans des zones qu’il leur incombe de définir. Une association et plusieurs requérants individuels ont demandé au juge du référé-liberté du Conseil d’Etat de suspendre cette mesure ou d’en limiter la portée en restreignant sa plage horaire et en prévoyant de nouveaux motifs de dérogation. Par l’ordonnance de ce jour, le juge des référés rejette leur demande.

En période d’état d’urgence sanitaire, il appartient aux différentes autorités administratives de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie. A cet effet, elles peuvent notamment adopter une mesure générale faisant interdiction aux personnes de sortir de leur domicile durant certaines heures. Mais une telle mesure qui, par nature, porte atteinte à la liberté personnelle, doit être nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi.

Le juge des référés relève d’abord que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s’est amplifiée ces dernières semaines, et que la crise sanitaire s’aggrave nettement, en particulier dans les neuf métropoles des départements concernés. Il constate qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, les contaminations surviennent, pour une grande part, dans les lieux privés. Il précise qu’une mesure de couvre-feu semble avoir montré son efficacité pour limiter la propagation du virus lors de sa mise en œuvre en Guyane en mars dernier.

Le juge constate par ailleurs que la mesure est assortie de nombreuses dérogations correspondant à des déplacements indispensables, qu’elle est limitée dans le temps à la période d’état d’urgence sanitaire, et qu’elle revêt un caractère moins restrictif qu’un confinement.

Enfin, le juge souligne la difficulté de moduler les horaires d’interdiction selon les zones géographiques concernées, le risque que ferait courir une extension des motifs de dérogation, et l’obligation pour le Premier ministre et pour les préfets de mettre fin sans délai aux mesures dès qu’elles ne seront plus strictement nécessaires.

Le juge en déduit que la disposition prescrivant aux préfets d’instaurer un couvre-feu ne porte pas une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales.

 

European Court of Justice – 

 

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – SOCIAL POLICY – DIRECTIVE 2008/104/EC – TEMPORARY AGENCY WORK – ARTICLE 5(5) – EQUAL TREATMENT – APPROPRIATE MEASURES TO PREVENT MISUSE OF TEMPORARY AGENCY WORK – OBLIGATION FOR MEMBER STATES TO PREVENT SUCCESSIVE ASSIGNMENTS – NO LIMITS IN NATIONAL LAW – REQUIREMENT TO INTERPRET NATIONAL LAW IN CONFORMITY WITH EU LAW.
ECJ, 14 OCTOBER 2020 CASE C-681/18, JH V KG

 

The first sentence of Article 5(5) of Directive 2008/104/EC of the European Parliament and of the Council of 19 November 2008 on temporary agency work must be interpreted as not precluding national legislation which does not limit the number of successive assignments that the same temporary agency worker may fulfil at the same user undertaking and does not make the lawfulness of the use of temporary agency work subject to the prerequisite that it must be justified by technical, production, organisation or replacement-related reasons. On the other hand, that provision must be interpreted as precluding a Member State from taking no measures at all to preserve the temporary nature of temporary agency work and as precluding national legislation which does not lay down any measure to prevent successive assignments of the same temporary agency worker to the same user undertaking in order to circumvent the provisions of Directive 2008/104 as a whole.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – AREA OF FREEDOM, SECURITY AND JUSTICE – DIRECTIVE 2008/115/EC – COMMON STANDARDS AND PROCEDURES FOR RETURNING ILLEGALLY STAYING THIRD-COUNTRY NATIONALS – ARTICLE 6(1) AND ARTICLE 8(1) – ILLEGAL STAY – NATIONAL LEGISLATION PROVIDING FOR EITHER A FINE OR REMOVAL, DEPENDING ON THE CIRCUMSTANCES – CONSEQUENCES OF THE JUDGMENT OF 23 APRIL 2015, ZAIZOUNE (C 38/14, EU:C:2015:260) – NATIONAL LEGISLATION MORE FAVOURABLE TO THE INTERESTED PARTY – DIRECT EFFECT OF DIRECTIVES – LIMITS.
ECJ, 8 OCTOBER 2020, CASE C-568/19, MO V SUBDELEGACION DEL GOBIERNO EN TOLEDO.

 

Directive 2008/115/EC of the European Parliament and of the Council of 16 December 2008 on common standards and procedures in Member States for returning illegally staying third-country nationals must be interpreted as meaning that, where national legislation makes provision, in the event of a third-country national staying illegally in the territory of a Member State, for either a fine or removal, and the latter measure may be adopted only if there are aggravating circumstances concerning that national, additional to his or her illegal stay, the competent national authority may not rely directly on the provisions of that directive in order to adopt a return decision and to enforce that decision, even in the absence of such aggravating circumstances.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – SOCIAL POLICY – DIRECTIVE 2000/78/CE – EQUAL TREATMENT IN EMPLOYMENT AND OCCUPATION – ARTICLES 1, 2 AND 3 – DIRECTIVE 1999/70/CE – FRAMEWORK AGREEMENT ON FIXED-TERM WORK CONCLUDED BY ETUC, UNICE AND CEEP – CLAUSE 4 – PRINCIPLE OF NON-DISCRIMINATION – MEASURE TAKEN BY A UNIVERSITY PURSUANT TO NATIONAL LAW – RETENTION OF TENURED LECTURER STATUS BEYOND THE STATUTORY RETIREMENT AGE – POSSIBILITY RESTRICTED TO LECTURERS WITH DOCTORAL SUPERVISOR STATUS – LECTURERS WHO DO NOT HAVE THIS STATUS – FIXED-TERM EMPLOYMENT CONTRACTS – LOWER REMUNERATION THAN FOR TENURED LECTURERS.
ECJ, 8 OCTOBER 2020, CASE C-644/19, FT V UNIVERSITATEA „LUCIAN BLAGA” SIBIU AND OTHERS.

 

Articles 1 and 2 of Council Directive 2000/78/EC of 27 November 2000 establishing a general framework for equal treatment in employment and occupation must be interpreted as not being applicable to national legislation under which, among members of the teaching staff of a university continuing to work there after reaching the statutory retirement age, only lecturers with doctoral supervisor status may retain their status as tenured lecturers, while lecturers without doctoral supervisor status may conclude only fixed-term employment contracts with that establishment, which include a system of lower remuneration than that for tenured lecturers.

Clause 4(1) of the Framework Agreement on fixed-term work, concluded on 18 March 1999, which is annexed to Council Directive 1999/70/EC of 28 June 1999 concerning the framework agreement on fixed-term work concluded by ETUC, UNICE and CEEP must be interpreted as precluding the application of national legislation under which, among members of the teaching staff of a university who continue to work there after reaching the statutory retirement age, only lecturers with doctoral supervisor status may retain their status as tenured lecturers, while lecturers without doctoral supervisor status may conclude only fixed-term employment contracts with that establishment, which include a system of lower remuneration than that for tenured lecturers, to the extent that the first category of lecturer is composed of permanent workers comparable to the workers in the second category, and that the difference in treatment arising, in particular, from the system of remuneration in question is not justified by an objective reason, which it is for the referring court to determine.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – ARTICLE 99 OF THE RULES OF PROCEDURE OF THE COURT OF JUSTICE – AIR TRANSPORT – REGULATION (EC) NO 261/2004 – COMPENSATION OF AIR PASSENGERS IN THE EVENT OF LONG DELAY OF FLIGHTS – RIGHT TO COMPENSATION IN THE EVENT OF DELAY – LENGTH OF DELAY – TIME OF OPENING OF THE AIRCRAFT’S DOORS AT DESTINATION – ACTUAL ARRIVAL TIME – SCHEDULED TIME OF ARRIVAL – QUESTION ON WHICH THE COURT HAS ALREADY RULED OR WHERE THE ANSWER TO SUCH A QUESTION MAY BE CLEARLY DEDUCED FROM THE CASE-LAW.
ECJ, 1 OCTOBER 2020, CASE C-654/19, FP PASSENGER SERVICE V AUSTRIAN AIRLINES AG.

 

Regulation (EC) No 261/2004 of the European Parliament and of the Council of 11 February 2004 establishing common rules on compensation and assistance to passengers in the event of denied boarding and of cancellation or long delay of flights, and repealing Regulation (EEC) No 295/91, read in the light of the judgment of 4 September 2014, Germanwings (C 452/13, EU:C:2014:2141), must be interpreted as meaning that, for the purposes of determining the extent of the delay suffered by passengers on a flight on arrival, it is necessary to calculate the time between the scheduled time of arrival and the actual arrival time, that is to say, the moment when at least one of the doors of the aircraft is opened, it being understood that, at that moment, the passengers are permitted to leave it.

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