NEWSLETTER – NOVEMBRE 2019

NEWSLETTER – NOVEMBRE 2019

 

Droit du travail et sécurité sociale

 

LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE – PAS DE HARCELEMENT SEXUEL EN CAS DE JEU DE SEDUCTION RECIPROQUE.

Cass., Soc., 25 septembre 2019, N°17-31171

 
Ne constitue pas une faute grave, l’envoi depuis un téléphone professionnel, de manière répétée et durable de SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée avec laquelle il était entré dans un jeu de séduction réciproque.

Engagé le 3 avril 2000 par la société Transdev Ile-de-France en qualité de responsable d’équipe pour exercer au dernier état de la relation contractuelle les fonctions de responsable d’exploitation, M. G… a été licencié pour faute grave le 31 juillet 2014, pour des faits de harcèlement sexuel.

Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, sans avoir à entrer dans le détail de l’argumentation des parties ni à s’expliquer sur les pièces qu’elle décide d’écarter, d’une part que la salariée se plaignant de harcèlement sexuel avait répondu aux SMS du salarié, sans que l’on sache lequel d’entre eux avait pris l’initiative d’adresser le premier message ni qu’il soit démontré que ce dernier avait été invité à cesser tout envoi, et qu’elle avait, d’autre part, adopté sur le lieu de travail à l’égard du salarié une attitude très familière de séduction, la cour d’appel, qui a fait ressortir l’absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l’encontre de la salariée, en a exactement déduit que l’attitude ambiguë de cette dernière qui avait ainsi volontairement participé à un jeu de séduction réciproque excluait que les faits reprochés au salarié puissent être qualifiés de harcèlement sexuel.

Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié, exerçant les fonctions de responsable d’exploitation d’une entreprise comptant plus de cent personnes, avait, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et pendant deux ans, adressé à une salariée dont il avait fait la connaissance sur son lieu de travail et dont il était le supérieur hiérarchique, des SMS au contenu déplacé et pornographique, adoptant ainsi un comportement lui faisant perdre toute autorité et toute crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction et dès lors incompatible avec ses responsabilités, la cour d’appel a pu en déduire que ces faits se rattachaient à la vie de l’entreprise et pouvaient justifier un licenciement disciplinaire.

Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait envoyé, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et durable entre 2011 et 2013, des SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée avec laquelle il était entré dans un jeu de séduction réciproque, la cour d’appel a pu en déduire que ces faits n’étaient pas constitutifs d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que ces faits constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement.

 

DESIGNATION D’UN REPRESENTANT SYNDICALSEUIL D’EFFECTIFS RELATIF AUX SALARIES A TEMPS PARTIEL.

Cass., Soc., 25 septembre 2019, N°18-60206

 

Décompte des effectifs à temps partiel de l’entreprise permettant la désignation d’un représentant syndical.

Par lettre du 10 avril 2018, le syndicat SNEC CFTC (le syndicat) a désigné Mme E… en qualité de représentant de section syndicale au sein de l’école A… N… (l’employeur). Contestant que l’école ait employé au moins 50 salariés au cours des douze derniers mois, l’employeur a saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation de la désignation.

Il appartient à l’employeur de faire la preuve des effectifs de l’entreprise qu’il allègue pour opposer à une organisation syndicale un seuil d’effectif inférieur à celui permettant la désignation d’un représentant syndical.

Ensuite, les salariés à temps partiel, sont, en application de l’article L. 1111-2, 3° du code du travail, pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail. Il appartient au juge en cas de contestation de vérifier que la prise en compte de ces heures correspond à la durée du travail mensuelle effectivement accomplie par les salariés à temps partiel.

Le tribunal d’instance, qui a constaté que dans le décompte fourni par l’employeur, qui faisait apparaître un seuil d’effectifs variant entre 48,10 et 57,41 salariés au cours des douze derniers mois, les heures de travail effectuées par les salariés à temps partiel, en sus de leurs heures contractuelles dans le cadre des stages proposés aux élèves n’avaient pas été prises en compte, en a exactement déduit que l’employeur ne rapportait pas la preuve que le seuil d’effectifs n’avait pas été de cinquante salariés au moins au cours des douze derniers mois comme l’affirmait le syndicat à l’origine de la désignation.

Il appartient à l’employeur de faire la preuve des effectifs de l’entreprise qu’il allègue pour opposer à une organisation syndicale un seuil d’effectif inférieur à celui permettant la désignation d’un représentant syndical. Les salariés à temps partiel, sont, en application de l’article L. 1111-2, 3°, du code du travail, pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail et il appartient au juge en cas de contestation de vérifier que la prise en compte de ces heures correspond à la durée du travail mensuelle effectivement accomplie par les salariés à temps partiel.

 

Travail illégal – Constat d’infraction des agents de l’URSSAF.

Cass., Civ., 2ème, 19 septembre 2019, N°18-19847

 

Selon l’article L. 8271-6-1 du code du travail, les agents de contrôle sont habilités, pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal, à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec leur consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d’emploi et le montant des rémunérations s’y rapportant, y compris les avantages en nature.

Agissant en vue de la recherche et de la constatation d’infractions constitutives de travail illégal, l’URSSAF du Var, aux droits de laquelle vient l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur (l’URSSAF), a effectué, le 30 avril 2013, un contrôle dans les locaux de la société Hôtel Parc Azur (la société), à la suite duquel elle lui a adressé une lettre d’observations en date du 23 mai 2013 opérant un redressement. Après mise en demeure, la société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Pour annuler les auditions, le contrôle, le redressement et la mise en demeure, l’arrêt retient que l’agent de contrôle, après auditions de M. U…, gérant de la société, et de M. D…, a établi, le 23 mai 2013, un procès-verbal pour dissimulation de l’emploi salarié de ce dernier ainsi que de trois autres personnes dont Mme M… A la suite de la réponse de la société à la lettre d’observations, l’agent de contrôle a procédé, le 16 juillet 2013, soit postérieurement à la clôture des opérations de contrôle, à l’audition de cette dernière, suivant procès-verbal ne mentionnant pas, toutefois, son consentement. Des éléments de cette audition ont été cités dans la réponse de l’URSSAF du 26 juillet 2013. La société n’a pu y répondre puisqu’il s’agissait d’une réponse à ses propres contestations postérieures à la lettre d’observations. Ces circonstances de fait constituent des manquements graves et caractérisés au principe du contradictoire. La société a été privée d’une garantie de fond viciant le redressement.

En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que l’audition litigieuse était intervenue après la notification de la lettre d’observations consécutive au procès-verbal de constatation d’infraction, ce dont il résultait qu’elle n’entrait pas dans le champ d’application des opérations de recherche et de constat d’infraction, la cour d’appel a violé par fausse application le texte susvisé.

 

TRAVAIL ILLEGAL – CONSTAT DES INFRACTIONS.

Cass., Civ., 2ème 19 septembre 2019, N°18-19929

 

Les dispositions de l’article L. 8271-6-1 du code du travail qui confèrent aux agents de contrôle de l’URSSAF des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte.

 Il résulte de l’article L. 8271-6-1 du code du travail que les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues.

Agissant en vue de la recherche et de la constatation d’infractions constitutives de travail illégal, l’URSSAF du Centre, aux droits de laquelle vient l’URSSAF du Centre-Val de Loire (l’URSSAF), a effectué un contrôle de la société Château de la Motte (la société), au cours duquel l’inspecteur du recouvrement a procédé, le 15 janvier 2013, à l’audition de son représentant, M. A… E… A la suite de ce contrôle, l’URSSAF a notifié à la société un redressement résultant de l’infraction de travail dissimulé. Contestant ce redressement, la société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Pour rejeter celui-ci, la cour d’appel retient que ce n’est que lorsque l’organisme contrôleur entend exclusivement fonder un redressement sur les déclarations d’un témoin ou d’un dirigeant qu’il doit procéder à son audition en respectant les formes prévues par l’article L. 8271-6-1 du code du travail. L’URSSAF n’a pas fondé à titre principal le redressement sur l’audition de M. A… E… mais sur les vérifications des livres comptables de la société, qu’elle ne l’a entendu qu’à titre d’information pour expliciter les informations découvertes dans ces documents comptables. N’entendant pas ce témoin pour qu’il dénonce des faits particuliers mais dans le cadre de ses vérifications, elle n’était pas tenue de dresser un procès-verbal d’audition répondant aux exigences du texte précité.

En statuant ainsi, alors que les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

Prise d’acte du salarié et Démission dont il est demandé la requalification : pas de distinction au regard de l’article L 1451-1 du Code du travail.

Cass., Soc., 18 septembre 2019, N°18-15765

 

L’article L. 1451-1 du code du travail ne faisant pas de distinction entre une rupture du contrat de travail par prise d’acte du salarié aux torts de l’employeur et une rupture résultant d’une démission dont il est demandé la requalification, la saisine directe du bureau de jugement d’une demande en requalification en prise d’acte de rupture d’une démission sans réserve est possible et interrompt le délai de prescription de l’action. 

 Mme O… a été engagée le 26 décembre 2009 en qualité d’assistante de direction par la société Puget Drive exerçant sous l’enseigne Mc Donald’s. Elle a démissionné de son emploi et de son mandat de délégué du personnel le 24 avril 2013 et a saisi le 6 octobre 2014 la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de sa démission en une prise d’acte aux torts de l’employeur. L’affaire a été portée directement devant le bureau de jugement.

L’article L. 1451-1 du code du travail prévoit que, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

La cour d’appel a exactement décidé que, l’article L. 1451-1 du code du travail ne faisant pas de distinction entre une rupture du contrat de travail par prise d’acte du salarié aux torts de l’employeur et une rupture résultant d’une démission dont il est demandé la requalification, la salariée avait valablement saisi le conseil de prud’hommes le 6 octobre 2014 de sorte que sa demande n’était pas prescrite.

Le salarié licencié en violation de son statut protecteur et qui ne demande pas sa réintégration peut prétendre soit à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’à la fin de sa période de protection s’il présente sa demande d’indemnisation avant cette date, soit à une indemnité dont le montant est fixée par le juge en fonction du préjudice subi lorsqu’il introduit sa demande après l’expiration de sa période de protection sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables.

Ayant retenu que l’action avait été valablement engagée par la salariée le 6 octobre 2014, avant l’expiration de sa période de protection le 8 janvier 2016, la cour d’appel a exactement décidé que sa demande en paiement des salaires jusqu’au terme de son mandat de délégué du personnel était justifiée.

Après avoir dit non valable la démission de la salariée et dit que cette rupture s’analyse en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul, l’arrêt condamne l’employeur à rembourser à Pôle emploi ou aux organismes intéressés, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement, dans la limite de six mois.

En statuant ainsi, alors que le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d’appel a violé l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause.

 

CHSCT – Remboursement des frais d’expertise en cas d’annulation de la décision du CHSCT.

Cass., Soc., 25 septembre 2019, N° 18-16323

 

Les dispositions légales selon lesquelles l’expert doit rembourser les sommes perçues à l’employeur qui obtient l’annulation définitive d’une décision du CHSCT de recourir à une expertise s’appliquent aux frais de l’expertise mise en œuvre en vertu d’une délibération contestée judiciairement postérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 31 de la loi du 8 août 2016.

 Selon l’article L. 4614-13 dans sa rédaction issue de l’article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque l’employeur qui conteste la décision du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à une expertise obtient l’annulation définitive de cette décision, les sommes perçues par l’expert sont remboursées par ce dernier à l’employeur. Ces dispositions s’appliquent aux frais de l’expertise mise en œuvre en vertu d’une délibération contestée judiciairement, postérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 31 de la loi du 8 août 2016.

Par délibération du 16 juin 2016, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la commune du Thor a décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l’article L. 4614-12 du code du travail et a désigné la société Elios pour y procéder. Par acte d’huissier du 8 novembre 2016, M. E…, pris en sa qualité de maire de la commune et de président du CHSCT, a saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, d’une demande d’annulation de cette délibération. Par arrêt du 16 novembre 2017, la cour d’appel a fait droit à cette demande. Le 20 décembre 2017, la société Elios a présenté une requête en omission de statuer sur la demande de condamnation de la commune au paiement de la somme de 39 000 euros correspondant aux frais d’expertise.

Pour rectifier l’arrêt du 16 novembre 2017 et, y ajoutant après le chef du dispositif annulant la délibération, constater que la créance d’honoraires de la société Elios est de 39 000 euros et condamner M. E…, en sa qualité de maire du Thor, à payer cette somme à la société Elios au titre des honoraires d’expertise, l’arrêt énonce que la loi du 8 août 2016 a modifié l’article L. 4614-13 du code du travail en enfermant dans un délai de 15 jours le délai ménagé à l’employeur pour contester une expertise, en attachant à la saisine du juge un effet suspensif d’exécution de la mesure et en disposant qu’en cas d’annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT, les sommes perçues par l’expert sont remboursées par ce dernier à l’employeur, que toutefois, ces dispositions ne sont applicables qu’aux délibérations rendues par les CHSCT postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi et que la délibération en litige étant antérieure à la date d’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, seules les dispositions antérieures de l’article L. 4614-13 du code du travail telles qu’interprétées de façon continue par la Cour de cassation demeurent applicables jusqu’à cette date par l’effet de la décision 2015-500 QPC du 27 novembre 2015 du Conseil constitutionnel.

En statuant ainsi, alors que la délibération avait été contestée judiciairement postérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 31 de la loi du 8 août 2016, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

TRANSPORT AERIEN – NECESSAIRE INTERVENTION DU MEDECIN DU TRAVAIL EN CAS D’INAPTITUDE DU SALARIE.

Cass., Soc., 18 septembre 2019, N°17-22863

 

Une décision d’inaptitude du conseil médical de l’aéronautique civile (CMAC) ne remplace pas une décision du médecin du travail qui demeure obligatoire.

 M.F… a été engagé le 31 janvier 2003 par la société Air Austral en qualité d’officier pilote de ligne. Il a été placé en arrêt de travail du 26 septembre au 8 octobre 2009, puis du 21 octobre 2009 au 30 juin 2010. Le salarié a saisi le 25 mars 2010 le conseil médical de l’aéronautique civile (CMAC) qui l’a déclaré inapte définitivement à exercer sa profession de navigant comme classe 1, inapte classe 2, par décision notifiée le 7 mai 2010. L’employeur lui a proposé le 11 mai 2010 un reclassement dans un emploi au sol que le salarié a refusé. L’employeur a licencié le salarié par lettre du 20 mai 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de son licenciement, l’arrêt retient qu’il résulte de la lettre de licenciement que la rupture du contrat de travail est motivée par l’impossibilité pour l’employeur d’employer le salarié en raison de la décision d’inaptitude définitive prise par le CMAC et de son refus de tout emploi au sol, ce qui constitue un motif licite non lié à l’état de santé.

En statuant ainsi, alors que les dispositions spéciales du code de l’aviation civile prévoyant la compétence du CMAC pour se prononcer sur le caractère définitif des inaptitudes des personnels navigants titulaires d’un titre aéronautique n’ont pas le même objet que les dispositions d’ordre public du code du travail, de sorte que le médecin du travail devait se prononcer sur l’inaptitude du salarié, la cour d’appel a violé les articles L. 1132-1 dans sa rédaction applicable en la cause et L. 1132-4 du code du travail.

 

TRANSPORT AERIEN – INAPTITUDE DU SALARIE.

Cass., Soc., 18 septembre 2019, N°17-23305

 

Indemnité conventionnelle de licenciement calculée selon les modalités applicables en cas d’indemnité dégressive en cas d’avis d’inaptitude du salarié.

M.Q…, né le […], a été engagé par la société UTA à compter du 3 janvier 1991 en qualité de pilote de ligne. Le 1er janvier 1992, son contrat de travail a été transféré à la société Air France (la société). Il a été victime d’un accident de travail le 15 juin 2006 et d’une rechute le 6 juin 2011. Le 3 juin 2013, il a été déclaré inapte définitivement à exercer la profession de navigant classe 1 par le président du conseil médical de l’aviation civile. A la suite d’une visite médicale du 2 septembre 2013, le médecin du travail a déclaré le salarié “inapte définitif vol ; apte sol avec restriction ; pas de trajet supérieur à 20 minutes (domicile-lieu de travail)”. Le 23 septembre 2013, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le Défenseur des droits est intervenu.

Lorsque l’inaptitude définitive aux fonctions de navigant a été prononcée par le conseil médical de l’aéronautique de l’aviation civile (le CMAC), le médecin du travail peut délivrer l’avis d’inaptitude du salarié à son poste de travail en un seul examen.

La cour d’appel, qui a constaté qu’à la suite de la déclaration définitive d’inaptitude prononcée par le CMAC le 3 juin 2013, le salarié avait fait l’objet le 2 septembre 2013 d’un examen médical par le médecin du travail qui l’avait déclaré inapte définitif au vol, et apte au sol avec restrictions, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Selon l’article 2.2.2.2 du chapitre 7 de la convention d’entreprise du personnel navigant technique d’Air France, l’officier navigant quittant la compagnie pour inaptitude physique définitive perçoit une indemnité de licenciement pour perte de licence, fixée forfaitairement jusqu’à douze ans d’ancienneté à un mois de salaire par année complète d’ancienneté administrative et au-delà de douze années d’ancienneté administrative PNT, et en plus de l’indemnité calculée d’après les dispositions précitées, à un demi-mois de salaire par année complète d’ancienneté en sus de douze, que cette indemnité est plafonnée à dix-huit mois et demi pour les officiers navigants ayant plus de 50 ans. Au-delà de 56 ans, l’indemnité maximum de dix-huit mois et demi est linéairement et mensuellement dégressive à raison de cinq mois par année sans toutefois descendre au-dessous de l’indemnité définie à l’article 2.4.2. Toutefois lorsque, au-delà de 56 ans, le montant maximum de dix-huit mois et demi n’est pas atteint, l’indemnité continue à croître tant que le montant est inférieur au montant maximum prévu à l’alinéa précédent, à âge identique. Il décroît ensuite linéairement comme indiqué ci-dessus.

Pour débouter le salarié de sa demande de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement, l’arrêt retient que la société avait satisfait à ses obligations conventionnelles en versant au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement calculée selon les modalités applicables en cas d’indemnité dégressive.

En se déterminant comme elle l’a fait, sans rechercher la date à laquelle le salarié avait atteint le seuil maximum de dix-huit mois et demi de salaire, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles 2.2.2.2 et 2.4.2 du chapitre 7 de la convention d’entreprise du personnel navigant technique d’Air France.

 

OPPOSABILITE DE L’ACCORD D’AMENAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL EN CAS DE DEFAUT DE CONSULTATION DU CE.

Cass., Soc., 18 septembre 2019, N°17-31274

 

Le défaut de consultation annuelle du comité d’entreprise (actuel comité social et économique) sur les décisions de l’employeur portant sur l’aménagement du temps de travail ou la durée du travail, exigée au titre des missions de cet organe n’a pas pour effet d’entraîner l’inopposabilité de l’accord de modulation à l’ensemble des salariés de la société.

 Mme R… a été engagée le 1er septembre 2011 par contrat de travail à temps partiel modulé, par la société Adrexo, en qualité de distributrice de journaux et imprimés. Licenciée le 23 juin 2015, elle a saisi la juridiction prud’homale.

D’abord, le défaut de consultation annuelle du comité d’entreprise sur les décisions de l’employeur portant sur l’aménagement du temps de travail ou la durée du travail, exigée au titre des missions de cet organe concernant la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, qui peut être sanctionné selon les règles régissant le fonctionnement du comité d’entreprise, n’a pas pour effet d’entraîner l’inopposabilité de l’accord de modulation à l’ensemble des salariés de la société.

Ensuite, la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévu par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule faire obstacle à l’application des dispositions l’article L. 3171-4 du code du travail. La cour d’appel, faisant application de ces dispositions, sans se fonder exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées et accomplies par la salariée, a constaté que l’employeur justifiait des heures effectivement réalisées par l’intéressée et que celle-ci n’avait pas produit d’éléments contraires.

 

PAS D’OBLIGATION POUR L’EMPLOYEUR DE METTRE FIN PAR ECRIT A UN CONTRAT A DUREE DETERMINEE CONCLU POUR REMPLACER UN SALARIE ABSENT.

Cass., Soc., 18 septembre 2019, N°18-12446

 

Si, en application de l’article L. 1242-7 du code du travail, le contrat à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent a pour terme la fin de l’absence de ce salarié, il n’est pas exigé que l’employeur y mette fin par écrit.

Mme M… a été engagée en qualité de déléguée dentaire par la société Pierre Fabre santé information suivant contrat à durée déterminée du 12 avril 2012 pour une durée minimale de deux mois et huit jours pour le remplacement d’une salariée, déléguée dentaire, absente pour congé de maladie. La société lui a notifié, par lettre du 11 décembre 2014, le licenciement pour inaptitude de la salariée remplacée intervenu le 10 décembre 2014 et la fin consécutive de son contrat de travail. La salariée a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et paiement d’un rappel de salaire et d’indemnités de rupture.

Si, en application de l’article L. 1242-7 du code du travail, le contrat à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent a pour terme la fin de l’absence de ce salarié, il n’est pas exigé que l’employeur y mette fin par écrit.

Ayant relevé qu’il n’était pas discuté que l’absence de la salariée remplacée avait définitivement pris fin le 10 décembre 2014 et retenu souverainement que Mme M… avait été informée par un appel téléphonique à cette même date de la fin de son contrat à durée déterminée, la cour d’appel, qui a constaté que l’intéressée, bien qu’informée de la fin de son contrat, avait travaillé le jour suivant de son propre chef, a pu en déduire, sans se déterminer par des motifs inopérants, que la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée devait être rejetée.

 

JOURNALISTES – ABSENCE DE SAISINE PREALABLE DE LA COMMISSION PARITAIRE EN CAS DE LICENCIEMENT.

Cass., Soc., 18 septembre 2019, N°18-10261

 

La saisine préalable de la commission paritaire des journalistes, qui ne présentait aucun caractère obligatoire, était sans effet sur la régularité du licenciement du journaliste.

M.E… a été engagé le 18 novembre 2010 par la société Euronews en qualité de journaliste bilingue de langue farsi. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976. Licencié le 31 décembre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

Selon l’article 47 de la convention collective nationale des journalistes se rapportant aux conflits individuels, les parties sont d’accord pour recommander, avant le recours à la procédure prévue par les articles L. 761-4 et L. 761-5 devenus L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail, de soumettre les conflits individuels à une commission paritaire amiable, ayant uniquement une mission conciliatrice. Il n’en résulte pas pour l’employeur l’obligation de saisir la commission paritaire amiable préalablement à la rupture du contrat le liant au journaliste.

La cour d’appel, après avoir rappelé à bon droit que le préalable obligatoire de conciliation concerne les litiges prévus par l’article 3B de la convention collective se rapportant à la liberté d’opinion et constaté que les motifs de rupture du contrat étaient étrangers aux dispositions de cet article, en a exactement déduit, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la saisine préalable de la commission paritaire, qui ne présentait aucun caractère obligatoire, était sans effet sur la régularité du licenciement.

 

LICENCIEMENT – PSE – DELAI DE PRESCRIPTION.

Cass., Soc., 11 septembre 2019, N°18-18414

 

Le délai de prescription de douze mois prévus par l’article L. 1235-7 du code du travail pour exercer l’action fondée sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l’emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l’absence ou de l’insuffisance d’un tel plan court à compter de la notification du licenciement.

M.S…, salarié de la société Pages jaunes, a été licencié pour motif économique le 30 avril 2014 dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France le 2 janvier 2014. Par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d’un autre salarié, une cour administrative d’appel a annulé cette décision de validation, au motif que l’accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail. Le Conseil d’Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 16 février 2016.

 Pour déclarer le salarié recevable en son action fondée sur l’article L. 1235-16 du code du travail et condamner la société à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que les conditions d’exercice de l’action sont subordonnées à la décision irrévocable des juges de l’ordre administratif qui produira ses effets sur la validation ou non du plan de sauvegarde de l’emploi envers toutes les personnes concernées par celui-ci quand bien même elles ne sont pas à l’origine de la saisine de la juridiction administrative. Le délai visé à l’article L. 1235-7 du code du travail n’a pu valablement commencer à courir, conformément au principe général édicté par l’article 2224 du code civil repris à l’article L. 1471-1 du code du travail, qu’au jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En l’espèce c’est donc au jour de l’arrêt du Conseil d’Etat que le point de départ du délai de l’article L. 1235-7 a été reporté, en sorte que l’action a été introduite en temps non couvert par la prescription.

 Cependant, le délai de prescription de douze mois prévu par l’article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, qui concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l’emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l’absence ou de l’insuffisance d’un tel plan, telles les contestations fondées sur les articles L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail, court à compter de la notification du licenciement.

 En statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait constaté que le salarié avait saisi la juridiction prud’homale plus de douze mois après la notification de son licenciement, ce dont il résultait que sa demande d’indemnisation fondée sur les dispositions de l’article L. 1235-16 du code du travail était irrecevable comme prescrite, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Le délai de prescription de douze mois prévu par l’article L. 1235-7 du code du travail pour exercer l’action fondée sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l’emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l’absence ou de l’insuffisance d’un tel plan court à compter de la notification du licenciement. Il importe peu à cet égard, que la demande d’indemnisation soit formée consécutivement à l’exercice par un autre salarié d’une action devant le juge administratif en contestation du caractère majoritaire de l’accord collectif portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

 

LICENCIEMENT – DATE A LAQUELLE DOIT ETRE EVALUE LE MONTANT DE L’INDEMNITE DE LICENCIEMENT.

Cass., Soc., 11 septembre 2019, N°18-12606

 

Si le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l’évaluation du montant de l’indemnité est faite en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat.

Mme C… a été engagée le 4 septembre 1995 par la Mutuelle des fonctionnaires ouvriers et agents de l’Etat en qualité de directrice d’un centre de santé. Licenciée pour insuffisance professionnelle le 30 novembre 1998 avec un préavis de six mois, elle s’est vu notifier la rupture immédiate de son contrat de travail pour faute grave le 10 décembre 1998. Elle a saisi la juridiction prud’homale.

Si le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l’évaluation du montant de l’indemnité est faite en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat. Ayant constaté que la faute grave commise au cours de l’exécution de son préavis par la salariée, qui n’en était pas dispensée, avait eu pour effet d’interrompre le préavis, la cour d’appel a décidé à bon droit de prendre en compte cette interruption pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement.

 

TRAVAIL TEMPORAIRE – PROTECTION DU CONSEILLER DU SALARIE.

Cass., Soc., 11 septembre 2019, N°18-12293

 

Le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d’interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu’un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l’entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.

 En application des articles L. 2413-1 et L. 2421-1 du code du travail, le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d’interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu’un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l’entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.

M.G… a été engagé par l’entreprise de travail temporaire Camo intérim et mis à disposition de la société Can Packagin, par contrat de mission du 10 juin 2013, pour une période allant du 10 au 14 juin 2013 dans le cadre d’un accroissement temporaire d’activité. Il a, par lettre envoyée le 8 juin 2013 et reçue le 11 juin 2013, informé la société Camo intérim de son statut de conseiller du salarié. Le 12 juin 2013, la société Camo intérim a demandé à l’inspecteur du travail de valider la fin de mission d’intérim. La mission d’intérim a pris fin le 14 juin 2013. Le 21 juin 2013, l’inspecteur du travail s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d’autorisation, au double motif que le conseiller du salarié ne bénéficie pas du statut protecteur dans le cadre de missions de travail temporaire, et qu’en tout état de cause il n’y a pas lieu à intervention de l’inspecteur du travail pour une fin de mission. La décision de l’inspecteur du travail a été annulée sur recours hiérarchique par une décision du 18 décembre 2013, le ministre du travail se déclarant cependant à son tour incompétent en raison de la rupture intervenue avant sa décision. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 23 octobre 2014 en soutenant que la rupture de son contrat de mission est intervenue en violation du statut protecteur et obtenir paiement de dommages-intérêts à ce titre.

Pour faire droit à sa demande, l’arrêt retient que, sauf fraude, le conseiller du salarié travailleur temporaire est protégé non seulement en cas d’interruption ou de notification de non-renouvellement de mission mais également dans le cas où l’entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission ; que dans le cas présent l’intéressé avait avisé l’employeur dès le 8 juin de son statut de conseiller si bien qu’aucune fraude ne peut être caractérisée et qu’il s’ensuit que, faute d’autorisation administrative comme en l’espèce, l’absence de proposition de continuer à effectuer des missions s’analyse en une cessation du contrat de travail entachée de nullité.

En statuant ainsi, sans caractériser l’existence, soit d’une interruption du contrat de mission en cours, soit d’un refus de renouvellement de cette mission alors qu’un tel renouvellement avait été prévu au contrat, soit de la notification au salarié par l’entreprise de travail temporaire de sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

SALARIE PROTEGE – COMPETENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR APPRECIER LA REGULARITE DE LA PROCEDURE D’INAPTITUDE.

Cass., Soc., 11 septembre 2019, N°17-31321 et 18-14971

 

Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé, apprécier la régularité de la procédure d’inaptitude, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement et le caractère réel et sérieux du licenciement.

 Engagée à compter du 4 juillet 1974 par la société FDG international en qualité de conditionneuse, Mme K… a parallèlement occupé la fonction de membre du comité d’entreprise. Suivant autorisation accordée par l’inspecteur du travail le 20 mars 2015, la salariée a été licenciée pour inaptitude d’origine non professionnelle. Invoquant l’origine professionnelle de son inaptitude, la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 1er septembre 2015. A titre principal, elle soutenait que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Subsidiairement elle demandait réparation des préjudices résultant de l’origine professionnelle de son inaptitude et l’octroi, à ce titre, d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité spéciale de licenciement, de dommages-intérêts pour procédure irrégulière et pour perte d’emploi.

Aux termes de l’arrêt du 13 novembre 2017, ayant rappelé qu’à titre subsidiaire, la salariée sollicitait l’application du régime protecteur découlant de l’origine de l’inaptitude qu’elle considérait comme étant professionnelle, la cour d’appel a examiné la recevabilité des demandes formées à ce titre et ainsi statué sur l’entier litige.

Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé, apprécier la régularité de la procédure d’inaptitude, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement et le caractère réel et sérieux du licenciement.

Ayant constaté, sans dénaturation, que la salariée sollicitait des dommages-intérêts pour perte d’emploi et pour procédure irrégulière en raison de l’origine de son inaptitude, c’est à bon droit que la cour d’appel les a déclarées irrecevables.

Si le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé, apprécier la régularité de la procédure d’inaptitude, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement et le caractère réel et sérieux du licenciement, il demeure compétent, sans porter atteinte à ce principe, pour rechercher si l’inaptitude du salarié avait ou non une origine professionnelle et accorder, dans l’affirmative, les indemnités spéciales prévues à l’article L. 1226-14 du code du travail.

Pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée, l’arrêt retient que le licenciement pour inaptitude non professionnelle ayant été autorisé par l’inspection du travail, la salariée n’allègue à aucun moment que son inaptitude trouve son origine dans un manquement de son employeur à ses obligations, l’origine professionnelle d’une inaptitude ne découlant pas nécessairement d’un comportement fautif de l’employeur.

En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la salariée demandait le bénéfice des indemnités prévues par l’article L. 1226-14 du code du travail et qu’il lui appartenait en conséquence de rechercher si l’inaptitude de la salariée avait pour origine une maladie professionnelle ou un accident du travail, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et l’article L. 1226-14 du code du travail.

 

CHOIX ENTRE LES FONCTIONS DE COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE ET DE REPRESENTANT SYNDICAL.

Cass., Soc., 11 septembre 2019, N°18-23764

 

Un salarié doit choisir entre sa fonction d’élue membre suppléant du comité social et économique, et sa fonction de représentant syndical à ce même comité, à défaut de nullité de cette désignation.

 Mme J…, élue membre suppléant du comité social et économique de la société Bio habitat lors des élections du 30 mai 2018, a été désignée en qualité de représentante syndicale auprès du même comité par la fédération Force ouvrière de la métallurgie le 25 juin 2018. L’employeur a contesté cette désignation en invoquant l’incompatibilité entre les deux mandats.

Un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu’il ne peut, au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu, et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est désigné par une organisation syndicale.

Il en résulte qu’en enjoignant à la salariée, élue membre suppléant du comité social et économique, d’opter entre cette fonction et celle de représentant syndical à ce même comité, et à défaut, en déclarant nulle cette désignation, le tribunal d’instance a statué à bon droit.

 

PREJUDICE D’ANXIETE – SUBSTANCES NOCIVES ET TOXIQUES.

Cass., Soc., 11 septembre 2019, N°17-24879

 

Le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

M. CU… et les autres demandeurs aux pourvois ont été employés, en qualité de mineurs de fond et de jour par les Houillères du bassin de Lorraine (HBL), devenues établissement public à caractère industriel et commercial Charbonnages de France. Cet établissement a été placé en liquidation le 1er janvier 2008, M. DA… étant désigné en qualité de liquidateur.

Les salariés ont saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la condamnation de leur employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d’anxiété et du manquement à une obligation de sécurité. A la suite de la clôture de la liquidation, les droits et obligations de l’EPIC Charbonnages de France ont été transférés à l’Etat à compter du 1er janvier 2018. La cour d’appel de Metz a rejeté les demandes des salariés.

En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour (Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, en cours de publication ; Soc. 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-24444, Bull. V n° 234) que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige.

Pour rejeter la demande des salariés au titre d’un préjudice d’anxiété, les arrêts retiennent, d’abord, que la réparation du préjudice spécifique d’anxiété, défini par la situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, n’est admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l’arrêté ministériel pris en application, et que les salariés doivent être déboutés de leur demande présentée à titre principal en réparation du préjudice d’anxiété, lequel n’est pas ici indemnisable, même sur le fondement de l’obligation de sécurité, et ce en l’absence de dispositions légales spécifiques.

Les arrêts retiennent, ensuite, que les salariés versent aux débats plusieurs attestations mettant en cause la qualité, le nombre et le port des masques individuels fournis par l’employeur ainsi que le système d’arrosage destiné à capter les poussières. À titre d’exemple, il y est ainsi fait état de ce que “nous n’avions pas de masque à poussières individuel… la plupart des mineurs ne portait pas de masques à poussières, certains d’entre nous achetaient des masques en mousse en pharmacie… nous fermions l’eau pour ne pas être noyés à front… dans les années 90 on portait des masques jetables ils se colmataient vite avec la respiration et la poussière les colmatait et on n’en avait pas assez à disposition et ils n’étaient pas adaptés à un travail physique intense” (M. QTV… UPU…), de ce que “les différentes sortes de masques présentaient chacun leurs lacunes… distribution limitée au jour ; …les buses étaient souvent bouchées voire hors service. Les arrosages sectoriels étaient très vite hors service” (M. YZ… IV…), de ce que “le port du masque n’était pas obligatoire” (M. HI… JX…, M. TH… BC…, M. DM… VV…, M. ZO… SA…), de ce que “plus il fallait de l’eau pour la neutraliser, ce qui provoquait énormément de boue à l’avant de la machine, celle-ci s’embourbait, conclusion mécanique, il fallait réduire la quantité d’eau sur l’arrosage. En sachant que les buses d’arrosage étaient souvent bouchées car la qualité de l’eau était médiocre. Pour nous protéger de toute cette poussière, il nous fallait des masques de protection, lorsqu’on avait la chance d’en avoir ce qui était très rare, ils étaient très souvent et rapidement inutilisables ou hors service…” (M. HG… JH…), ou de ce que “les buses du soutènement machant, les premières années, étaient inexistantes et ensuite étaient régulièrement bouchées par les poussières” (M. MRT… KC…) ou de ce qu’il y avait des buses à eau sur les tambours mais le débit était insuffisant pour éliminer toute la poussière du havage. Même avec des buses bouchées le havage continuait car le plus important était avant tout la production’ (M. OEF… MB…) ou de ce que “j’ai assisté plusieurs fois à la mise en place du capteur de poussières qui était toujours placé derrière une toile de jute mouillée par une buse à eau” (M. ZO… BP…)”.

Les arrêts retiennent également que l’attestation de M. DM… VJ…, un ancien salarié des HBL qui après son départ en 1973 a travaillé pour un fournisseur des HBL, ce qui l’a conduit à faire des essais techniques dans des galeries, fait état de ce que “nous sommes donc descendus par la tête de taille pour accéder à la haveuse qui était en plein abattage, la poussière était tellement dense qu’on n’y voyait pas à 2 mètres. Nous avons progressé jusqu’au pied de la taille pour les essais de serrage au couple en situation réelle, mon masque à poussière était bon à jeter, quand je me suis mouché, le mouchoir était noir. Au retour, j’ai remarqué qu’un capteur de poussière était masqué par de la toile de jute arrosée par une buse à eau. Dans la voie de base, les convoyeurs, les broyeurs dégageaient malgré l’arrosage une énorme poussière et mon masque était saturé ; un mineur me l’a soufflé à l’air comprimé afin que je puisse le réutiliser, il m’a précisé qu’il lui faudrait environ quatre ou cinq masques par poste ce que j’ai tendance à croire, le mien étant colmaté après une petite heure. D’après ses dires confirmés aussi par l’agent de maîtrise de chantier, il arrivait fréquemment qu’il n’y ait plus aucun masque de stock”.

La cour d’appel a toutefois considéré que ces attestations et témoignages faisaient état de constats qui ne pouvaient être reliés directement à la situation concrète de chaque salarié demandeur en fonction des différents postes successivement occupés par eux.

La cour d’appel a, par ailleurs, retenu qu’il était démontré que l’employeur avait pris toutes mesures nécessaires de protection, tant individuelle que collective, et également d’information, au vu notamment de différents documents relatifs aux taux d’empoussiérage, de documents relatifs aux systèmes d’aérage, de capteurs et dispositifs d’arrosage, aux masques individuels, d’attestations – telle celle de M. ARL… HU… indiquant que ”tant au point de vue des machines d’abattages, des différents convoyeurs, que du soutènement, et des effets individuels ces différents moyens de lutte étaient constamment contrôlés et entretenus… les masques à poussière étaient à la portée de chaque agent avant la descente en quantité suffisante. Des contrôles de poussière étaient organisés par des appareils individuels portés par des agents durant tout le poste aux conditions réelles de travail” ou celle de M. COQ… IB… qui indique avoir constaté sur trente ans l’évolution des méthodes et du matériel dans tous les services et dans le domaine de la lutte contre les poussières par la recherche et la mise en oeuvre des moyens les plus efficaces ainsi que leur adaptation en fonction de l’évolution des techniques et des matériels- de documents relatifs au suivi par les médecins du travail des nuisances professionnelles et du suivi médical renforcé du personnel des mines, des nombreux rapports des délégués-mineurs faisant apparaître que lorsque une observation est formulée sur la sécurité, il y est donné suite par l’exploitant, par exemple le rapport du 10 avril 1997 où le délégué mineur indique “lors de l’utilisation de la balayeuse, un nuage de poussière est créé, le personnel est incommodé. Je demande le retrait immédiat de cet engin balayeuse inadapté aux conditions du carreau Merlebach nord” avec la réponse apportée : “le balayage ne sera plus fait par temps sec avec cet engin. Une balayeuse “humide” d’une société extérieure sera commandée selon les besoins” ; notamment encore le rapport de M. HY… TC… du 21 août 1958 indiquant “Veine Anna 3 sud + nord les ouvriers travaillent dans une atmosphère poussiéreuse. Les masques que ces ouvriers possèdent rendent leur respiration pénible. Je demande à l’exploitant de revoir pour les masques une meilleure qualité” avec parallèlement la réponse “les mesures nécessaires sont prises” ou ceux de M. BM… mentionnant le 22 septembre 1982 “visité la 1°NE Aux. Constaté un important empoussiérage du T.B provenant de la veine Irma, j’ai demandé au secteur concerné l’installation d’une batterie de buses à eau pour neutraliser les poussières à la tête du montage Irma Sud. Ce travail fut réalisé en cours de poste” et mentionnant le 17 janvier 1983 “assisté partiellement au havage du front, j’ai pu constater que la neutralisation des poussières par le dépoussiéreur était très positive, des comptes-rendus des réunions de la commission d’hygiène et de sécurité, ainsi que des rapports sur l’activité du service médical du travail, tel celui de l’année 1986 où il est noté “les effets des nombreuses remarques faites par les médecins du travail au cours de leurs visites de chantier et d’atelier : beaucoup ont été prises en compte par la hiérarchie qui a permis tantôt des améliorations techniques, tantôt la fourniture d’effets de protection individuelle et dans certains cas une information du personnel” et où il est précisé, au nombre des constatations faites par les médecins du travail au cours de leurs visites de chantiers du fond “comme points positifs : l’augmentation du nombre de dépoussiéreurs dans les chantiers de creusement, l’utilisation croissante des masques antipoussières”.

En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir que l’employeur démontrait qu’il avait effectivement mis en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, telles que prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d’appel, qui devait rechercher si les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l’employeur telles que définies aux paragraphes 3 et 4 étaient réunies, n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

 

Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation

 

BAIL COMMERCIAL – VALEUR LOCATIVE – EXPERTISE EFFECTUEE PAR UN EXPERT N’ETANT PAS INSCRIT SUR LA LISTE NATIONALE DES EXPERTS OU SUR CELLE D’UNE COUR D’APPEL.

Cass., Civ., 2ème, 26 septembre 2019, N°18-18054

 

La prestation de serment par écrit d’un expert désigné pour donner son avis sur la valeur locative des lieux loués mais qui n’est pas inscrit sur la liste nationale des experts ou sur celle d’une cour d’appel ne constitue ni une irrégularité sanctionnée par une nullité pour vice de forme ni une formalité substantielle ou d’ordre public.

La société Florinvest, ayant acquis des locaux donnés à bail à la société Grao, a saisi le juge des loyers commerciaux d’un tribunal de grande instance à fin de faire fixer le prix du bail renouvelé. Un expert a été désigné pour donner son avis sur la valeur locative des lieux loués à la date de renouvellement du bail.

Les irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile qui renvoient aux règles régissant la nullité des actes de procédure.

La prestation de serment par écrit d’un expert qui n’est pas inscrit sur la liste nationale des experts ou sur celle d’une cour d’appel ne constitue ni une irrégularité sanctionnée par une nullité pour vice de forme ni une formalité substantielle ou d’ordre public.

Par ce seul motif, substitué d’office à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile, l’arrêt se trouve légalement justifié.

 

CONSOMMATION – TRANSPORTEUR COMMUNAUTAIRE.

Cass., Civ., 1ère, 26 septembre 2019, N°18-21188

 

Nécessité de qualifier le transporteur de transporteur communautaire pour appliquer le règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, le règlement n° 261/2004 s’applique aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire.

M. S… a acheté un billet d’avion auprès de la société Thai Airways International (la société) pour un vol Phnom Penh-Paris, avec une correspondance à Bangkok ; que le vol Phnom Penh-Bangkok ayant été retardé, M. S…, qui a manqué sa correspondance au départ de cette dernière ville, est arrivé à Paris avec retard. Il a saisi un tribunal d’instance d’une demande de paiement d’une indemnité forfaitaire, sur le fondement de l’article 7 du règlement n° 261/2004.

Pour condamner la société à payer à M. S… la somme de 600 euros, en application de l’article 7 précité, le jugement retient que le règlement n° 261/2004 est applicable au vol litigieux, qui est un vol global Phnom Pen-Paris, au départ d’un pays tiers et avec une correspondance sur le territoire d’un autre pays tiers, mais dont la destination finale est située sur le territoire d’un Etat membre, effectué au moyen du même titre de transport.

En statuant ainsi, sans constater que la société était un transporteur communautaire, le tribunal a violé le texte susvisé.

 

CONSOMMATION – INTERET COLLECTIF DES CONSOMMATEURS – VENTE D’ELECTRICITE ET DE GAZ.

Cass., Civ., 1ère, 26 septembre 2019, N°18-10890

 

Cet arrêt apporte des précisions sur la notion d’intérêt collectif des consommateurs. L’action en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs est distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives.

 Le 25 février 2013, l’association Union fédérale des consommateurs – Que Choisir (l’UFC) a assigné la société Direct énergie (la société) en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans ses conditions générales de vente d’électricité et de gaz en vigueur au 1er janvier 2013. En cours d’instance, la société a émis de nouvelles conditions générales de vente en vigueur au 15 mai 2014.

Après avoir relevé que la pénalité mise à la charge du consommateur faisait l’objet d’une pénalité réciproque à son profit en cas de manquement du fournisseur à ses propres obligations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a déduit qu’aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur n’était démontré. Elle a ainsi, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef.

Pour rejeter la demande d’indemnisation au titre du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs par les conditions générales de vente en vigueur au 1er janvier 2013, l’arrêt retient que la notification de nouvelles clauses à l’ensemble des clients concernés, en cours de procédure, ne laisse subsister aucun contrat susceptible de contenir les clauses litigieuses, de sorte que la demande est sans objet.

En statuant ainsi, alors que l’action en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs est distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives, la cour d’appel a violé l’article L. 421-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ensemble l’article 1382, devenu 1240 du code civil.

 

CONSOMMATION – INTERET COLLECTIF DES CONSOMMATEURS – VENTE DE GAZ.

Cass., Civ., 1ère, 26 septembre 2019, N°18-10891

 

Cet arrêt apporte des précisions sur la notion d’intérêt collectif des consommateurs. L’action en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs est distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives.

 Le 25 février 2013, l’association Union fédérale des consommateurs – Que Choisir (l’UFC) a assigné la société GDF Suez, devenue Engie (la société), en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans ses conditions générales de vente de gaz naturel de décembre 2011 et septembre 2013. En cours d’instance, la société a émis de nouvelles conditions générales de vente en juin 2014, octobre 2015 et janvier 2016.

Pour rejeter la demande d’indemnisation au titre du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs par les conditions générales de vente de décembre 2011 et septembre 2013, l’arrêt retient que la notification de nouvelles clauses à l’ensemble des clients concernés, en cours de procédure, ne laisse subsister aucun contrat susceptible de contenir les clauses litigieuses, de sorte que la demande est sans objet.

En statuant ainsi, alors que l’action en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs est distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives, la cour d’appel a violé l’article L. 421-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ensemble l’article 1382, devenu 1240 du code civil.

Il résulte de l’article L. 121-87, 8°, devenu L. 224-3, 8°, du code de la consommation que l’offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel doit préciser, dans des termes clairs et compréhensibles, le délai prévisionnel de fourniture de l’énergie.

Pour rejeter la demande de suppression de l’article 3.3 des conditions générales de vente établies en juin 2014, et rejeter en conséquence les demandes indemnitaires de l’UFC, l’arrêt retient que si le délai prévisionnel de fourniture de l’énergie n’y est pas mentionné, une telle information figure dans les conditions particulières du contrat.

En statuant ainsi, alors que la clause litigieuse ne permettait pas au consommateur de connaître, avant la conclusion du contrat, le délai prévisionnel de fourniture de l’énergie, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Pour valider l’article 7.1 des conditions générales de vente de juin 2014, octobre 2015 et janvier 2016, et rejeter en conséquence les demandes indemnitaires de l’UFC, l’arrêt retient que le défaut de réciprocité de la pénalité infligée au consommateur en cas de retard de paiement ne crée aucun déséquilibre significatif à son détriment, dès lors que la société n’a pas la maîtrise du réseau de distribution, qu’elle subit d’importantes contraintes techniques et que la pénalité infligée au client apparaît modérée.

En statuant ainsi, alors que la pénalité encourue par le consommateur en cas de retard de paiement ne s’accompagnait d’aucune pénalité réciproque en cas de manquement de la société à son obligation principale de fourniture d’énergie, peu important son défaut de maîtrise du réseau de distribution, l’ampleur de ses contraintes techniques et la modicité de la pénalité infligée au consommateur, la cour d’appel a violé les articles L. 132-1 et R. 132-1, 5°, devenus L. 212-1 et R. 212-1, 5°, du code de la consommation les textes susvisés.

 

CAUTION SOLIDAIRE – PROCEDURE DE CONCILIATION – RESPONSABILITE DU CREANCIER.

Cass., Com., 25 septembre 2019, N°18-15655

La caution peut valablement demander au créancier réparation du préjudice personnel et distinct qu’elle impute à une faute de celui-ci commise dans ses rapports avec le débiteur principal.

La Société générale (la banque) a consenti le 3 mars 2005 à la Société de distribution du grand Bordeaux (la SDGB) une ouverture de crédit de 350 000 euros et un prêt de 800 000 euros. Son  dirigeant, M. P…, s’est rendu caution solidaire de la société SDGB, les 25 janvier et 3 mai 2005, en garantie de ces crédits dans la limite respectivement de 260 000 euros et 160 000 euros.

La SDGB, rencontrant des difficultés financières, a bénéficié d’une procédure de conciliation qui a donné lieu à un protocole de conciliation du 28 avril 2008, homologué par le tribunal le 18 juin 2008.

Aux termes de cet accord, les créances de la banque ont été respectivement réduites à 140 000 euros et 325 418,68 euros, M. P… se rendant caution solidaire, le 15 juin 2008, en faveur de la banque, de leur paiement dans la limite de 182 000 euros et de 325 419 euros. Il s’est aussi rendu caution à hauteur de 130 000 euros en garantie d’un billet à ordre d’un montant de 200 000 euros ramené à 100 000 euros.

Les difficultés de la SDGB ayant perduré, le tribunal a, par un jugement du 18 janvier 2012, ouvert le redressement judiciaire de cette société qui a été mise ensuite en liquidation judiciaire le 9 janvier 2013. La banque a poursuivi M. P… en exécution de tous ses engagements.

Si, selon l’article L. 611-12 du code de commerce, lorsqu’il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l’accord de conciliation recouvre l’intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l’accord. Ayant relevé que les engagements de caution du 15 juin 2008 avaient été consentis en contrepartie des abandons de créance dans le cadre du même accord de conciliation, l’arrêt retient exactement que l’échec de cet accord a entraîné la caducité de celui-ci dans son intégralité, qu’il s’agisse des abandons de créances comme des engagements de caution, et qu’il convient donc, pour déterminer l’étendue des engagements de M. P…, de se reporter aux deux cautionnements initiaux du 3 mai 2005, sans que la banque puisse opposer les stipulations contraires des engagements du 15 juin 2008, devenus caducs.

Pour rejeter la demande de M. P… tendant à obtenir la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts d’un montant équivalent aux sommes réclamées au titre des cautionnements et ordonner la compensation entre les créances, l’arrêt retient que la caution, qui ne représente pas les intérêts du débiteur principal, ne dispose pas de la qualité pour invoquer une faute de la banque dans le cadre de la procédure de conciliation, qu’aucune demande n’a été formulée à ce titre par la SDGB dans le cadre de la procédure en contestation de la créance, à l’issue de laquelle la créance de la banque a été admise au passif conformément à sa déclaration, que les moyens tirés de l’éventuelle responsabilité de la banque dans le « dépôt de bilan » de la SDGB et dans la perte du principal actif de cette société constituent des exceptions inhérentes à la dette que la caution est d’autant moins fondée à invoquer que ses griefs visent le comportement de la banque en 2010 de sorte qu’ils ne présentent pas de lien avec l’objet de la présente instance.

En statuant ainsi, alors que la caution peut demander au créancier réparation du préjudice personnel et distinct qu’elle impute à une faute de celui-ci commise dans ses rapports avec le débiteur principal, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil.

 

BAIL COMMERCIAL – RETRACTATION DE L’OFFRE DE RENOUVELLEMENT EN CAS DE MOTIF GRAVE ET LEGITIME OU SI L’IMMEUBLE EST INSALUBRE OU DANGEREUX.

Cass., Civ., 3ème, 12 septembre 2019, N°18-18590

 

En cas de congé avec offre de renouvellement, le bailleur peut rétracter son offre de renouvellement, sans être tenu au paiement d’aucune indemnité, s’il justifie d’un motif grave et légitime ou s’il est établi que l’immeuble est insalubre ou dangereux.

 En cas de congé avec offre de renouvellement, le bailleur peut rétracter son offre de renouvellement, sans être tenu au paiement d’aucune indemnité, s’il justifie d’un motif grave et légitime ou s’il est établi que l’immeuble est insalubre ou dangereux.

Le 23 octobre 2007, la société La Chapelle, propriétaire d’un immeuble donné à bail en renouvellement à la société Hôtel du Square, lui a délivré un congé avec offre de renouvellement à compter du 1er juillet 2008 moyennant un loyer de 100 000 euros. La société locataire a accepté le principe du renouvellement, mais a refusé le montant du loyer proposé. Le 30 juin 2009, la société bailleresse a rétracté l’offre de renouvellement en raison du désaccord de la locataire sur le prix. Le 29 juin 2011, la société Hôtel du Square a assigné la société La Chapelle en nullité du congé “rétractation” et en fixation du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2008, subsidiairement, en paiement d’une indemnité d’éviction. Soutenant que le bail avait pris fin le 1er juillet 2008, la société La Chapelle a formé une demande en déchéance du droit au maintien dans les lieux.

Pour valider le congé du 30 juin 2009, l’arrêt retient que celui-ci s’analyse en un acte de rétractation par la société bailleresse de son offre de renouvellement lui permettant de refuser toute indemnité d’éviction et que, si le motif visé dans ce congé et tiré du désaccord du preneur sur le montant du loyer proposé est erroné en ce qu’il ne constitue pas un motif grave et légitime au sens de l’article L. 145-17 du code de commerce, il n’invalide pas le congé qui a mis fin au bail le 30 juin 2008 sans renouvellement.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que le bailleur n’établissait ni motif grave et légitime ni insalubrité ou dangerosité de l’immeuble, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article L. 145-17 du code de commerce.

 

BAIL COMMERCIAL – EFFET DU DROIT DE REPENTIR.

Cass., Civ., 3ème, 12 septembre 2019, N°18-18218

 

L’exercice par le bailleur de son droit de repentir emporte renouvellement du bail et ne peut comporter la proposition d’un nouveau bail incluant une modification substantielle des modalités de fixation du loyer.

 Le 23 mars 2012, la société Jules Verne n° 8, propriétaire de locaux à usage commercial, a notifié à la société Sadef, locataire, un congé comportant refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction. Le 11 avril 2013, la société locataire a saisi le tribunal en paiement d’une indemnité d’éviction. Le 5 juin 2013, la société bailleresse a exercé son droit de repentir en proposant certaines modifications au bail initial.

Pour valider l’exercice du droit de repentir et rejeter la demande de la société Sadef, l’arrêt retient que, si le bail initial stipule une clause-recette, déterminant le loyer en fonction du chiffre d’affaires du preneur, l’offre du bailleur de substituer à cette stipulation une clause de loyer fixe dans le bail renouvelé n’est pas de nature à entacher la validité du repentir exercé par le bailleur

En statuant ainsi, alors que l’exercice par le bailleur de son droit de repentir emporte renouvellement du bail et ne peut comporter la proposition d’un nouveau bail incluant une modification substantielle des modalités de fixation du loyer, la cour d’appel a violé les articles L. 145-58 et L. 145-59 du code de commerce.

 

PRETS BANCAIRES – RUPTURE DES CONCOURS ACCORDES EN CAS DE COMPORTEMENT GRAVEMENT REPREHENSIBLE DU BENEFICIAIRE.

Cass., Com., 11 septembre 2019, N° 17-26594

 

La société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque) a consenti plusieurs prêts à M. G…, agent général d’assurances, et à son épouse, ainsi que des ouvertures de crédit. Par un acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers ont apporté à la SCI Defran un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse d’hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts.

Par une lettre du 24 avril 2012, la banque leur a notifié l’interruption de tous ses concours en invoquant le comportement gravement répréhensible de M. G… puis les a assignés en paiement. Elle a également demandé que l’apport immobilier lui soit déclaré inopposable pour fraude paulienne. Reconventionnellement, M. et Mme G… ont recherché la responsabilité de la banque.

L’éventuel manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.

 

CONTRAT DE LOCATION FINANCIERE – CONTRAT DE MAINTENANCE.

Cass., Com., 11 septembre 2019, N°18-11401

 

Si l’ordonnance du juge-commissaire constatant ou prononçant la résiliation d’un contrat en cours, en application de l’article L. 641-11-1 du code de commerce, est dépourvue de l’autorité de la chose jugée à l’égard des tiers, elle leur est cependant opposable en ce qu’elle constate ou prononce cette résiliation, de sorte que la résiliation du contrat de maintenance, prononcée contradictoirement à l’égard du loueur financier, par ordonnance du juge-commissaire, entraînait, à la date de la résiliation, la caducité par voie de conséquence du contrat de location financière interdépendant.

 La société FF Valentine ménager (la société FF Valentine), preneur, a conclu avec la société Safetic, prestataire de services, deux contrats, l’un portant sur la location financière de matériels, l’autre sur la maintenance desdits matériels, d’une durée de soixante mois, moyennant un loyer mensuel de 110 euros. Les matériels ont été cédés à la société Parfip France (la société Parfip). Le 13 février 2012, la société Safetic a été mise en liquidation judiciaire. Après s’être plainte auprès de la société Parfip du dysfonctionnement des matériels loués, par une lettre du 11 juin 2012, la société FF Valentine a cessé de lui payer les loyers à compter du mois de juillet 2012. Dans le cadre de la procédure collective de la société Safetic, le juge-commissaire a prononcé la résiliation du contrat de maintenance par une ordonnance du 26 mars 2013. Le 17 décembre 2013, la société Parfip a assigné la société FF Valentine en constatation de la résiliation du contrat de location financière et en paiement des loyers impayés, d’une indemnité de résiliation et d’une clause pénale. La société FF Valentine a demandé le rejet de ces demandes et, à titre reconventionnel, la constatation de l’interdépendance des contrats de maintenance et de location financière, et la résiliation de ce dernier avec effet rétroactif à la date de la résiliation du premier.

Pour accueillir les demandes de la société Parfip, tendant notamment à la résiliation du contrat de location financière pour défaut de paiement des loyers, l’arrêt, après avoir relevé que le contrat de maintenance conclu entre les sociétés Safetic et FF Valentine est interdépendant du contrat de location financière liant les sociétés Parfip et FF Valentine, énonce que, la chose jugée ne pouvant nuire à un tiers non partie à une décision de justice, l’ordonnance du juge-commissaire prononçant la résiliation d’un contrat liant une société soumise à une procédure collective à l’un de ses cocontractants ne peut produire d’effet à l’égard de la société qui a financé l’opération. Il en déduit que l’anéantissement du contrat de maintenance résultant de l’ordonnance du juge-commissaire du 26 mars 2013 n’est pas opposable à la société Parfip et que, faute pour la société FF Valentine d’avoir appelé à l’instance le liquidateur de la société Safetic afin de voir prononcer l’anéantissement du contrat de maintenance, sa demande de caducité du contrat de location financière doit être rejetée.

En statuant ainsi, alors que si l’ordonnance du juge-commissaire constatant ou prononçant la résiliation d’un contrat en cours, en application de l’article L. 641-11-1 du code de commerce, est dépourvue de l’autorité de la chose jugée à l’égard des tiers, elle leur est cependant opposable en ce qu’elle constate ou prononce cette résiliation, de sorte que la résiliation du contrat de maintenance, prononcée contradictoirement à l’égard de la société Safetic, par l’ordonnance du juge-commissaire du 26 mars 2013, entraînait, à la date de la résiliation, la caducité par voie de conséquence du contrat de location financière interdépendant, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article L. 641-11-1 du code de commerce.

 

 

Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

 

ETRANGERS – PLACEMENT EN RETENTION.

Cass., Civ., 1ère, 19 septembre 2019, N°18-18741

 

Il résulte des articles L. 551-2 et L. 611-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que, si la notification de la décision de placement en rétention peut intervenir dès la fin d’un contrôle d’identité, sans que l’étranger soit placé en retenue, c’est à la condition qu’aucune opération préalable de vérification de son droit de circulation ou de séjour ne soit nécessaire.

Selon l’ordonnance attaquée rendue par le premier président d’une cour d’appel, et les pièces de la procédure, que, le 21 février 2018, M. W…, de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France, a été interpellé à l’occasion d’un contrôle d’identité et invité à suivre les fonctionnaires de police au commissariat où lui ont été notifiées deux décisions du préfet portant obligation de quitter le territoire français et placement en rétention. Le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. W… d’une contestation de la décision de placement en rétention et par le préfet d’une demande de prolongation de cette mesure.

Pour ordonner le maintien de la mesure, l’ordonnance retient qu’en l’absence d’acte d’investigation nécessaire, la mise à disposition est une mesure régulière qui a duré trois heures cinquante-cinq, temps nécessaire pour effectuer le transport, l’audition et la formalisation des décisions administratives, et que l’intéressé a été informé de la réponse de la préfecture de police indiquant qu’une mesure administrative serait éventuellement prise à son encontre après audition.

 En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations qu’une mesure d’enquête avait été nécessaire avant la décision d’éloignement qui justifiait la rétention, le premier président a violé les textes susvisés.

 

 

Cour de Justice de l’Union Européenne

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — FREE MOVEMENT OF WORKERS — EQUAL TREATMENT — INCOME TAX — NATIONAL LEGISLATION — TAX EXEMPTION FOR DISABILITY ALLOWANCES — ALLOWANCES RECEIVED IN ANOTHER MEMBER STATE — NOT INCLUDED — DIFFERENCE IN TREATMENT.

ECJ, 24 October 2019, Case C‑35/19, BU v. État belge

Article 45 TFEU must be interpreted as precluding legislation of a Member State, such as that at issue in the main proceedings, which, without providing justification in that regard, a matter which is however for the referring court to verify, provides that the tax exemption applicable to disability allowances is subject to the condition that those allowances are paid by a body of the Member State concerned and, therefore, excludes from that exemption allowances of the same nature paid by another Member State, even where the recipient of those allowances is a resident of the Member State concerned.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — SOCIAL POLICY — ARTICLE 119 OF THE EC TREATY (NOW, AFTER AMENDMENT, ARTICLE 141 EC) — MALE AND FEMALE WORKERS — EQUAL PAY — PRIVATE OCCUPATIONAL RETIREMENT PENSION SCHEME — NORMAL PENSION AGE DIFFERENTIATED BY GENDER — DATE OF ADOPTION OF MEASURES REINSTATING EQUAL TREATMENT — RETROACTIVE EQUALISATION OF THAT AGE TO THE NORMAL PENSION AGE OF THE PERSONS PREVIOUSLY DISADVANTAGED.

ECJ, 7 October 2019, Case C‑171/18, Safeway Ltd v. Andrew Richard Newton, Safeway Pension Trustees Ltd.

Article 119 of the EC Treaty (now, after amendment, Article 141 EC) must be interpreted as precluding, in the absence of an objective justification, a pension scheme from adopting, in order to end discrimination contrary to that provision resulting from the fixing of a normal pension age differentiated by gender, a measure which equalises, with retroactive effect, the normal pension age of members of that scheme to that of the persons within the previously disadvantaged category, in respect of the period between the announcement of that measure and its adoption, even where such a measure is authorised under national law and under the Trust Deed governing that pension scheme.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — JUDICIAL COOPERATION IN CIVIL MATTERS — REGULATION (EU) NO 1215/2012 — ARTICLE 17(1) — JURISDICTION OVER CONSUMER CONTRACTS — NOTION OF ‘CONSUMER’ — NATURAL PERSON CARRYING OUT TRANSACTIONS ON THE INTERNATIONAL EXCHANGE MARKET THROUGH THE INTERMEDIARY OF A BROKERAGE COMPANY — REGULATION (EC) NO 593/2008 (ROME I) — DIRECTIVE 2004/39/EC — NOTION OF ‘RETAIL CLIENT’.

ECJ, 3 October 2019, Case C‑208/18, Jana Petruchová v. FIBO Group Holdings Limited.

Article 17(1) of Regulation (EU) No 1215/2012 of the European Parliament and of the Council of 12 December 2012 on jurisdiction and the recognition and enforcement of judgments in civil and commercial matters must be interpreted as meaning that a natural person who, under a contract such as a CfD concluded with a brokerage company, carries out transactions on the international FOREX (foreign exchange) market through that company, must be classified as a ‘consumer’ within the meaning of that provision if the conclusion of that contract does not fall within the scope of that person’s professional activity, which it is for the national court to ascertain. For the purpose of that classification, on the one hand, factors such as the value of transactions carried out under contracts such as financial contracts for differences, the extent of the risks of financial loss associated with the conclusion of such contracts, any knowledge or expertise that person has in the field of financial instruments or his or her active conduct in the context of such transactions are, as such, in principle irrelevant, and, on the other, the fact that the financial instruments do not fall within the scope of Article 6 of Regulation (EC) No 593/2008 of the European Parliament and of the Council of 17 June 2008 on the law applicable to contractual obligations (Rome I) or that that person is a ‘retail client’ within the meaning of Article 4(1)(12) of Directive 2004/39/EC of the European Parliament and of the Council of 21 April 2004 on markets in financial instruments, amending Council Directives 85/611/EEC and 93/6/EEC and Directive 2000/12/EC of the European Parliament and of the Council and repealing Council Directive 93/22/EEC is, as such, in principle irrelevant.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — IMMIGRATION POLICY — STATUS OF THIRD-COUNTRY NATIONALS WHO ARE LONG-TERM RESIDENTS — DIRECTIVE 2003/109/EC — CONDITIONS FOR ACQUIRING LONG-TERM RESIDENT STATUS — ARTICLE 5(1)(A) — STABLE, REGULAR AND SUFFICIENT RESOURCES.

ECJ, 3 October 2019, Case C‑302/18, X v. Belgische Staat. 

Article 5(1)(a) of Council Directive 2003/109/EC of 25 November 2003 concerning the status of third-country nationals who are long-term residents must be interpreted as meaning that the concept of ‘resources’ referred to in that provision does not concern solely the ‘own resources’ of the applicant for long-term resident status, but may also cover the resources made available to that applicant by a third party provided that, in the light of the individual circumstances of the applicant concerned, they are considered to be stable, regular and sufficient.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — CITIZENSHIP OF THE UNION — DIRECTIVE 2004/38/EC — RIGHT OF RESIDENCE OF A THIRD-COUNTRY NATIONAL WHO IS A DIRECT RELATIVE IN THE ASCENDING LINE OF UNION CITIZEN MINORS — ARTICLE 7(1)(B) — CONDITION OF SUFFICIENT RESOURCES — RESOURCES FORMED BY INCOME FROM EMPLOYMENT OCCUPIED WITHOUT A RESIDENCE CARD AND WORK PERMIT.

ECJ, 2 October 2019, Case C‑93/18, Ermira Bajratari v. Secretary of State for the Home Department.

Article 7(1)(b) of Directive 2004/38/EC of the European Parliament and of the Council of 29 April 2004 on the right of citizens of the Union and their family members to move and reside freely within the territory of the Member States amending Regulation (EEC) No 1612/68 and repealing Directives 64/221/EEC, 68/360/EEC, 72/194/EEC, 73/148/EEC, 75/34/EEC, 75/35/EEC, 90/364/EEC, 90/365/EEC and 93/96/EEC must be interpreted as meaning that a Union citizen minor has sufficient resources not to become an unreasonable burden on the social assistance system of the host Member State during his period of residence, despite his resources being derived from income obtained from the unlawful employment of his father, a third-country national without a residence card and work permit.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — DIRECTIVE 95/46/EC — DIRECTIVE 2002/58/EC — REGULATION (EU) 2016/679 — PROCESSING OF PERSONAL DATA AND PROTECTION OF PRIVACY IN THE ELECTRONIC COMMUNICATIONS SECTOR — COOKIES — CONCEPT OF CONSENT OF THE DATA SUBJECT — DECLARATION OF CONSENT BY MEANS OF A PRE-TICKED CHECKBOX.

ECJ, 1 October 2019, Case C‑673/17, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände — Verbraucherzentrale Bundesverband eV v. Planet49 GmbH.

Article 2(f) and of Article 5(3) of Directive 2002/58/EC of the European Parliament and of the Council of 12 July 2002 concerning the processing of personal data and the protection of privacy in the electronic communications sector (Directive on privacy and electronic communications), as amended by Directive 2009/136/EC of the European Parliament and of the Council of 25 November 2009, read in conjunction with Article 2(h) of Directive 95/46/EC of the European Parliament and of the Council of 24 October 1995 on the protection of individuals with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data and Article 4(11) and Article 6(1)(a) of Regulation (EU) 2016/679 of the European Parliament and of the Council of 27 April 2016 on the protection of natural persons with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data, and repealing Directive 95/46 (General Data Protection Regulation), must be interpreted as meaning that the consent referred to in those provisions is not validly constituted if, in the form of cookies, the storage of information or access to information already stored in a website user’s terminal equipment is permitted by way of a pre-checked checkbox which the user must deselect to refuse his or her consent.

 Article 2(f) and Article 5(3) of Directive 2002/58, as amended by Directive 2009/136, read in conjunction with Article 2(h) of Directive 95/46 and Article 4(11) and Article 6(1)(a) of Regulation 2016/679, are not to be interpreted differently according to whether or not the information stored or accessed on a website user’s terminal equipment is personal data within the meaning of Directive 95/46 and Regulation 2016/679.

 Article 5(3) of Directive 2002/58, as amended by Directive 2009/136, must be interpreted as meaning that the information that the service provider must give to a website user includes the duration of the operation of cookies and whether or not third parties may have access to those cookies.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — PERSONAL DATA — PROTECTION OF INDIVIDUALS WITH REGARD TO THE PROCESSING OF SUCH DATA — DIRECTIVE 95/46/EC — REGULATION (EU) 2016/679 — INTERNET SEARCH ENGINES — PROCESSING OF DATA ON WEB PAGES — TERRITORIAL SCOPE OF THE RIGHT TO DE-REFERENCING.

ECJ, 24 September 2019, Case C‑507/17, Google LLC, successor in law to Google Inc., v. Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

On a proper construction of Article 12(b) and subparagraph (a) of the first paragraph of Article 14 of Directive 95/46/EC of the European Parliament and of the Council of 24 October 1995 on the protection of individuals with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data, and of Article 17(1) of Regulation (EU) 2016/679 of the European Parliament and of the Council of 27 April 2016 on the protection of individuals with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data and repealing Directive 95/46 (General Data Protection Regulation), where a search engine operator grants a request for de-referencing pursuant to those provisions, that operator is not required to carry out that de-referencing on all versions of its search engine, but on the versions of that search engine corresponding to all the Member States, using, where necessary, measures which, while meeting the legal requirements, effectively prevent or, at the very least, seriously discourage an internet user conducting a search from one of the Member States on the basis of a data subject’s name from gaining access, via the list of results displayed following that search, to the links which are the subject of that request.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — PERSONAL DATA — PROTECTION OF INDIVIDUALS WITH REGARD TO THE PROCESSING OF PERSONAL DATA CONTAINED ON WEBSITES — DIRECTIVE 95/46/EC — REGULATION (EU) 2016/679 — SEARCH ENGINES ON THE INTERNET — PROCESSING OF DATA APPEARING ON WEBSITES — SPECIAL CATEGORIES OF DATA REFERRED TO IN ARTICLE 8 OF DIRECTIVE 95/46 AND ARTICLES 9 AND 10 OF REGULATION 2016/679 — APPLICABILITY OF THOSE ARTICLES TO OPERATORS OF A SEARCH ENGINE — EXTENT OF THAT OPERATOR’S OBLIGATIONS WITH RESPECT TO THOSE ARTICLES — PUBLICATION OF DATA ON WEBSITES SOLELY FOR JOURNALISTIC PURPOSES OR THE PURPOSE OF ARTISTIC OR LITERARY EXPRESSION — EFFECT ON THE HANDLING OF A REQUEST FOR DE-REFERENCING — ARTICLES 7, 8 AND 11 OF THE CHARTER OF FUNDAMENTAL RIGHTS OF THE EUROPEAN UNION.

ECJ, 24 September 2019, Case C‑136/17, GC and Others v Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

The provisions of Article 8(1) and (5) of Directive 95/46/EC of the European Parliament and of the Council of 24 October 1995 on the protection of individuals with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data must be interpreted as meaning that the prohibition or restrictions relating to the processing of special categories of personal data, mentioned in those provisions, apply also, subject to the exceptions provided for by the directive, to the operator of a search engine in the context of his responsibilities, powers and capabilities as the controller of the processing carried out in connection with the activity of the search engine, on the occasion of a verification performed by that operator, under the supervision of the competent national authorities, following a request by the data subject.

The provisions of Article 8(1) and (5) of Directive 95/46 must be interpreted as meaning that the operator of a search engine is in principle required by those provisions, subject to the exceptions provided for by the directive, to accede to requests for de-referencing in relation to links to web pages containing personal data falling within the special categories referred to by those provisions.

Article 8(2)(e) of Directive 95/46 must be interpreted as meaning that, pursuant to that article, such an operator may refuse to accede to a request for de-referencing if he establishes that the links at issue lead to content comprising personal data falling within the special categories referred to in Article 8(1) but whose processing is covered by the exception in Article 8(2)(e) of the directive, provided that the processing satisfies all the other conditions of lawfulness laid down by the directive, and unless the data subject has the right under Article 14(a) of the directive to object to that processing on compelling legitimate grounds relating to his particular situation.

The provisions of Directive 95/46 must be interpreted as meaning that, where the operator of a search engine has received a request for de-referencing relating to a link to a web page on which personal data falling within the special categories referred to in Article 8(1) or (5) of Directive 95/46 are published, the operator must, on the basis of all the relevant factors of the particular case and taking into account the seriousness of the interference with the data subject’s fundamental rights to privacy and protection of personal data laid down in Articles 7 and 8 of the Charter of Fundamental Rights of the European Union, ascertain, having regard to the reasons of substantial public interest referred to in Article 8(4) of the directive and in compliance with the conditions laid down in that provision, whether the inclusion of that link in the list of results displayed following a search on the basis of the data subject’s name is strictly necessary for protecting the freedom of information of internet users potentially interested in accessing that web page by means of such a search, protected by Article 11 of the Charter.

The provisions of Directive 95/46 must be interpreted as meaning that

–        first, information relating to legal proceedings brought against an individual and, as the case may be, information relating to an ensuing conviction are data relating to ‘offences’ and ‘criminal convictions’ within the meaning of Article 8(5) of Directive 95/46, and

–        second, the operator of a search engine is required to accede to a request for de-referencing relating to links to web pages displaying such information, where the information relates to an earlier stage of the legal proceedings in question and, having regard to the progress of the proceedings, no longer corresponds to the current situation, in so far as it is established in the verification of the reasons of substantial public interest referred to in Article 8(4) of Directive 95/46 that, in the light of all the circumstances of the case, the data subject’s fundamental rights guaranteed by Articles 7 and 8 of the Charter of Fundamental Rights of the European Union override the rights of potentially interested internet users protected by Article 11 of the Charter.

 

 



Inscrivez-vous à notre infolettre

Inscrivez-vous à notre infolettre

Joignez-vous à notre liste de diffusion pour recevoir les dernières nouvelles de notre cabinet avocats.

Merci!