NEWSLETTER JANVIER 2021

NEWSLETTER JANVIER 2021

  • Droit du travail et sécurité sociale
  • Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation
  • Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
  • Cour de Justice de l’Union Européenne

 

Droit du travail et sécurité sociale

 

 

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL – FAUTE GRAVE.
Cass., Soc., 16 décembre 2020, n°18-23966.

 

M. X… a été engagé à compter du 1er janvier 2010 par la société Altercafé en qualité de serveur, puis de responsable de bar. Le 26 septembre 2016, le salarié a été licencié pour faute grave.

Même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Après avoir dit le licenciement fondé sur une faute grave du salarié, la cour d’appel a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire en réparation du préjudice moral causé par les circonstances de la rupture.

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le licenciement n’avait pas été entouré de circonstances vexatoires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

 

CDD – TEMPS PARTIEL – REQUALIFICATION.
Cass., Soc., 9 décembre 2020, n°19-20319.

 

Mme G… a été engagée par la société Ipsos Observer en qualité d’enquêtrice vacataire à compter du 1er octobre 2007 par contrats à durée déterminée d’usage.

Le 8 février 2016, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, en paiement de rappels de salaire, de diverses indemnités et de dommages-intérêts.

L’employeur a été avisé de l’existence de cette action le 16 février 2016.

Les contrats à durée à déterminée ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée par arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 20 mars 2019 qui a dit que la rupture de la relation contractuelle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter du 24 juillet 2016, date à partir de laquelle il n’a plus été confié d’enquête à la salariée.

En application des articles L. 1245-1, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, L. 1243-5 du code du travail et de l’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’employeur qui, à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture sans que le salarié puisse exiger, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, sa réintégration dans l’entreprise.

Il en résulte qu’en l’absence de rupture du contrat de travail pour un motif illicite, il appartient au salarié de démontrer que la fin de la relation de travail intervenue par le seul effet du terme stipulé dans le contrat à durée déterminée résulte de la volonté de l’employeur de porter atteinte au droit du salarié d’obtenir en justice la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

La cour d’appel, qui a constaté que l’employeur, après avoir eu connaissance, le 16 février 2016, de la demande en justice dirigée contre lui, avait proposé à la salariée de conclure un contrat de chargé d’enquête intermittent à garantie annuelle et avait continué à lui confier, dans les mêmes conditions, des enquêtes jusqu’au 23 juillet 2016, a, sans inverser la charge de la preuve, fait ressortir que la fin de la relation de travail était intervenue par le seul effet du terme du dernier contrat à durée déterminée et ne procédait pas d’une mesure de rétorsion à l’action en justice.

Selon les articles L. 3121-10, L. 3123-1 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 interprétés à la lumière de la clause 3 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel du 6 juin 1997 mis en œuvre par la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, un salarié dont la durée du travail est inférieure à trente-cinq heures par semaine civile ou, si elle est inférieure, à la durée fixée conventionnellement par la branche ou l’entreprise ou à la durée du travail applicable dans l’établissement est un salarié à temps partiel.

L’article L. 3123-14 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 prévoit que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Il en résulte, à la lumière de la clause 3 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel du 6 juin 1997 mis en œuvre par la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, qu’est travailleur à temps partiel, un salarié dont la durée normale de travail, calculée sur une base hebdomadaire ou en moyenne sur une période d’emploi pouvant aller jusqu’à un an, est inférieure à celle d’un travailleur à temps plein comparable. A cet égard, est considéré comme un travailleur à temps plein comparable, un salarié à temps plein du même établissement ayant le même type de contrat ou de relation de travail, occupant un travail ou un emploi identique ou similaire. Cette comparaison peut prendre en compte d’autres considérations telles que l’ancienneté et les qualifications ou les compétences. En l’absence d’un travailleur à temps plein comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue alors par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation et aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.

Il en découle que la qualification de travail à temps partiel et le formalisme afférent ne sont pas liés à la durée du contrat de travail, mais s’apprécient au regard de la durée de travail du salarié concerné.

Pour débouter la salariée de sa demande de requalification des contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l’arrêt retient qu’il ressort de l’article L. 3123-14 que les dispositions qui portent sur la durée et la répartition du travail et qui se réfèrent à des durées hebdomadaires ou mensuelles ne s’appliquent pas aux contrats de travail signés par la salariée car ils sont tous d’une durée inférieure à une semaine.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

CDD – TEMPS PARTIEL – REQUALIFICATION.
Cass., Soc., 9 décembre 2020, n°19-16138.

 

Mme I… a été engagée par la société Ipsos Observer le 1er février 2007 par contrats à durée déterminée d’usage, en qualité d’enquêteur vacataire pour réaliser des études téléphoniques.

Elle a saisi la juridiction prud’homale afin que les contrats soient requalifiés en un contrat à durée indéterminée à temps complet et que lui soient allouées des sommes en conséquence.

La salariée ayant invoqué, au soutien de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, le défaut de signature de nombreux contrats à durée déterminée conclus entre les parties, c’est sans méconnaître les termes du litige, ni violer le principe de la contradiction, que la cour d’appel a relevé que certains des contrats litigieux n’étaient pas revêtus de la signature de l’employeur et, sans avoir à répondre à un moyen insusceptible d’avoir une influence sur la solution du litige, en a exactement déduit que ces contrats ne pouvaient être considérés comme ayant été établis par écrit et étaient, par suite, réputés conclus pour une durée indéterminée.

Selon les articles L. 3121-10 et L. 3123-1 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, un salarié dont la durée du travail est inférieure à trente-cinq heures par semaine civile ou, si elle est inférieure, à la durée fixée conventionnellement par la branche ou l’entreprise ou à la durée du travail applicable dans l’établissement, est un salarié à temps partiel.

Il résulte de ces textes, interprétés à la lumière de la clause 3 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel du 6 juin 1997 mis en œuvre par la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, qu’est travailleur à temps partiel, un salarié dont la durée normale de travail, calculée sur une base hebdomadaire ou en moyenne sur une période d’emploi pouvant aller jusqu’à un an, est inférieure à celle d’un travailleur à temps plein comparable. A cet égard, est considéré comme un travailleur à temps plein comparable, un salarié à temps plein du même établissement ayant le même type de contrat ou de relation de travail, occupant un travail ou un emploi identique ou similaire. Cette comparaison peut prendre en compte d’autres considérations telles que l’ancienneté et les qualifications ou les compétences. En l’absence d’un travailleur à temps plein comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue alors par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation et aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.

Il en découle que la qualification de travail à temps partiel et le formalisme afférents ne sont pas liés à la durée du contrat de travail, mais s’apprécient au regard de la durée de travail du salarié concerné.

Selon l’article 455 du code de procédure civile, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

Pour requalifier les contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l’arrêt relève que les contrats versés aux débats ne comportent que le nombre global d’heures travaillées par la salariée, sans que soient indiquées la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les modalités selon lesquelles les horaires de travail seront communiqués à la salariée. Il constate que pour renverser la présomption de travail à temps complet, l’employeur verse aux débats les contrats de travail, qui mentionnent tous un nombre d’heures précis, souvent pour une période d’une seule journée. Il en déduit que ces éléments ne permettent pas de rapporter la preuve de la durée exacte mensuelle convenue, celle-ci étant très variable.
En statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est contredite, n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Selon l’article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, les effets de la requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée remontent à la date de la conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier.

Pour condamner l’employeur au titre d’un rappel de salaire pour les périodes interstitielles, l’arrêt retient que la salariée démontre être restée à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles et qu’il y a lieu de requalifier les périodes de travail visées dans les contrats et les périodes interstitielles et d’allouer à la salariée un rappel de salaire pour la période courant du mois de janvier 2011 au mois d’octobre 2018.

En statuant ainsi, alors, d’une part, que la cour d’appel avait requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 10 juillet 2012, d’autre part, qu’en cas de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, le salarié engagé selon une succession de contrats à durée déterminée et qui s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes non travaillées séparant chaque contrat ne peut prétendre à un rappel de salaire qu’au titre des périodes postérieures à la date à laquelle il est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Il résulte de l’article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre que les effets de la requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée remontent à la date de la conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier.

Pour condamner l’employeur à verser à la salariée un rappel de salaire au titre de la prime de vacances, l’arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l’article 31 de la convention collective, retient qu’au vu de la requalification de son contrat d’enquêteur vacataire en contrat de travail à durée indéterminée, la salariée devait bénéficier de cette prime de vacances qui s’applique à tous les salariés bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée, qu’il y a lieu de retenir un montant égal à 10 % du montant total des indemnités de congés payés perçu par la salariée entre 2011 et 2018 et d’en déduire les primes versées entre mai et octobre durant cette période.

Pour condamner l’employeur à verser à la salariée un rappel de salaire au titre des jours de congés d’ancienneté, l’arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l’article 23 de la convention collective, retient qu’au vu de la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la salariée bénéficie d’une ancienneté de cinq années à compter de février 2012, et aurait dû bénéficier d’une journée supplémentaire de congé par année de 2012 à 2016, puis d’une ancienneté supérieure à dix années à compter de février 2017, et donc de deux journées supplémentaires de congés pour les années 2017 et 2018. Il en déduit qu’il y a lieu de faire droit à la demande en paiement des jours de congés supplémentaires.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait prononcé la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 10 juillet 2012, en sorte que la salariée ne pouvait bénéficier de ces dispositions pour la période antérieure, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

 

SALAIRE – ACTION EN PAIEMENT OU EN REPETITION.
Cass., Soc., 9 décembre 2020, n°19-12788.

 

M. P… a été engagé à compter du 6 janvier 2004, en qualité de vendeur, par la société […], aux droits de laquelle vient la société […].

Après avoir été licencié le 29 avril 2014, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 31 mars 2017 de diverses demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Selon l’article 21 V de ladite loi, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l’action en paiement de salaire s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il résulte de la combinaison de ces textes qu’à défaut de saisine de la juridiction prud’homale dans les trois années suivant cette date, les dispositions transitoires ne sont pas applicables en sorte que l’action en paiement de créances de salaire nées sous l’empire de la loi ancienne se trouve prescrite.

Pour dire que seules sont prescrites les créances antérieures au 31 mars 2012, l’arrêt, après avoir constaté que la demande couvre la période du 29 avril 2011 à 2014, retient que l’ancienne prescription quinquennale a commencé à courir et que la prescription triennale s’est appliquée à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale ne puisse excéder cinq ans. L’arrêt ajoute que le délai triennal était expiré le 16 juin 2016 tandis que le délai de prescription quinquennale était également expiré au 31 mars 2017.

En statuant ainsi, en faisant application des dispositions transitoires issues de la loi du 14 juin 2013, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié avait saisi la juridiction prud’homale le 31 mars 2017, la cour d’appel, qui aurait dû en déduire que les créances nées avant le 16 juin 2013 étaient prescrites, a violé le premier des textes susvisés par refus d’application et le second par fausse application.

 

DELEGUE SYNDICAL – HARCELEMENT MORAL.
Cass., Soc., 9 décembre 2020, n°19-13470.

 

M. Y… a été engagé le 1er novembre 2009, avec reprise d’ancienneté au 19 janvier 2000, par la société Ramp Terminal One, en qualité d’assistant avion 1.

Estimant faire l’objet d’actes de discrimination et de harcèlement depuis notamment sa désignation en qualité de délégué syndical et invoquant un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes de dommages-intérêts.

L’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

La cour d’appel, dans l’exercice de son pouvoir souverain, a constaté que le salarié se bornait à une déclaration de principe d’ordre général sans caractériser l’existence d’un préjudice dont il aurait personnellement souffert.

Il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour rejeter les demandes formées au titre d’un harcèlement moral, l’arrêt retient que ni le maintien d’un salarié sur son poste correspondant à ses fonctions, son expérience et ses qualifications, même au détriment des prescriptions et restrictions du médecin du travail, ni le refus de mobilité professionnelle ni celui d’accorder des heures supplémentaires ne caractérisent des méthodes de gestion ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il ajoute que les conditions d’emploi du salarié n’ont pas entraîné de dégradation de son état de santé, que les instances représentatives du personnel n’ont jamais été alertées, que la régularisation tardive des heures de délégation s’explique par le retard de transmission du salarié et par le débat qu’il y a eu entre l’employeur et le salarié sur la possibilité de les prendre durant les arrêts de travail. Il conclut que la matérialité d’éléments de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement, n’est pas démontrée.
En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait d’examiner les éléments invoqués par le salarié, de dire s’ils étaient matériellement établis, et, dans l’affirmative, d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve de l’existence du harcèlement moral sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.

 

ACCIDENT – LICENCIEMENT – REINTEGRATION.
Cass., Soc., 9 décembre 2020, n°19-16448.

 

Mme F…, engagée le 2 janvier 2007 par la société Phocéenne de négoce (la société), a été victime d’un accident le 14 septembre 2007 et placée en arrêt de travail. Elle a été licenciée pour faute grave le 21 novembre 2007.

Contestant cette mesure, elle a saisi la juridiction prud’homale. Par un arrêt mixte du 6 octobre 2017 statuant sur renvoi après cassation (Soc., 29 septembre 2016, n° 15-16.449), la cour d’appel d’Aix-en-Provence a dit le licenciement nul, ordonné la réintégration de la salariée ainsi que la réouverture des débats en enjoignant à la salariée de produire un décompte récapitulant les revenus qu’elle a tirés d’une autre activité et les revenus de remplacement qui lui ont été versés pendant la période d’éviction, ainsi que les justificatifs afférents.

La salariée a été réintégrée le 13 novembre 2017.

Par l’arrêt attaqué, la salariée a été déboutée de sa demande au titre de l’indemnité réparant le préjudice subi du fait de sa perte de salaire pendant la durée de son éviction.

La salariée fait grief à l’arrêt du 26 janvier 2018 de la débouter de sa demande d’indemnité d’éviction réparant le préjudice subi du fait de la perte de salaire depuis son licenciement jusqu’à sa réintégration dans l’entreprise, alors « que l’indemnité due au salarié licencié pendant la période de suspension de son contrat de travail à la suite d’un accident du travail est égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, calculée à partir du salaire brut qu’il percevait avant l’accident du travail ; qu’en se fondant, pour calculer l’indemnité due, non pas sur le salaire mensuel brut de Mme F… avant l’accident (qu’elle constatait être de 1 791,60 €) mais sur le salaire perçu dans le cadre du mi-temps thérapeutique (720,73 € nets par mois), la cour d’appel a violé l’article L. 1226-13 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »

Aux termes de l’article L. 122-32-1 devenu L. 1226-7, du code du travail, le contrat de travail d’un salarié victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle est suspendu pendant toute la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident ou la maladie.

Il résulte des articles L. 122-32-2, alinéa 1er, devenu L. 1226-9 et L. 122-32-2, alinéa 3, devenu L. 1226-13 du code du travail qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce contrat que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.

La Cour de cassation juge que le salarié dont le licenciement est nul en application de ces dispositions, et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Soc., 16 octobre 2019, n° 17-31.624, publié).

Pour débouter la salariée de sa demande d’indemnité réparant le préjudice subi du fait de la perte de salaires pendant la période de son éviction comprise entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration, l’arrêt retient que la salariée a été en arrêt de travail du 14 septembre 2007 au 10 novembre 2007, la période du 28 septembre 2007 au 10 novembre 2007 ayant été travaillée dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, que le montant du dernier salaire perçu par la salariée était de 720,73 euros nets sur 13 mois, montant qui doit être pris en compte pour le calcul de l’indemnité d’éviction, que les parties s’accordent pour dire que la salariée a perçu la somme de 120 068 euros au titre des revenus compris entre 2007 et 2016, les revenus de 2017 n’étant pas justifiés par la salariée, de sorte que l’indemnité sera calculée sur une période de neuf ans au lieu des dix années sollicitée, soit la somme de : 720,73 euros x 13 mois x 9 ans = 84 325,41 euros, qu’il en résulte que la salariée n’a pas été privée de revenus pendant la période d’éviction.

En statuant ainsi, alors que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité était le salaire qu’aurait perçu la salariée si elle avait continué à travailler, pendant la période s’étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, au poste qu’elle occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l’accident du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Le salaire à prendre en compte pour le calcul de cette indemnité est celui qu’aurait perçu le salarié s’il avait continué à travailler pendant la période s’étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, au poste qu’il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l’accident du travail.

 

CONVENTION D’ENTREPRISE – INDEMNITE DE LICENCIEMENT.
Cass., Soc., 9 décembre 2020, n°19-17092.

 

K… E… a été engagée en 1978 en qualité d’agent commercial par la société Air Inter, aux droits de laquelle vient la société Air France. Elle a été placée en arrêt maladie du 7 janvier 2007 au 28 février 2014.
K… E… a été licenciée le 1er décembre 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Elle a saisi la juridiction prud’homale le 1er mars 2015 afin d’obtenir un rappel d’indemnité de licenciement. A la suite de son décès, survenu en cours de procédure, l’instance a été reprise par ses ayants droit.

Même lorsque la différence de traitement en raison d’un des motifs visés à l’article L. 1132-1 du code du travail résulte des stipulations d’une convention ou d’un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent être présumées justifiées au regard du principe de non-discrimination.

En l’absence d’élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l’état de santé du salarié la disposition d’une convention collective excluant les salariés licenciés pour inaptitude de l’indemnité de licenciement qu’elle institue.

La cour d’appel ayant constaté que la convention d’entreprise « personnel au sol » d’Air France révisée le 1er janvier 2013 , prévoyait une indemnité de licenciement plus favorable que celle prévue à la convention nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien, dite CCNTA, et que n’étaient exclus du bénéfice de cette indemnité plus favorable que les salariés licenciés pour un motif disciplinaire d’une part, et pour inaptitude physique ou invalidité d’autre part, a exactement décidé que cette clause était inopposable à la salariée licenciée en raison de son inaptitude.

Ayant relevé ensuite que, selon l’article 4 du chapitre 2 du titre 2 du même accord d’entreprise, pour l’ancienneté à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement sont comptés comme temps de service validables les durées des périodes d’indisponibilité pour raison de santé avec solde ou sans solde dans la mesure où elles donnent lieu à une indemnisation par le régime de prévoyance, et constaté que la salariée avait, pendant la durée de son congé maladie, été indemnisée par le régime de prévoyance Vivinter, la cour d’appel en a déduit exactement que ces périodes devaient être prises en compte pour le calcul de l’ancienneté de l’intéressée.

 

VRP – INDEMNITE DE RUPTURE.
Cass., Soc., 9 décembre 2020, n°19-17395.

 

M. F…, engagé à compter du 26 août 2013 par la société Luxastore déco en qualité de vendeur exclusif, voyageur représentant placier, a été licencié le 21 décembre 2015 pour faute grave.

Contestant son licenciement, il a saisi le 3 février 2016 la juridiction prud’homale de diverses demandes dont une indemnité spéciale de rupture.

Aux termes de l’article L. 7313-13, alinéa 1er, du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Selon l’article 14 de l’accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, lorsque le représentant de commerce se trouve dans l’un des cas de cessation du contrat prévus à l’article L. 751-9, alinéas 1er et 2 du code du travail, devenu les articles L. 7313-13 et L. 7313-14, alors qu’il est âgé de moins de soixante-cinq ans et qu’il ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 16 du présent accord, et sauf opposition de l’employeur exprimée par écrit et au plus tard dans les quinze jours de la notification de la rupture ou de la date d’expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, ce représentant, à la condition d’avoir renoncé au plus tard dans les trente jours suivant l’expiration du contrat de travail à l’indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l’article L. 751-9 précité, bénéficiera d’une indemnité spéciale de rupture fixée comme suit dans la limite d’un maximum de dix mois (…) .

Il résulte de ces textes, que lorsqu’il est jugé que le licenciement prononcé pour faute grave repose en réalité sur une cause réelle et sérieuse, le bénéfice de l’indemnité spéciale de rupture ne peut être subordonné à la condition de renonciation par le salarié à l’indemnité de clientèle dans le délai de trente jours suivant l’expiration du contrat de travail.

Pour débouter le salarié de sa demande d’indemnité spéciale de rupture, l’arrêt, après avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, retient que le salarié ne justifie pas avoir entrepris la moindre démarche envers l’employeur, dans les trente jours de la rupture du contrat, établissant qu’il entendait renoncer à l’indemnité de clientèle à laquelle il pouvait prétendre.

En statuant ainsi, alors que le salarié licencié pour faute grave ne pouvait renoncer à une indemnité de clientèle à laquelle il ne pouvait pas prétendre au jour de l’expiration du contrat, la cour d’appel a violé l’article L. 7313-13, alinéa 1er, du code du travail et l’article 14 de l’accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.

 

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL – MOBILITE INTERNE.
Cass., Soc., 2 décembre 2020, n°19-11986 s.

 

– Arrêt n°1137 du 2 décembre 2020 (19-11.986 à 19-11.994) – Cour de cassation – Chambre sociale-

Après avoir perdu un marché couvrant les départements du Gard et de la Lozère, la société Inéo Infracom a déménagé son centre de Nîmes à une autre adresse au sein de la même ville et a proposé aux salariés rattachés à ce centre des affectations temporaires dans d’autres régions à compter du 1er juillet 2013, et ce dans le cadre du régime de grand déplacement prévu par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, applicable. Plusieurs salariés ont fait part de leur refus de cette situation à l’employeur et ont saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de leur contrat de travail.

Le 29 juillet 2013, un accord de mobilité interne a été conclu entre l’employeur et plusieurs organisations syndicales représentatives en application des articles L. 2242-21 et suivants du code du travail. Plusieurs salariés rattachés au centre de Nîmes, licenciés pour motif économique le 8 avril 2014 en raison de leur refus de mobilité interne, ont saisi la juridiction prud’homale d’une demande subsidiaire contestant le bien-fondé de leur licenciement.

Selon l’article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs.

La cour d’appel, qui a constaté que l’accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d’effectifs au niveau de l’entreprise, afin d’apporter des solutions pérennes d’organisation de l’entreprise confrontée à des pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs, en a exactement déduit que cette réorganisation constituait une mesure collective d’organisation courante, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes et la ré-affectation des salariés concernés sur d’autres postes.

En premier lieu, selon l’article 4 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui est d’application directe en droit interne, un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.

Selon l’article 9.1 du même texte, le tribunal auquel est soumis un recours devra être habilité à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié. Aux termes de son article 9.3, en cas de licenciement motivé par les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, le tribunal devra être habilité à déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs, et l’étendue de ses pouvoirs éventuels pour décider si ces motifs sont suffisants pour justifier ce licenciement sera définie par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, ou par voie de législation nationale.

En second lieu, selon l’article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application à leur contrat de travail des stipulations de l’accord relatives à la mobilité interne, leur licenciement repose sur un motif économique.

Il en résulte qu’il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard de la conformité de l’accord de mobilité aux dispositions des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail et de sa justification par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise, sans qu’il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l’activité de l’employeur.

D’une part, la cour d’appel a, à juste titre ainsi qu’il a été dit au point 7, retenu que l’accord était conforme aux dispositions de l’article L. 2241-21 du code du travail.

D’autre part, la cour d’appel, devant laquelle il n’était pas soutenu que l’accord de mobilité interne n’était pas justifié par les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, a exactement décidé que le motif économique du licenciement était vainement discuté sur le fondement des dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail.

Il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif au refus par le salarié de voir son contrat de travail modifié en application d’un accord de mobilité interne. Cette appréciation se fait au regard de la conformité de l’accord aux exigences légales et de sa justification par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise, conformément aux stipulations de la Convention n° 158 de l’OIT.

 

ACCORD D’ENTREPRISE – TRANSFERT DES CONTRATS DE TRAVAIL – PERTE D’UN MARCHE.
Cass., Soc., 2 décembre 2020, n°18-25265.

 

– France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2020, 18-25265 et suivants (juricaf.org)

La société Transroissy, qui fournissait des prestations de services pour le transport de passagers au sein de l’aéroport Roissy-Charles-de Gaulle, a perdu ce marché attribué le 8 avril 2009 à la société Transdev aéroport transit (la société TAT), la société Transroissy en étant informée le 18 avril 2009.

Un accord d’entreprise a été conclu le 15 juin 2009 au sein de la société Transroissy, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, modifiant les conditions de rémunération et certains avantages annexes de ses salariés.

La société TAT a proposé le 25 juin 2009 aux salariés transférables un avenant à leur contrat de travail, le transfert devenant effectif le 1er juillet 2009.

M. F… et trente-trois autres salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes en condamnation de la société TAT à leur verser différentes sommes à titre notamment de rappels de salaires en application de l’accord d’entreprise du 15 juin 2009.

Selon l’article 28.2.1, alors en vigueur, de l’accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, relatifs aux conditions de la garantie d’emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, le nouveau prestataire s’engage à garantir l’emploi du personnel affecté au marché faisant l’objet de la reprise à la condition notamment de justifier d’une affectation sur le marché d’au moins six mois à la date de notification de la perte de marché. Aux termes de l’article 28.2.2 de ce texte, intitulé « Modalités de maintien de la rémunération », le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des douze derniers mois précédant la notification visée ci-dessus. En cas de changement de l’horaire contractuel au cours des douze derniers mois, il sera tenu compte de la dernière situation du salarié.

Il résulte de la combinaison des textes susvisés que le maintien de la rémunération du personnel repris doit être calculé sur la base de la rémunération mensuelle brute de base des douze derniers mois précédant la notification de la perte du marché.

Pour faire droit aux demandes de rappels de salaire, de congés payés afférents et de treizième mois, l’arrêt retient que l’interprétation par la société entrante des dispositions de l’article 28.2.1, selon laquelle la notification visée par cet article serait celle de la perte du marché, est sans fondement dès lors que l’article 28.2 prévoit certes une obligation d’information à la charge de l’entreprise, mais sans en préciser les modalités formelles. L’arrêt retient aussi que cette interprétation est non conforme aux dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre effet qu’au jour du changement de prestataire avec l’accord des salariés, en l’occurrence le 25 juin 2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés. L’arrêt ajoute qu’en toute hypothèse, c’est l’horaire contractuel qui est « calculé » sur la base des douze derniers mois, et non la rémunération, laquelle doit être maintenue à son niveau tel qu’il était au jour du transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009, et qu’en conséquence le rappel de rémunération correspond à la différence entre le montant du salaire de base du mois de juin 2009 et celui perçu après le transfert.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le second des textes susvisés.

 

ACCIDENT DU TRAVAIL – PRISE EN CHARGE.
Cass., Civ., 2ème, 26 novembre 2020, n°19-18244.

 

– France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-18244 (juricaf.org)

L’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge au titre de la législation professionnelle d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou d’une rechute. Il en résulte que si l’employeur peut soutenir, en défense à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l’accident, la maladie ou la rechute n’a pas d’origine professionnelle, il n’est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l’accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle.

 

URSSAF – PRESTATIONS DE RETRAITE SUPPLEMENTAIRE.
Cass., Civ., 2ème, 26 novembre 2020, n°19-19018.

 

– France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-19018 (juricaf.org)

A la suite d’un contrôle portant sur les années 2013 et 2014, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Rhône-Alpes (l’URSSAF) a notifié, le 16 septembre 2015, à l’établissement public Roannais agglomération (l’EPCI) un redressement résultant de la réintégration, dans l’assiette des cotisations sociales, de la contribution de cet établissement aux régimes de retraite par rente auxquels ont adhéré ses élus qui perçoivent une indemnité de fonction.

Selon l’article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, sont considérées comme rémunérations, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail.

En application des cinquième et sixième alinéas de ce texte, sont toutefois exclues de l’assiette des cotisations sociales, d’une part, les contributions mises à la charge des employeurs en application d’une disposition législative ou réglementaire ou d’un accord national interprofessionnel mentionné à l’article L. 921-4, destinées au financement des régimes de retraite complémentaire mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IX ou versées en couverture d’engagements de retraite complémentaire souscrits antérieurement à l’adhésion des employeurs aux institutions mettant en œuvre les régimes institués en application de l’article L. 921-4 et dues au titre de la part patronale en application des textes régissant ces couvertures d’engagements de retraite complémentaire, d’autre part, les contributions des employeurs au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, lorsqu’elles revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l’ensemble des salariés ou à une partie d’entre eux, sous réserve qu’ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d’Etat.

Selon l’article L. 382-31, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, les élus des collectivités territoriales mentionnées à l’article 72 de la Constitution dans lesquelles s’applique le régime général de sécurité sociale, ainsi que les délégués de ces collectivités territoriales membres d’un établissement public de coopération intercommunale, sont affiliés au régime général de sécurité sociale pour l’ensemble des risques.

Selon l’article L. 2123-27 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable au litige, les élus qui perçoivent une indemnité de fonction en application des dispositions de ce code ou de toute autre disposition régissant l’indemnisation de leurs fonctions peuvent constituer une retraite par rente à la gestion de laquelle doivent participer les élus affiliés. La constitution de cette rente incombe pour moitié à l’élu et pour moitié à la commune.

Il résulte de la combinaison de ces textes que les contributions qu’un établissement public de coopération intercommunale verse pour le financement de garanties de retraite supplémentaire et de prévoyance souscrites par un élu entrent dans l’assiette des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, à moins qu’elles ne répondent, pour tout ou partie de leur montant, aux conditions d’exonération fixées par le sixième alinéa de l’article L. 242-1.

L’arrêt retient que les élus locaux, qui sont affiliés au régime général de la sécurité sociale en leur qualité de personnes rattachées à ce régime, bénéficient d’un choix d’adhésion à une retraite complémentaire par rente Fonpel ou Carel. Il relève que ce régime de retraite est facultatif, que la contribution de l’EPCI ne découle pas d’une obligation législative ou réglementaire, ni d’un accord interprofessionnel imposant de financer un régime de retraite complémentaire obligatoire pour ses élus, et que la contribution en cause dépend exclusivement du choix de l’élu d’adhérer ou non à ce régime.

De ces constatations, faisant ressortir l’absence de caractère obligatoire, pour leurs bénéficiaires, des prestations de retraite supplémentaire litigieuses, la cour d’appel a exactement déduit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, que les contributions versées pour leur financement n’entraient pas dans le champ d’application du sixième alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, de sorte qu’elles devaient être réintégrées dans l’assiette des cotisations dues par l’EPCI.

 

PENSION DE VIEILLESSE – ARRERAGE – REPETITION DE L’INDU.
Cass., Civ., 2ème, 26 novembre 2020, n°10-19520.

 

– France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-19520 (juricaf.org)

Bénéficiaire d’une pension de retraite personnelle qui lui était versée par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la carsat), I… W… est décédé le 30 décembre 1998. La carsat, soutenant avoir été tenue dans l’ignorance de ce décès jusqu’au 31 mai 2012, a notifié à sa veuve, Mme W…, le 20 septembre 2013, une pénalité financière de 9 093 euros et lui a réclamé, le 4 octobre 2013, le remboursement d’un indu correspondant aux arrérages de pension versés sur le compte du bénéficiaire du 1er janvier 1999 au 30 avril 2012, d’un montant de 84 774, 22 euros.

Après avoir obtenu de la commission de recours amiable que la pénalité financière soit ramenée à 3 000 euros, Mme W… a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale. La carsat a formé à l’encontre de cette dernière une demande reconventionnelle en paiement de ces sommes.

Selon l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable au litige, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’action en répétition des arrérages d’une pension de vieillesse perçus par un tiers postérieurement au décès de l’assuré revêt le caractère d’une action personnelle ou mobilière au sens de ce texte.

Pour dire atteinte par la prescription l’action en répétition de l’indu engagée par la carsat à l’encontre de Mme W…, l’arrêt se borne à énoncer que les parties s’accordent pour dire que la prescription applicable est celle de cinq ans prévue par l’article 2224 du code civil, que cette prescription ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle la carsat a eu ou aurait pu avoir connaissance du caractère injustifié du versement des arrérages de pension de vieillesse au profit de I… W…, que Mme W… ne rapportant pas la preuve qu’elle a informé la carsat du décès de son époux, il convient de se référer à la date du 1er juin 2012 et que la prescription a commencé à courir à compter de cette date.

En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l’action exercée par la carsat était prescrite, ni quels arrérages de pension réclamés par celle-ci étaient susceptibles d’être concernés par la prescription qu’elle retenait, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale.

Le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.

Pour renvoyer les parties devant les services administratifs et comptables de la carsat afin de déterminer entre elles les sommes pouvant être répétées auprès de Mme W…, l’arrêt relève que la carsat ne chiffre pas la somme restant due par Mme W… au regard de l’application de la prescription commençant à courir le 1er juin 2012 et que la cour n’a pas vocation, ni à remplir l’office de comptable, ni à suppléer la carence des parties.

En se dessaisissant ainsi et en déléguant ses pouvoirs à l’une des parties, alors qu’il lui incombait de trancher elle-même la contestation dont elle était saisie, la cour d’appel a méconnu son office et violé l’article 4 du code civil.

Mme W… conteste la recevabilité du moyen en faisant valoir que la carsat n’avait pas soutenu que le montant de la pénalité prévue à l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale devait être fixé proportionnellement à la gravité des faits reprochés, en tenant compte notamment de leur caractère intentionnel ou répété, du montant et de la durée du préjudice et des moyens et procédés utilisés, de sorte que le moyen serait nouveau, mélangé de fait et de droit.

Cependant, Mme W… ayant saisi la juridiction de sécurité sociale d’une contestation de la pénalité financière prononcée à son encontre et la carsat étant appelante du jugement qui avait accueilli cette contestation en réduisant à néant la pénalité, le moyen tiré des conditions dans lesquelles la juridiction pouvait en réduire le montant était nécessairement dans le débat.

Selon les articles L. 114-17 et R.114-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, le montant de la pénalité qu’ils prévoient est fixé, dans la limite d’un plafond, en fonction de la gravité des faits reprochés, en tenant compte notamment de leur caractère intentionnel ou répété, du montant et de la durée du préjudice et des moyens et procédés utilisés.

Pour annuler la pénalité prononcée à l’encontre de Mme W…, l’arrêt retient que, compte tenu de l’âge de cette dernière (85 ans) et de l’invocation par la carsat d’un règlement intérieur qui ne lui est pas applicable, il convient de modérer la pénalité à sa plus simple expression.
En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser tant la nature et la gravité des faits reprochés que l’étendue de la responsabilité de l’intéressée, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

L’action en répétition des arrérages d’une pension de vieillesse perçus par un tiers postérieurement au décès de l’assuré revêt le caractère d’une action personnelle ou mobilière au sens de l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. Comme telle, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

 

MEDECINS – COTISATIONS RETRAITE.
Cass., Civ., 2ème, 26 novembre 2020, n°19-21207.

 

– France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-21207 (juricaf.org)

Affilié à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (la Caisse) du 1er avril 1973 au 30 septembre 2007 en qualité de médecin ophtalmologue, M. P… (l’assuré) a fait l’objet, le 3 mai 2007, d’une procédure de redressement judiciaire, ultérieurement convertie en liquidation judiciaire. Après la clôture de cette procédure pour insuffisance d’actif, le 15 février 2008, l’assuré a repris son activité à compter du 1er juillet 2008. Il a sollicité, le 17 juin 2015, la liquidation de ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2016.

Par deux décisions du 1er mars 2016 et du 28 novembre 2017, la Caisse a refusé de tenir compte des cotisations versées par l’assuré, entre 1993 et 2007, pour la liquidation de ses droits au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire des médecins et du régime des allocations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, en raison d’un arriéré de cotisations sur

Il résulte de la combinaison, d’une part, des articles L. 644-1 et 2 du décret n° 49-579 du 22 avril 1949 modifié relatif au régime d’assurance vieillesse complémentaire des médecins, des articles L. 645-2 du code de la sécurité sociale et 2 du décret n° 72-968 du 27 octobre 1972 modifié tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés et quatrième de ces textes, interprétés à la lumière de l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’en dehors des cas qu’ils visent, le report, chaque année, au compte de l’assuré, des points de retraite au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire des médecins et du régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés procède exclusivement du versement, pour l’intégralité de son montant, de la cotisation annuelle prévue pour chacun de ces régimes, et ne peut donc faire l’objet d’une proratisation en fonction de la fraction de la cotisation annuelle effectivement versée par l’assuré.

Pour dire que la Caisse devra calculer les points de retraite de l’assuré en intégrant les cotisations versées entre 1993 et 2007, l’arrêt relève qu’il n’est pas discuté que sur cette période, l’intéressé s’est acquitté partiellement des cotisations annuelles dues au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire et du régime des allocations supplémentaires de vieillesse, que ces années ne peuvent être exclues du calcul du montant des prestations et qu’elles doivent être prises en compte dans le calcul de l’attribution de points au prorata de chaque montant annuellement versé.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 644-1 et L. 645-2 du code de la sécurité sociale, 2 du décret n° 49-579 du 22 avril 1949 modifié relatif au régime d’assurance vieillesse complémentaire des médecins, et 2 du décret n° 72-968 du 27 octobre 1972 modifié tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés.

 

ACCIDENT DU TRAVAIL – RESERVES DE L’EMPLOYEUR.
Cass., Civ., 2ème, 26 novembre 2020, n°19-20058.

 

– France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-20058 (juricaf.org)

La caisse primaire d’assurance maladie des Deux-Sèvres (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle un accident survenu le 9 janvier 2012 déclaré avec réserves par la société Adia, aux droits de laquelle vient la société Adecco (l’employeur).

L’employeur a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale, aux fins d’inopposabilité de cette décision.

Selon l’article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, en cas de réserves motivées de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés.

Pour rejeter le recours, ayant constaté que dans son courrier de réserves l’employeur relevait notamment qu’il n’y avait pas de témoin de l’accident, alors que la victime travaillait en atelier, et que celle-ci a fini normalement sa journée de travail sans que personne de l’entreprise n’ait été mise au courant de l’incident, l’arrêt retient que les faits relatés sur la déclaration d’accident du travail sont crédibles, le certificat médical établi le jour des faits faisant état d’un lumbago aigu confirmé par un certificat médical ultérieur, en sorte qu’il n’y avait pas lieu de suspecter la véracité de la déclaration et de procéder à une enquête. Il ajoute que les réserves ne peuvent pas être prises en compte lorsque l’employeur n’apporte pas la preuve d’une cause totalement étrangère au travail mais se limite à instiller un doute sur la véracité des déclarations du salarié. Il précise que la circonstance de l’absence de témoin est insuffisante à constituer une réserve motivée et qu’il est indifférent que la victime ait achevé sa journée de travail normalement, la lésion pouvant ne pas entraîner un arrêt immédiat du travail. L’arrêt en déduit que les réserves exprimées par l’employeur n’étant pas suffisamment motivées, la caisse était dispensée de la nécessité d’organiser une enquête sur les circonstances de l’accident.

En statuant ainsi alors qu’il résultait de ses propres constatations que l’employeur, qui, au stade de la recevabilité des réserves, n’était pas tenu d’apporter la preuve de leur bien-fondé, avait formulé, en temps utile, des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l’accident ainsi que sur la matérialité du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation

 

 

BAIL COMMERCIAL – INDEMNITE D’EVICTION.
Cass. Civ., 3ème, 10 décembre 2020, n°20-240059 (QPC avec renvoi).

 

– 20-40.059 FS-P+I (courdecassation.fr)

La société Malte Opéra est locataire d’un immeuble à usage d’hôtel appartenant à la société Compagnie du Grand Hôtel de Malte et situé à Paris. Par acte du 5 septembre 2016, la bailleresse a refusé le renouvellement du bail et offert à la locataire le paiement d’une indemnité d’éviction. Après dépôt d’un rapport d’expertise judiciaire, la société Malte Opéra a assigné la société Compagnie du Grand Hôtel de Malte en fixation du montant de cette indemnité.

Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a transmis la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« L’article L. 145-14 du code de commerce est-il conforme à la Constitution et au bloc de constitutionnalité, précisément au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, à la liberté contractuelle garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, à la liberté d’entreprendre protégée par l’article 4 du Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, au principe d’égalité garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et respecte-t-il la compétence réservée à la loi par la Constitution de 1958 ? »

La disposition contestée est applicable au litige. Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

La question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

Cette question présente un caractère sérieux en ce que, en retenant que l’indemnité d’éviction doit notamment comprendre la valeur vénale du fonds de commerce défini selon les usages de la profession sans prévoir de plafond, de sorte que le montant de l’indemnité d’éviction pourrait dépasser la valeur vénale de l’immeuble, la disposition contestée est susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur.

En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

 

CONSOMMATION – CONTRAT DE FOURNITURE ET D’INSTALLATION.
Cass., Civ., 1ère, 9 décembre 2020, n°19-18891.

 

Le 29 août 2011, M. et Mme P… (les acquéreurs) ont accepté un devis établi par la société Creasun (le vendeur) portant sur la fourniture et l’installation d’un système de production d’électricité d’origine photovoltaïque au prix de 20 143,56 euros. Le 13 décembre 2011, ils ont souscrit un crédit d’un montant identique auprès de la société Banque populaire provençale et Corse, devenue la société Banque populaire Méditerranée (la banque).

Par actes des 13 mai et 3 juin 2016, les acquéreurs, se plaignant d’un défaut de sécurité de leur installation ainsi que de manquements du professionnel aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, ont assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, et la banque, en annulation et, subsidiairement, en résolution des contrats de vente et de crédit.

Selon l’article L. 121-21, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, est soumis aux articles L. 121-21 à L. 121-33 du code de la consommation quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d’une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l’achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d’achat de biens ou la fourniture de services.

Pour accueillir la demande d’annulation du contrat de vente fondée sur ces dispositions, l’arrêt énonce, d’abord, que le démarchage à domicile est caractérisé par la réception à domicile de propositions commerciales, soit que le vendeur se déplace, soit que le consommateur soit incité à se déplacer pour en bénéficier, à la condition que le lieu ne soit pas un lieu de commerce habituel. Il constate, ensuite, que les acquéreurs ont fait l’objet d’une prospection par téléphone ayant abouti à une prise de rendez-vous, à leur domicile, le 24 août 2011, qu’ils ont ensuite reçu une estimation de la production d’électricité, datée du 26 août 2011, établie par la société Creasun, et qu’ils ont signé, à leur domicile, le 29 août 2011, un devis, de sorte que la relation commerciale entre les parties a débuté par un démarchage à domicile et que le fait qu’il ait existé par la suite des pourparlers entre les parties ne permet pas d’écarter la législation protectrice du démarchage à domicile.

En se déterminant ainsi, sans constater que le devis avait été accepté au domicile des consommateurs en présence du professionnel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

 

CONSOMMATION – CONTRAT DE FOURNITURE ET D’INSTALLATION.
Cass., Civ., 1ère, 9 décembre 2020, n°18-25686.

 

Mme E… a, le 14 janvier 2014, conclu un contrat de fourniture et d’installation d’un kit photovoltaïque avec la société Enovia (le vendeur), financé par un crédit qu’elle a souscrit le même jour avec M. D… (les emprunteurs) auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque).

L’arrêt retient que, si que le contrat ne respecte pas les exigences posées à l’article L. 121-23, 4° et 5°, du code de la consommation en ce qu’il ne contient pas la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, ni les conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d’exécution de la prestation de services, il est cependant reproduit au verso du bon de commande, après les conditions générales de vente, les dispositions des articles L. 121-23 à L.121-24 du code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles et que cette obligation légale a pour objet de permettre au consommateur normalement attentif de prendre connaissance de ses droits et en tirer les conséquences en décidant soit de poursuivre le contrat en dépit des vices qui l’affectent, soit d’y mettre fin. Il ajoute que les emprunteurs ne pouvaient pas ignorer que les manquements relevés leur permettaient de se prévaloir de la nullité du contrat et renoncer à son exécution, même après l’expiration du délai de renonciation et qu’ils ont poursuivi l’exécution du contrat sans formuler aucune réserve après les travaux et après la mise en service de l’installation de production électrique, laquelle a fonctionné au moins pendant deux ans jusqu’à l’engagement de leur action.

De ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que les emprunteurs avaient exécuté volontairement le contrat, en connaissance des vices affectant le bon de commande, ce qui valait confirmation du contrat et les privait de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées.

Les emprunteurs font le même grief à l’arrêt, alors « que, dans leurs conclusions d’appel, les emprunteurs faisaient valoir que non seulement la reproduction au dos du bon de commande des articles L. 121-23 à L. 121-26 anciens du code de la consommation était erronée mais qu’en outre cette reproduction ne suffisait pas à permettre la connaissance de tous les vices entachant le bon de commande ; que la cour d’appel a notamment reconnu que le formulaire de rétractation n’était pas conforme aux exigences des articles R. 121-4 et R. 121-6 (anciens) du code de la consommation ce qui suffisait à entraîner la nullité du contrat de vente ; qu’en estimant dès lors que la reproduction des seuls articles L. 121-23 à L. 121-26 (anciens) du code de la consommation suffisait à informer les emprunteurs des vices du contrat de vente, sans répondre à leurs conclusions péremptoires, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Selon l’article 455 du code de procédure civile, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

Pour rejeter la demande en nullité du contrat de fourniture et d’installation, après avoir constaté que le formulaire de rétractation n’était pas conforme aux exigences des articles R. 121-4 et R. 121-6 du code de la consommation, l’arrêt retient qu’ayant pris connaissance des articles L. 121-23 à L. 121-24 du même code reproduits dans le bon de commande, les emprunteurs ne pouvaient ignorer les causes de nullité qui affectaient le contrat principal, de sorte qu’en poursuivant volontairement son exécution sans formuler aucune réserve, ceux-ci avaient entendu le confirmer.

En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des emprunteurs qui faisaient valoir que la reproduction des articles L. 121-23 à L. 121-26 précités ne permettait pas d’établir qu’ils avaient eu connaissance des causes de nullité tirées de l’inobservation des articles R. 121-4 à R. 121-6 précités, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

L’annulation du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de crédit affecté, en application de l’article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

 

LIQUIDATION JUDICIAIRE – RESPONSABILITE DU MANDATAIRE.
Cass., Com., 9 décembre 2020, n°18-24730.

 

La SAS Pôle élevage, dont M. P… était le président, a été mise en redressement puis liquidation judiciaire les 30 septembre 2014 puis 6 mars 2015, la société […] étant désignée mandataire judiciaire puis liquidateur.

Le liquidateur a recherché la responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant.

La cour d’appel a énoncé à bon droit que l’article 1992, alinéa 2, du code civil, selon lequel la responsabilité générale du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit, ne concerne pas la situation du dirigeant d’une personne morale en liquidation judiciaire poursuivi en paiement de l’insuffisance d’actif de celle-ci sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce, la responsabilité de ce dirigeant s’appréciant, sur le fondement de ce texte spécial, de la même manière, qu’il soit rémunéré ou non.

 

AGENT COMMERCIAL – RUPTURE DU CONTRAT.
Cass., Com., 2 décembre 2020, n°18-20231.

 

– France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 décembre 2020, 18-20231 (juricaf.org)

La société Editions Atlas, spécialisée dans l’édition et la commercialisation de produits de loisirs, a conclu avec M. O…, le 20 décembre 2006, une convention pour lui confier, pour une durée indéterminée, la prospection de ses clients sur un secteur géographique au sein de l’arrondissement de Sens.

Après avoir cessé d’exécuter son contrat le 1er juillet 2011 et conclu le 4 juillet suivant un contrat de travail à durée indéterminée d’attaché commercial exclusif avec une société tierce, M. O…, revendiquant le statut d’agent commercial, a assigné la société Editions Atlas en résiliation du contrat aux torts de celle-ci et en paiement de diverses indemnités.

Aux termes de l’article L. 134-1 du code de commerce, l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ces dispositions résultent de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants ayant transposé en droit français la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants.

L’article premier de cette directive dispose que « l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée “commettant”, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant. »

Si la directive ne donne pas de définition du terme « négocier », la Cour de cassation a retenu une acception stricte de la notion de négociation, consacrant par là-même une approche restrictive de la qualification d’agent commercial. Afin de pouvoir distinguer l’agent commercial d’autres intermédiaires commerciaux, lesquels ne bénéficient pas du statut protecteur du premier, elle retenait jusqu’à présent que la négociation supposait que l’intermédiaire dispose d’une marge de manœuvre certaine pour influer sur les éléments constitutifs de la convention avant la conclusion du contrat avec le client, de nature à en permettre la réalisation (Com., 14 juin 2005, pourvoi n° 03-14.401 ; Com, 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.290). Elle en déduisait que le terme de négociation ne pouvait se résumer à une simple promotion du produit, ni davantage à la seule prospection de la clientèle ou encore à un rôle d’intermédiaire passif, mais s’entendait de la possibilité offerte à l’intermédiaire de modifier les clauses contractuelles initialement envisagées par le mandant, s’agissant notamment des prix et des conditions de vente des produits.

Cependant, par un arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial, au sens de cette disposition.

Il en résulte que doit désormais être qualifié d’agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

Pour dire que M. O… n’avait pas le statut d’agent commercial et rejeter ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec la société Editions Atlas, l’arrêt relève qu’il ressort des catalogues des produits et prix de vente de juin à décembre 2011 que M. O… n’était en mesure de modifier aucun des éléments de l’offre contractuelle des Editions Atlas, s’agissant des quantités, des prix et des modalités de paiement. Il retient que M. O… ne justifiant pas, dans ces conditions, avoir disposé effectivement d’une quelconque marge de manœuvre sur une partie au moins de l’opération économique, les prix de cession, les barèmes de remises du mandant et les conditions générales de distribution et de vente étant définis par le mandant, il ne démontre pas qu’il avait le pouvoir de négocier les contrats au nom et pour le compte de son mandant, ce qui exclut toute application du statut d’agent commercial.

En statuant ainsi, en se fondant sur l’impossibilité pour M. O… de négocier les prix, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

 

 

DISPOSITIF DE SURVEILLANCE PAR DRONES – TRAITEMENT DE DONNEES – LICEITE.
CE, 22 décembre 2020, 10ème et 9ème Ch. Réunies, n° 446155.

 

Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu’à la suite de l’ordonnance n° 440442, 440445 du 18 mai 2020, par laquelle le juge des référés du Conseil d’Etat a enjoint à l’Etat de cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance par drone du respect, à Paris, des règles de sécurité sanitaire applicables à la période de confinement tant qu’il n’aurait pas été remédié à l’atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée qui en résultait, soit par l’intervention d’un texte réglementaire, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) autorisant, dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, applicables aux traitements relevant du champ d’application de la directive du 27 avril 2016, la création d’un traitement de données à caractère personnel, soit en dotant les appareils utilisés par la préfecture de police de dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées, l’association « La Quadrature du Net » a, par une série de pièces produites à l’appui de sa demande, fait valoir que le préfecture de police continuait à recourir à des drones pour la surveillance de manifestations publiques à Paris, en méconnaissance de cette ordonnance, et a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre la décision implicite du préfet de police de poursuivre l’utilisation d’un tel dispositif et de lui enjoindre de cesser toute captation d’image par ce procédé. L’association se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 4 novembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

D’une part, l’article 3 de la directive du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales et à la libre circulation de ces données et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil définit, à son point 1, les données à caractère personnel comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable » et précise qu’est réputée être une « personne physique identifiable » « une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement notamment par référence à un identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

D’autre part, le même article 3 définit, à son point 2, un traitement comme « toute opération ou tout ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel ou des ensemble de données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la structuration, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, la limitation, l’effacement ou la destruction».

En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que le dispositif de surveillance litigieux, qui consiste à collecter des données, grâce à la captation d’images par drone, afin de les transmettre, après application d’un procédé de floutage, au centre de commandement de la préfecture de police pour un visionnage en temps réel, constitue un traitement au sens de la directive du 27 avril 2016.

En second lieu, si ce dispositif permet de ne renvoyer à la direction opérationnelle que des images ayant fait l’objet d’un floutage, il ne constitue que l’une des opérations d’un traitement d’ensemble des données, qui va de la collecte des images par le drone à leur envoi vers la salle de commandement, après transmission des flux vers le serveur de floutage, décomposition de ces flux image par image aux fins d’identifier celles qui correspondent à des données à caractère personnel pour procéder à l’opération de floutage, puis à la recomposition du flux vidéo comportant les éléments floutés. Dès lors que les images collectées par les appareils sont susceptibles de comporter des données identifiantes, la circonstance que seules les données traitées par le logiciel de floutage parviennent au centre de commandement n’est pas de nature à modifier la nature des données faisant l’objet du traitement, qui doivent être regardées comme des données à caractère personnel.

En jugeant que la décision attaquée n’avait pas pour effet d’autoriser un traitement de données à caractère personnel, au motif que seul le flux flouté des images captées par des drones arriverait en salle de commandement et en écartant pour ce motif le moyen tiré de ce que ce traitement aurait dû faire l’objet d’un texte l’autorisant, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d’erreur de droit. L’association est, dès lors, fondée à demander son annulation.

Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que le dispositif de surveillance litigieux, qui constitue un traitement de données à caractère personnel et a pour finalités la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces, relève du champ d’application de la directive du 27 avril 2016, dont le titre 3 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés assure la transposition en droit interne.

Le moyen tiré de l’illégalité de la mise en œuvre, pour le compte de l’Etat, de ce traitement de données à caractère personnel sans l’intervention préalable d’un texte en autorisant la création et en fixant les modalités d’utilisation est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Il y a lieu, par suite, de suspendre l’exécution de la décision du préfet de police de poursuivre l’utilisation de drones à des fins de police administrative dans le cadre de manifestations ou de rassemblements sur la voie publique et d’enjoindre au préfet de police de cesser, à compter de la notification de la présente ordonnance, de procéder aux mesures de surveillance par drone de ces manifestations ou rassemblements, tant que n’aura pas été pris un texte autorisant la création, à cette fin, d’un traitement de données à caractère personnel. 14. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à l’association « La Quadrature du Net » au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

European Court of Justice – 

 

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – AREA OF FREEDOM, SECURITY AND JUSTICE – ASYLUM POLICY – PROCEDURE FOR GRANTING AND WITHDRAWING REFUGEE STATUS – DIRECTIVE 2005/85/EC – ARTICLE 25(2) – GROUNDS FOR INADMISSIBILITY – REJECTION BY ONE MEMBER STATE OF AN APPLICATION FOR INTERNATIONAL PROTECTION AS INADMISSIBLE DUE TO THE EARLIER GRANT TO THE APPLICANT OF SUBSIDIARY PROTECTION IN ANOTHER MEMBER STATE – REGULATION (EC) NO 343/2003 – REGULATION (EU) NO 604/2013.
ECJ, 10 December 2020, Case C-616/19, M.S. and Others v Minister for Justice and Equality.

 

Article 25(2) of Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 on minimum standards on procedures in Member States for granting and withdrawing refugee status must be interpreted as not precluding legislation of a Member State which is subject to Regulation (EU) No 604/2013 of the European Parliament and of the Council of 26 June 2013 establishing the criteria and mechanisms for determining the Member State responsible for examining an application for international protection lodged in one of the Member States by a third-country national or a stateless person, but which is not bound by Directive 2013/32/EU of the European Parliament and of the Council of 26 June 2013 on common procedures for granting and withdrawing international protection, in accordance with which an application for international protection is considered to be inadmissible where the applicant benefits from subsidiary protection status in another Member State.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – SOCIAL POLICY – DIRECTIVE 2008/94/EC – ARTICLES 2 AND 3 – PROTECTION OF EMPLOYEES IN THE EVENT OF THE INSOLVENCY OF THEIR EMPLOYER – CONCEPTS OF ‘EMPLOYEES’ OUTSTANDING CLAIMS’ AND ‘INSOLVENCY OF AN EMPLOYER’ – ACCIDENT AT WORK – DEATH OF THE EMPLOYEE – COMPENSATION FOR NON-MATERIAL DAMAGE – RECOVERY OF THE CLAIM AGAINST THE EMPLOYER – IMPOSSIBLE – GUARANTEE INSTITUTION.
ECJ, 25 November 2020, Case C-799/19, NI and Others v Sociálna poisťovňa.

 

Article 2(1) of Directive 2008/94/EC of the European Parliament and of the Council of 22 October 2008 on the protection of employees in the event of the insolvency of their employer must be interpreted as meaning that an employer cannot be deemed to be in a ‘state of insolvency’ where an action for enforcement has been brought against that employer in connection with a judicially recognised claim for compensation, but the claim is deemed irrecoverable in the enforcement proceedings on account of that employer’s informal insolvency. It is, however, for the referring court to ascertain whether, in accordance with Article 2(4) of Directive 2008/94, the Member State concerned has decided to extend employee protection as provided for under that directive to such a situation of insolvency, established by proceedings which are different from those mentioned in Article 2(1) and which are provided for under national law.
Article 1(1) and Article 3 of Directive 2008/94 must be interpreted as meaning that compensation due from an employer to surviving close relatives for non-material damage suffered as a result of the death of an employee caused by an accident at work may only be regarded as constituting ‘employees’ claims arising from contracts of employment or employment relationships’ within the meaning of Article 1(1) of that directive where it is covered by the concept of ‘pay’ as defined under national law, that being a matter for the national court to determine.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – SOCIAL POLICY – DIRECTIVE 2006/54/EC – EQUAL OPPORTUNITIES AND EQUAL TREATMENT OF MEN AND WOMEN IN EMPLOYMENT AND OCCUPATION – ARTICLES 14 AND 28 – NATIONAL COLLECTIVE AGREEMENT GRANTING THE RIGHT TO LEAVE FOLLOWING THE STATUTORY MATERNITY LEAVE FOR FEMALE WORKERS WHO BRING UP THEIR CHILDREN ON THEIR OWN – EXCLUSION OF MALE WORKERS FROM THE RIGHT TO THAT LEAVE – PROTECTION OF FEMALE WORKERS AS REGARDS BOTH THE CONSEQUENCES OF PREGNANCY AND THE CONDITION OF MATERNITY – CONDITIONS UNDER WHICH APPLICABLE.
ECJ, 18 November 2020, Case C-463/19, Syndicat CFTC du personnel de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle v Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle.

 

Articles 14 and 28 of Directive 2006/54/EC of the European Parliament and of the Council of 5 July 2006 on the implementation of the principle of equal opportunities and equal treatment of men and women in matters of employment and occupation, read in the light of Council Directive 92/85/EEC of 19 October 1992 on the introduction of measures to encourage improvements in the safety and health at work of pregnant workers and workers who have recently given birth or are breastfeeding (tenth individual Directive within the meaning of

Article 16(1) of Directive 89/391/EEC), must be interpreted as meaning that they do not preclude a provision of a national collective agreement which reserves to female workers who bring up their child on their own the right to leave after the expiry of the statutory maternity leave, provided that such leave is intended to protect workers in connection with the effects of pregnancy and motherhood, which is for the referring court to ascertain, taking into account, inter alia, the conditions for entitlement to the leave, its length and modalities of enjoyment, and the legal protection that attaches to that period of leave.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – DIRECTIVE 2011/98/EU – RIGHTS FOR THIRD COUNTRY WORKERS WHO HOLD SINGLE PERMITS – ARTICLE 12 – RIGHT TO EQUAL TREATMENT – SOCIAL SECURITY – LEGISLATION OF A MEMBER STATE EXCLUDING, FOR THE PURPOSES OF DETERMINING ENTITLEMENT TO A FAMILY BENEFIT, THE FAMILY MEMBERS OF THE HOLDER OF A SINGLE PERMIT WHO DO NOT RESIDE IN THE TERRITORY OF THAT MEMBER STATE.
ECJ, 25 November 2020, Case C-302/19, Istituto nazionale della previdenza sociale v WS.

 

Article 12(1)(e) of Directive 2011/98/EU of the European Parliament and of the Council of 13 December 2011 on a single application procedure for a single permit for third-country nationals to reside and work in the territory of a Member State and on a common set of rights for third-country workers legally residing in a Member State must be interpreted as precluding the legislation of a Member State under which, for the purpose of determining entitlement to a social security benefit, the family members of the holder of a single permit, within the meaning of Article 2(c) thereof, who do not reside in the territory of that Member State but in a third country are not be taken into account, whereas account is taken of family members of nationals of that Member State residing in a third country.

REQUEST FOR A PRELIMINARY RULING – DIRECTIVE 2003/109/EC – STATUS OF THIRD-COUNTRY NATIONALS WHO ARE LONG-TERM RESIDENTS – ARTICLE 11 – RIGHT TO EQUAL TREATMENT – SOCIAL SECURITY – LEGISLATION OF A MEMBER STATE EXCLUDING, FOR THE DETERMINATION OF RIGHTS TO A FAMILY BENEFIT, THE FAMILY MEMBERS OF A LONG-TERM RESIDENT WHO DO NOT RESIDE IN THE TERRITORY OF THAT MEMBER STATE.
ECJ, 25 November 2020, Case C-303/19, Istituto nazionale della previdenza sociale v VR.

Article 11(1)(d) of Council Directive 2003/109/EC of 25 November 2003 concerning the status of third-country nationals who are long-term residents must be interpreted as precluding legislation of a Member State under which, for the purposes of determining entitlement to a social security benefit, the family members of a long-term resident, within the meaning of Article 2(b) thereof, who do not reside in the territory of that Member State, but in a third country are not taken into account, whereas the family members of a national of that Member State who reside in a third country are taken into account, where that Member State has not expressed its intention of relying on the derogation to equal treatment permitted by Article 11(2) of that directive by transposing it into national law.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – CONSUMER PROTECTION – UNFAIR TERMS IN CONSUMER CONTRACTS – DIRECTIVE 93/13/EEC – CONSEQUENCES OF A TERM BEING FOUND TO BE UNFAIR – REPLACEMENT OF THE UNFAIR TERM – METHOD FOR CALCULATING THE VARIABLE INTEREST RATE – WHETHER PERMISSIBLE – REFERRAL OF THE PARTIES TO NEGOTIATIONS.
ECJ, 25 November 2020, Case C-269/19, Banca B. SA v A.A.A.

 

Article 6(1) of Council Directive 93/13/EEC of 5 April 1993 on unfair terms in consumer contracts must be interpreted as meaning that, after terms establishing the mechanism for determining the variable interest rate in a loan agreement such as that at issue in the main proceedings have been found to be unfair, and when that contract cannot continue to exist following the removal of the unfair terms in question, annulment of the contract would have particularly unfavourable consequences for the consumer and there are no supplementary provisions under national law, the national court must, while taking into account all of its national law, take all the measures necessary to protect the consumer from the particularly unfavourable consequences which could result from annulment of the loan agreement in question. In circumstances such as those in question in the main proceedings, nothing precludes the national court from, inter alia, inviting the parties to negotiate with the aim of establishing the method for calculating the interest rate, provided that that court sets out the framework for those negotiations and that those negotiations seek to establish an effective balance between the rights and obligations of the parties taking into account in particular the objective of consumer protection underlying Directive 93/13.

 

REFERENCES FOR A PRELIMINARY RULING – AREA OF FREEDOM, SECURITY AND JUSTICE – COMMUNITY CODE ON VISAS – REGULATION (EC) NO 810/2009 – ARTICLE 32(1) TO (3) – DECISION TO REFUSE A VISA – ANNEX VI – STANDARD FORM – STATEMENT OF REASONS – THREAT TO PUBLIC POLICY, INTERNAL SECURITY OR PUBLIC HEALTH, OR TO THE INTERNATIONAL RELATIONS OF ANY OF THE MEMBER STATES – ARTICLE 22 – PROCEDURE OF PRIOR CONSULTATION OF CENTRAL AUTHORITIES OF OTHER MEMBER STATES – OBJECTION TO THE ISSUING OF A VISA – APPEAL AGAINST A DECISION TO REFUSE A VISA – SCOPE OF JUDICIAL REVIEW – ARTICLE 47 OF THE CHARTER OF FUNDAMENTAL RIGHTS OF THE EUROPEAN UNION – RIGHT TO AN EFFECTIVE REMEDY.
ECJ 24 November 2020, Joined Cases C-225/19 and C-226/19, R.N.N.S. and K.A. v Minister van Buitenlandse Zaken.

 

Article 32(2) and (3) of Regulation (EC) No 810/2009 of the European Parliament and of the Council of 13 July 2009 establishing a Community Code on Visas, as amended by Regulation (EU) No 610/2013 of the European Parliament and of the Council of 26 June 2013, read in the light of Article 47 of the Charter of Fundamental Rights of the European Union, must be interpreted as meaning, first, that a Member State which has adopted a final decision refusing to issue a visa on the basis of Article 32(1)(a)(vi) of Regulation No 810/2009, as amended by Regulation No 610/2013, because another Member State objected to the issuing of that visa is required to indicate, in that decision, the identity of the Member State which raised that objection, the specific ground for refusal based on that objection, accompanied, where appropriate, by the essence of the reasons for that objection, and the authority which the visa applicant may contact in order to ascertain the remedies available in that other Member State and, secondly, that, where an appeal is lodged against that decision on the basis of Article 32(3) of Regulation No 810/2009, as amended by Regulation No 610/2013, the courts of the Member State which adopted that decision cannot examine the substantive legality of the objection raised by another Member State to the issuing of the visa.



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