NEWSLETTER FEVRIER 2021

NEWSLETTER FEVRIER 2021

  • Droit du travail et sécurité sociale
  • Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation
  • Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
  • Cour de Justice de l’Union Européenne

 

Droit du travail et sécurité sociale

 

 

ACCIDENT DU TRAVAIL – MALADIES PROFESSIONNELLES.
Cass., Civ., 2ème 28 janvier 2021, n°19-22958.

 

Mme X… a déclaré le 13 avril 2010 la maladie, dont son époux, B… X… (la victime), ingénieur de production employé par la société Sun Chemical, est décédé le […] 2010.

La caisse primaire d’assurance maladie de Paris (la caisse) ayant refusé de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, l’intéressée a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Il résulte de l’article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu’elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Pour dire n’y avoir lieu de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, l’arrêt retient que pour bénéficier de la législation professionnelle en application de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, il faut que soit établie une exposition aux produits chimiques limitativement énumérés par le tableau n° 15 ter, A ou B, et que les témoignages produits par l’appelante sont insuffisants à apporter cette preuve. Il en déduit qu’il ne peut donc pas être considéré que les conditions du tableau précité seraient remplies, et que le caractère professionnel de la maladie n’est pas établi. Il ajoute qu’à titre subsidiaire, l’intéressée considère que la cour doit enjoindre à la caisse de transmettre le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, que cependant l’alinéa 3 de l’article L. 461-1 permet qu’une maladie puisse être reconnue d’origine professionnelle si une ou plusieurs conditions figurant au tableau ne sont pas remplies, et qu’en l’absence d’exposition au risque avérée, il ne peut pas être fait application de ce texte.

En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que la victime était atteinte d’une maladie désignée au tableau n° 15 ter des maladies professionnelles sans remplir les conditions fixées par celui-ci, de sorte qu’elle ne pouvait statuer sans que l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli, la cour d’appel a violé l’article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, et le tableau n° 15 ter des maladies professionnelles dans sa rédaction issue du décret n° 95-1196 du 6 novembre 1995, applicables au litige.

 

SECURITE SOCIALE – ASSURANCES SOCIALES DU REGIME GENERAL.
Cass., Civ., 2ème 28 janvier 2021, n° 19-25853.

 

L’URSSAF du Centre Val de Loire (l’URSSAF) a, le 15 décembre 2017, adressé à M. X… (le cotisant), un appel de la cotisation subsidiaire maladie due, pour l’année 2016, au titre de la protection universelle maladie (la PUMA).

Le cotisant a saisi d’un recours un tribunal de grande instance.

Selon l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 les personnes mentionnées à l’article L. 160-1 sont redevables d’une cotisation annuelle dont les conditions d’assujettissement, les modalités de détermination de l’assiette et le taux sont fixés par les trois derniers.

Pour dire que l’URSSAF ne peut réclamer la cotisation litigieuse et annuler l’appel de cotisations y afférent, le jugement relève en substance que l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne peut être lu et interprété que par référence à l’application des articles 7 et 8 du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 qui constituent ou modifient profondément les articles R. 380-3 à R. 380-6 et R. 380-9 du code de la sécurité sociale. Il retient que ces textes sont essentiels à l’application des dispositions de l’article L. 380-2 du même code et qu’en 2016, il n’était pas possible à l’assuré d’avoir connaissance des conditions intégrales d’application de la PUMA.
En statuant ainsi, alors que les articles 2 du code civil, L. 380-2, D. 380-1, D. 380-2 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, les trois derniers, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-979 du 9 juillet 2016 étaient applicables à la cotisation appelée en 2017 au titre de l’assujettissement à la PUMA pour l’année 2016, le tribunal a violé ces textes.

Selon l’article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, la cotisation assise sur les revenus non professionnels mentionnée à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

Le non-respect par l’organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible.

Pour annuler l’appel de cotisations litigieux, le jugement retient qu’il résulte des dispositions de l’article R. 380-4 du code de la sécurité sociale que cette cotisation doit être appelée au plus tard le dernier jour ouvré de novembre, que passé ce délai, l’URSSAF n’est plus recevable à appeler la cotisation en cause, que le fait que l’organisme dispose d’un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations n’implique pas qu’il puisse s’abstenir de respecter d’autres délais, notamment, celui de procéder à l’appel et au recouvrement des cotisations et qu’en l’espèce, l’URSSAF n’a pas appelé la cotisation litigieuse avant l’échéance du terme dont elle disposait.

En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.

 

SECURITE SOCIALE – ACCIDENT DU TRAVAIL.
Cass., Civ., 2ème 28 janvier 2021, n° 19-25.722

 

M. X… (la victime), agent de la Régie autonome des transports parisiens (la RATP), a déclaré auprès de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP (la CCAS) avoir été victime d’un accident du travail, le 20 mai 2015, après une altercation avec un responsable de l’entreprise. La CCAS ayant refusé de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle, la victime a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Selon l’article 75 du règlement intérieur de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie autonome des transports publics (RATP), seul applicable au litige, est considéré comme un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu, par le fait ou à l’occasion du travail. Selon ‘article 77 du même texte, l’accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé imputable au service, sauf à la caisse à rapporter la preuve contraire.

Pour l’application du second de ces textes, la preuve contraire s’entend de la preuve d’une cause totalement étrangère du travail.

Pour rejeter le recours de la victime, l’arrêt relève qu’une altercation, à l’occasion du travail, a eu lieu le 20 mai 2015 entre celle-ci et son supérieur hiérarchique, que le caractère houleux de la discussion est confirmé par les autres protagonistes dont l’intervention a été nécessaire pour la faire cesser, qu’ainsi la matérialité de l’événement soudain invoqué est démontrée de sorte que la présomption d’imputabilité de l’accident au travail s’applique. Il ajoute que les certificats médicaux établis le lendemain constatent, sans être plus descriptifs, un syndrome anxio-dépressif réactionnel, se contentant de reprendre les propos de la victime et qu’un collègue de celle-ci fait état de l’existence d’antécédents. Il retient qu’il résulte surtout des éléments produits que, quelles qu’aient été les difficultés de la victime, elle est exclusivement à l’origine du différend l’ayant opposé à son responsable.

En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l’accident litigieux, survenu au temps et au lieu du travail de la victime, avait une cause totalement étrangère au travail, la cour d’appel a privé de base légale sa décision.

 

ACCORDS COLLECTIFS – COMITES DE GROUPE.
Cass., Soc., 27 janvier 2021, n°19-24400.

 

La société BNP Paribas a conclu le 14 novembre 2003 un accord sur la mise en place d’un comité de groupe, prévoyant que les membres seraient désignés tous les trois ans par les organisations syndicales représentatives parmi les élus aux comités d’entreprise, d’établissement ou délégations uniques des entreprises entrant dans la composition du comité de groupe. En mai 2019, l’employeur a invité les organisations syndicales représentatives à désigner les membres du comité de groupe au regard des résultats des dernières élections.

Par requête en date du 12 juillet 2019, la Fédération française des syndicats CFDT des banques et sociétés financières (la FBA CFDT) a saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation des désignations des membres du comité de groupe.

En vertu de l’article 9 V de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, pour l’application des dispositions du code du travail autres que celles citées au premier alinéa du présent VI, modifiées par les ordonnances prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017, jusqu’au 31 décembre 2019, il convient de lire selon les cas « comité social et économique » ou « comité d’entreprise » ou « comité d’entreprise, ou à défaut, des délégués du personnel » ou « comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».

En vertu de l’article 9 VII de l’ordonnance précitée, les stipulations des accords d’entreprise, des accords de branche et des accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prises en application des dispositions des titres Ier et II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d’entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III de la même partie du code du travail sur le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III de la même partie du code du travail sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III de la même partie du code du travail sur les réunions communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

La chambre sociale a jugé que demeuraient applicables les accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel qui n’entrent pas dans les prévisions de l’article 9 VII précité (Soc., 25 mars 2020, pourvoi n° 18-18.401). Lorsqu’une clause de ces accords se réfère aux termes « comité d’entreprise », « délégation unique du personnel », « délégué du personnel » ou « comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail », il y a lieu d’y substituer les termes de « comité social et économique » dès lors que cette substitution suffit à permettre la mise en oeuvre de cette clause.

En l’espèce, le tribunal d’instance a constaté que l’accord instituant le comité de groupe au sein de la société BNP Paribas prévoyait la désignation des membres du comité de groupe par les organisations syndicales représentatives au sein des élus des comités d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, conformément aux dispositions de l’article L. 2333-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. Relevant que l’article L. 2333-2 avait été modifié par l’article 4 de l’ordonnance du 23 septembre 2017 pour remplacer les mots « comité d’entreprise » et « délégation unique du personnel » par les mots « comité social et économique », il en a exactement déduit que l’accord collectif pouvait continuer à recevoir application en effectuant la même modification de vocabulaire.

Par ailleurs, le tribunal d’instance a décidé à bon droit que la disposition transitoire de l’article 9 V de l’ordonnance précitée permettait de se référer, jusqu’au 31 décembre 2019, soit à l’ancienne terminologie soit à la nouvelle selon qu’au sein du périmètre couvert par le comité de groupe les comités sociaux et économiques avaient ou non été déjà mis en place.

 

ACCORD COLLECTIF – SYNDICAT PROFESSIONNEL.
Cass., Soc., 27 janvier 2021, n°18-10672.

 

Les sociétés Solvay travaux, Solvay Fluores France, Cytec Process Materials, Rhodia, Rhodia laboratoire du futur, Rhodia opérations, Solvay, Solvay Energy services, Solvay opérations France, Solvay Speciality Polymers France, composant l’unité économique et sociale Solvay France, ont conclu, le 31 mai 2016, un accord collectif, prévoyant, à son article 18.1, le remboursement, par ces sociétés et par l’intermédiaire des syndicats et d’un organisme tiers, aux salariés syndiqués, du reste à charge des cotisations syndicales individuelles versées aux syndicats représentatifs, après soustraction de la partie fiscalement déductible de l’impôt sur le revenu.
La Fédération nationale des industries chimiques CGT a saisi le juge des référés aux fins de suspension de l’article 18.1 de l’accord collectif.

Un accord collectif peut instituer des mesures de nature à favoriser l’activité syndicale dans l’entreprise, et dans ce cadre, en vue d’encourager l’adhésion des salariés de l’entreprise aux organisations syndicales, prévoir la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles, dès lors que le dispositif conventionnel ne porte aucune atteinte à la liberté du salarié d’adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix, ne permet pas à l’employeur de connaître l’identité des salariés adhérant aux organisations syndicales et bénéficie tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise.

Toutefois, le montant de la participation de l’employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié, le cas échéant après déductions fiscales, au regard du critère d’indépendance visé à l’article L. 2121-1 du code du travail.

En l’espèce, la cour d’appel a relevé que l’article 18.1 de l’accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l’UES Solvay France, prévoyait, au profit des seules organisations syndicales représentatives, le financement par l’employeur de la partie des cotisations individuelles annuelles restant à charge des salariés une fois soustraite la partie fiscalement déductible de l’impôt sur le revenu.

Il en résulte que cette disposition constitue un trouble manifestement illicite au regard du texte et des principes susévoqués.

Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l’arrêt se trouve légalement justifié.

 

DUREE DU TRAVAIL – REMUNERATION.
Cass., Soc., 27 janvier 2021, n°17-31046.

 

M. X… a été engagé à compter du 1er septembre 2008 par la société Laboratoire Demavic (la société) en qualité de technico-commercial.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture.

C’est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’ambiguïté des termes du contrat de travail rendait nécessaire, que la cour d’appel a retenu que la commune intention des parties avait été de convenir d’une rémunération fixe complétée par une partie variable, sous forme de commissions au taux de 20 %, calculées sur la marge nette du secteur commercial.

Aux termes de l’article L. 241-8 du code de la sécurité sociale, les cotisations sociales dues par l’employeur restent exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit.

Il résulte certes de la jurisprudence de la chambre sociale (Soc., 17 octobre 2000, pourvoi n° 98-45.669, Bull. 2000, V, n° 329) qu’il s’en déduit que sont nulles de plein droit les dispositions d’un contrat de travail en vertu desquelles la rémunération variable d’un salarié est déterminée déduction faite des cotisations sociales à la charge de l’employeur.

Toutefois, s’agissant de la détermination de l’assiette de la rémunération variable, de telles dispositions contractuelles n’ont pas pour effet de faire peser sur le salarié la charge des cotisations patronales. Il en résulte qu’il y a lieu de juger désormais que la détermination de l’assiette de la rémunération variable ne relève pas de la prohibition de l’article L. 241-8 du code de la sécurité sociale qui ne concerne que le paiement des cotisations sociales.

C’est dès lors à bon droit que la cour d’appel, après avoir retenu qu’il est stipulé au contrat de travail que le salarié percevra, outre son fixe, une commission de 20 % de la marge nette de son secteur et que la société détermine la marge brute perçue par elle pour chaque produit vendu, que de cette marge brute est déduit, outre tous les frais de voiture, téléphone, restaurant, péage exposés par le salarié, un forfait au titre des charges sociales, que la déduction de ces frais détermine la marge nette sur laquelle est calculée la commission de 20 %, en a déduit que l’employeur détermine simplement le montant de la marge nette, laquelle constitue l’assiette du commissionnement, sans faire ainsi supporter au salarié les cotisations patronales de sécurité sociale.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l’arrêt retient que le salarié communique un décompte des heures de travail qu’il indique avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionne, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d’heures de travail quotidien et le total hebdomadaire.

L’arrêt retient encore que l’employeur objecte, à juste titre, d’une part, que le salarié, qui travaillait de manière itinérante à 600 kilomètres de son siège social, ne précisait pas ses horaires de travail sur ses compte-rendus hebdomadaires et en justifie en produisant plusieurs de ses documents établis en 2012 et, d’autre part, que les fiches de frais ne permettaient pas de déterminer les horaires réellement accomplis par le salarié au cours de ses tournées.

L’arrêt ajoute que le décompte du salarié est insuffisamment précis en ce qu’il ne précise pas la prise éventuelle d’une pause méridienne.

En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations, d’une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, d’autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. Fait peser sur le seul salarié et viole l’article L. 3171-4 du code du travail, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande au titre des heures supplémentaires, retient que le décompte produit est insuffisamment précis en ce qu’il ne précise pas la prise éventuelle d’une pause méridienne, alors qu’il résultait de ses constatations, d’une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, d’autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail. La détermination de l’assiette de la rémunération variable ne relève pas de la prohibition de l’article L. 241-8 du code de la sécurité sociale qui ne concerne que le paiement des cotisations sociales.

 

CONTRAT DE TRAVAIL – INDEMNITE DE LICENCIEMENT.
Cass., Soc., 27 janvier 2021, n°18-23535.

 

La société General Trailers France, appartenant au groupe General Trailers spécialisé dans la construction, vente ou location de remorques et grands containers, a été acquise au mois d’août 2000 par la société Apax Partners, qui au moyen d’un montage financier (« leverage buy-out », LBO) a pris le contrôle de la société General Trailers France via sa filiale Société Européenne Boissière (SEB). Pour le financement de cette acquisition, a notamment été conclu un contrat entre les sociétés General Trailers France, SEB et Bank of Scotland prévoyant l’octroi à la société General Trailers France de divers crédits.

Après le redressement judiciaire, ouvert le 24 novembre 2003, de la société General Trailers France, un plan de cession partielle a été arrêté, prévoyant le licenciement de six cent cinq salariés. Certains d’entre eux, licenciés pour motif économique le 29 avril 2004, ont saisi la juridiction prud’homale, et par arrêts des 29 janvier et 19 mars 2009, la cour d’appel a considéré que les licenciements économiques des salariés demandeurs au présent pourvoi étaient sans cause réelle et sérieuse dès lors que l’actionnaire de la société General Trailers France, la société SEB, disposait de moyens financiers conséquents au regard desquels le plan de sauvegarde de l’emploi était insuffisant. La cour d’appel a également relevé que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement. Des créances de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été fixées dans la procédure collective de la société General Trailers France.

Dans le même temps, MM. Z… et Y…, désignés commissaires à l’exécution du plan de la société General Trailers France, ont assigné la société Bank of Scotland en responsabilité pour octroi de crédits ruineux et les salariés licenciés, demandeurs au présent pourvoi, sont intervenus volontairement à l’instance en réparation de leurs préjudices consécutifs à la perte de leur emploi, soit la perte pour l’avenir des rémunérations qu’ils auraient pu percevoir et le préjudice moral né de la perte de leur emploi et de leurs conditions de travail depuis le licenciement ainsi que la perte de chance d’un retour à l’emploi optimisé ou équivalent.

Par arrêt du 18 juillet 2013, la cour d’appel a confirmé le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’intervention volontaire des salariés. Elle l’a infirmé pour le surplus et a jugé que la responsabilité de la société Bank of Scotland, qui avait accordé des crédits ruineux à la société General Trailers France, était engagée envers la collectivité des créanciers.

Par arrêt du 2 juin 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt du 18 juillet 2013, mais seulement en ce qu’il avait déclaré irrecevable l’intervention volontaire des salariés.

Par arrêt du 21 juin 2018, statuant sur renvoi, la cour d’appel a déclaré recevable l’intervention des salariés mais les a déboutés de leurs demandes.

Il résulte de l’article L. 1234-9 du code du travail que l’indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l’employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail.

Il résulte par ailleurs de l’article L. 1235-3 du même code que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l’emploi.

Ayant constaté que les salariés licenciés pour motif économique avaient bénéficié d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, la cour d’appel, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants relatifs à l’indemnité de licenciement, en a justement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que les préjudices allégués par les salariés résultant de la perte de leur emploi et de la perte d’une chance d’un retour à l’emploi optimisé en l’absence de moyens adéquats alloués au plan de sauvegarde de l’emploi avaient déjà été indemnisés.

Il résulte de l’article L.1234-9 du code du travail que l’indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l’employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail.

Il résulte par ailleurs de l’article L.1235-3 du même code que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l’emploi.

Dès lors, une cour d’appel qui constate que les salariés licenciés pour motif économique dont l’action en responsabilité était dirigée contre la banque ayant accordé des crédits ruineux à leur employeur, avaient bénéficié d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, en déduit justement que les préjudices allégués par les salariés résultant de la perte de leur emploi et de la perte d’une chance d’un retour à l’emploi optimisé en l’absence de moyens adéquats alloués au plan de sauvegarde de l’emploi avaient déjà été indemnisés.

 

TRANSPORT AERIEN – CONTRAT DE TRAVAIL – APTITUDE.
Cass., Soc., 20 janvier 2021, n°19-20544.

 

Mme X…, épouse Y…, a été engagée par contrat du 28 octobre 2008 en qualité de personnel technique naviguant PNT, par la société Brit air, devenue la société Hop ! (la société).
Le 23 juillet 2015, le conseil médical de l’aéronautique civile (CMAC) a déclaré la salariée “inapte définitivement à exercer sa profession de naviguant comme classe 1”.

Le 4 septembre 2015, à l’issue d’une visite médicale, le médecin du travail a déclaré la salariée “apte avec aménagement de poste (pas de vol), apte à un poste au sol et qu’une formation pouvait être proposée”. Cet avis a été confirmé le 17 janvier 2017.

Sur recours de la société, la cour d’appel a désigné un expert qui a conclu que, pendant la période d’inaptitude au vol, la salariée était apte au plan médical à un travail au sol, en utilisant ses qualifications de pilote.

Le 6 août 2018, le médecin du travail a émis un avis d’aptitude en considérant qu’il n’y avait pas de contre-indication médicale à ce que la salariée occupe son poste d’officier pilote de ligne.

Le 16 août 2018, l’employeur a saisi la juridiction prud’homale, d’une contestation de cet avis.

Il résulte des articles L. 6511-1 et L. 6511-2 du code des transports que les pilotes doivent être pourvus de titres aéronautiques et de qualifications dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et que les titres aéronautiques attestent l’acquisition de connaissances générales théoriques et pratiques et ouvrent à leurs titulaires le droit de remplir les fonctions correspondantes, sous réserve, le cas échéant, de l’aptitude médicale requise correspondante. Selon l’article L. 6511-4 du code des transports, les conditions d’aptitude médicale mentionnées à l’article L. 6511-2 sont attestées par des centres d’expertise de médecine aéronautique ou par des médecins examinateurs agréés par l’autorité administrative, dans des conditions définies par voie réglementaire. Un recours peut être formé, à l’initiative de l’autorité administrative, de l’intéressé ou de l’employeur, contre les décisions prises par les centres de médecine aéronautique ou les médecins examinateurs, devant une commission médicale définie par décret en Conseil d’Etat. Cette commission statue sur l’aptitude du personnel navigant.

Aux termes de l’article L. 4624-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur.

Il résulte de ces dispositions qu’un salarié, qui a été déclaré, par décision du conseil médical de l’aéronautique civile, inapte définitivement à exercer la profession de personnel navigant classe 1, n’est pas apte à occuper un poste d’officier pilote de ligne.
Pour débouter l’employeur de l’ensemble de ses demandes, l’arrêt retient qu’en se bornant à invoquer la décision administrative du CMAC, sans répondre aux arguments invoqués par la salariée qui indique sans être contredite qu’elle est titulaire de la licence de membre équipage de conduite, valable jusqu’au 30 avril 2019 et que la DGAC a confirmé ces qualifications le 20 septembre 2018, l’employeur qui s’affranchit des conclusions du rapport d’expertise qu’il a suscité, soulignant qu’en dépit de l’apparente contradiction de l’avis précédent du médecin du travail avec la décision du CMAC, la salariée était parfaitement apte à utiliser ses qualifications de pilote pour un travail sur simulateur de vol voire d’instructeur, ne démontre pas que l’avis rendu le 6 août 2018 par le médecin du travail, déclarant la salariée apte à son poste en l’absence “de contre-indication médicale à occuper son poste d’officier pilote de ligne”, soit incompatible avec la décision du CMAC faisant seulement obstacle à ce qu’elle puisse effectivement occuper un emploi de PNT1. L’arrêt retient encore que la société Hop ! qui procède par affirmations, ne démontre pas qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail de “personnel navigant technique – officier pilote de ligne”, occupé par l’intéressée, n’est possible et que son état de santé justifie un changement de poste au statut personnel au sol.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le CMAC avait, par décision du 23 juillet 2015, déclaré l’intéressée inapte définitivement à exercer sa profession de navigant comme classe 1, ce dont il résultait qu’elle n’était pas apte au poste d’officier-pilote de ligne qu’elle occupait, et qu’un poste au sol constituait non une transformation du poste de travail qu’elle occupait, mais un changement de poste, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

TRANSPORT AERIEN – CONTRAT DE TRAVAIL – REQUALIFICATION.
Cass., Soc., 20 janvier 2021, n°19-21535.

 

Mme X… et neuf autres salariés ont été engagés par la société Corsair par différents contrats à durée déterminée conclus pour des motifs divers (saison, accroissement temporaire d’activité, remplacement d’un salarié absent et remplacement dans l’attente de suppression de poste) pendant plusieurs années. A l’exception de Mme X… dont la relation contractuelle a cessé le 31 août 2010, les autres relations contractuelles ont pris fin au terme du dernier contrat, le 31 décembre 2012.

Les salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de demandes afférentes à la requalification ainsi qu’à la rupture illicite de leurs contrats.

Il résulte de la combinaison des articles L. 122-3-1 et L. 122-3-13 du code du travail, devenus les articles L. 1242-12 et L. 1245-1 du même code, qu’est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comporte pas la définition précise de son motif et que cette exigence de précision quant à la définition du motif implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat lorsqu’il s’agit de l’un des cas visés au 1º de l’article L. 122-1-1 devenu le 1° de l’article L. 1242-2 du code du travail.
La cour d’appel, qui a retenu que la catégorie « personnel navigant commercial » comportait plusieurs qualifications telles qu’hôtesse et steward, chef de cabine, chef de cabine principal dont les fonctions et rémunérations sont différentes et qui a constaté que les contrats à durée déterminée de remplacement ne comportaient que la mention de la catégorie de « personnel navigant commercial » (PNC), a, procédant à la recherche prétendument omise, décidé à bon droit que la seule mention de la catégorie de « personnel navigant commercial » dont relevait le salarié remplacé ne permettait pas aux salariés engagés de connaître la qualification du salarié remplacé, en sorte que les contrats à durée déterminée conclus pour ce motif étaient irréguliers.

Il résulte de la combinaison des articles L. 122-3-1 et L. 122-3-13 du code du travail, devenus les articles L. 1242-12 et L. 1245-1 du même code, qu’est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comporte pas la définition précise de son motif et que cette exigence de précision quant à la définition du motif implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat lorsqu’il s’agit de l’un des cas visés au 1º de l’article L. 122-1-1 devenu le 1° de l’article L. 1242-2 du code du travail.

Doit être approuvée une cour d’appel, qui après avoir retenu que la catégorie « personnel navigant commercial » comportait plusieurs qualifications telles qu’hôtesse et steward, chef de cabine, chef de cabine principal dont les fonctions et rémunérations étaient différentes et qui, après avoir retenu que les contrats à durée déterminée de remplacement ne comportaient que la mention de la catégorie de « personnel navigant commercial », a décidé à bon droit que la seule mention de la catégorie de « personnel navigant commercial » dont relevait le salarié remplacé ne permettait pas au salarié engagé de connaître la qualification du salarié remplacé en sorte que les contrats à durée déterminée conclus pour ce motif étaient irréguliers.

 

TRAVAIL, REGLEMENTATION – DUREE DU TRAVAIL.
Cass., Soc., 20 janvier 2021, n°19-10956

 

M. X… a été engagé le 21 mars 2001 par le groupement d’intérêt économique Inter mutuelles assistance (GIE IMA) en qualité de médecin transporteur dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel. Ce contrat stipulait qu’en raison du caractère imprévisible, temporaire et discontinu des transports médicalisés, l’activité se caractérisait par un travail à la demande en fonction des besoins du service et des disponibilités du salarié qu’il communiquait à l’employeur, étant précisé qu’un volume minimal de 600 heures annuelles lui serait proposé, et qu’il lui était demandé une disponibilité minimale correspondant aux exigences d’activité du métier de 15 jours au mois d’août et 132 jours de septembre à juillet inclus, une journée de disponibilité s’entendant de 0 à 24 heures.

Le salarié a été engagé par le même employeur selon un second contrat de travail à durée indéterminée à caractère intermittent, en date du 29 mai 2007, en qualité de médecin régulateur-transporteur. Le contrat garantissait au salarié une activité minimale de 345 heures par an, ce dernier s’engageant à être disponible au moins 6 jours calendaires par mois (8 jours au mois d’août), une disponibilité d’un jour s’entendant de 0 à 24 heures.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, notamment au titre des rémunérations d’astreintes.

Selon l’article L. 3121-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.

Pour rejeter les demandes du salarié de condamnation de son employeur à lui verser des rappels de rémunération au titre des temps de disponibilité en application des contrats du 21 mars 2001 et du 29 mai 2007, l’arrêt retient que pour chacun des contrats de travail, le salarié avait ou a l’initiative de communiquer, modifier voire annuler ses jours de disponibilité auprès de l’employeur sans que celui-ci ne lui impose à aucun moment l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise, que dès lors, l’astreinte revendiquée par le salarié n’est pas caractérisée.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté qu’aux termes des contrats de travail, le salarié était tenu d’être disponible un certain nombre de jours par mois pour pouvoir être joint afin de répondre à une éventuelle demande d’intervention immédiate au service de l’entreprise, ce dont il résultait que le salarié était contractuellement soumis à des astreintes, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

STATUTS COLLECTIFS DU TRAVAIL – SALAIRES.
Cass., Soc., 20 janvier 2021, n°19-16283.

 

Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2019), Mme X… a été engagée le 1er avril 1989 en tant que chef de bord dans la restauration ferroviaire. Dans le courant de l’année 2008, elle a été promue formateur interne, statut cadre. Le 1er mars 2009, le contrat de travail a été transféré à la société Cremonini restauration puis le 3 novembre 2013, à la société Newrest wagon-lits.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes de rappels de salaires et de dommages-intérêts dirigées contre la société Cremonini restauration. Le syndicat CFDT restauration ferroviaire (le syndicat) est intervenu à l’instance et a sollicité des dommages-intérêts.

Selon l’article 8.1 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 concernant les dispositions générales, le montant des salaires, qui s’entend pour cent soixante-neuf heures par mois, est déterminé par l’application au nombre de « points », indiqué en regard des désignations de postes figurant dans les tableaux annexés de la valeur du point négocié. Le montant ainsi obtenu représente le salaire de base brut mensuel de référence, auquel s’ajoutent, pour obtenir le salaire mensuel brut réel, les primes, indemnités, allocations, participations aux résultats, remboursements de frais, avantages en nature, etc., prévus par les systèmes de rémunération propres à chaque entreprise et éventuellement mis au point lors des négociations salariales annuelles. C’est ce salaire mensuel brut réel qu’il convient de prendre en considération pour toute comparaison des rémunérations accordées au personnel de diverses catégories.

En application de l’article 8.2 du même texte, s’ajoute au salaire de base brut mensuel de référence, une prime d’ancienneté dont le taux progresse en fonction de l’ancienneté du salarié et dont le montant est calculé à partir du salaire de base brut mensuel de référence.

Il en résulte d’une part, que seul le salaire mensuel brut réel est pris en compte pour déterminer si les minima sociaux ont été respectés, d’autre part, que la prime d’ancienneté, qui s’ajoute au salaire de base brut mensuel de référence, n’entre pas dans l’assiette de comparaison.

La cour d’appel, qui a retenu qu’aux termes des dispositions précitées de la convention collective de branche, la prime d’ancienneté s’ajoutait au salaire de base brut mensuel de référence, en a déduit à bon droit, abstraction faite des motifs relatifs à l’accord « nouvelle restauration ferroviaire » conclu au sein de l’unité économique et sociale le 21 décembre 2000 qui n’a pas d’effet sur la définition du salaire brut mensuel réel prévu par la convention collective de branche, que la prime d’ancienneté n’entrait pas dans la détermination du salaire brut mensuel réel.

En application de l’article 8.1 alinéa 3 de la Convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984, pour obtenir le salaire mensuel brut réel, il convient d’ajouter au salaire de base brut mensuel de référence les primes, indemnités, allocations, participations aux résultats, remboursements de frais, avantages en nature, etc., prévus par les systèmes de rémunération propres à chaque entreprise et éventuellement mis au point lors des négociations salariales annuelles.

Selon l’article 5.3.1 de l’accord collectif « nouvelle restauration ferroviaire » du 21 décembre 2000, le salaire de base des cadres est composé d’un salaire payé sur treize mois, étant précisé que les cadres dont la rémunération est annualisée et individualisée ne pourront avoir un salaire inférieur à 178 000 FF (27 135,93 euros), et d’une part variable qui complète la partie fixe du salaire et dont le montant est déterminé en fonction de l’atteinte d’objectifs qualitatifs et quantitatifs.

L’arrêt retient qu’il sera fait droit à la demande de rappel de salaires, calculée après comparaison des salaires perçus sur treize mois et des minima conventionnels augmentés de la prime d’ancienneté sur treize mois, sans prise en compte de la partie variable (article 5.3.1 de l’accord).
En statuant ainsi, alors qu’aux termes de la convention collective, la liste des éléments entrant dans la détermination de salaire mensuel brut réel ne présente pas de caractère limitatif en sorte que doivent être incluses toutes les primes versées en cours d’année en contrepartie du travail, ce qui est le cas de la partie variable de la rémunération versée en fonction de l’atteinte d’objectifs par le salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Selon l’article L. 2132-3 alinéa 2 du code du travail, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Pour rejeter la demande de dommages-intérêts, l’arrêt retient que le syndicat est fondé à intervenir pour solliciter l’application des accords collectifs au sein de la société mais qu’il ne justifie pas du préjudice que ce différend au sujet de l’application des accords collectifs au sein de l’entreprise aurait porté aux intérêts de la profession.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté une violation des dispositions de l’accord de branche et qu’une telle violation cause un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, la cour d’appel, à qui il appartenait d’évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.

Il résulte de l’application combinée des articles 8.1 et 8.2 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 que seul le salaire mensuel brut réel est pris en compte pour déterminer si les minima sociaux ont été respectés et que la prime d’ancienneté, qui s’ajoute au salaire brut mensuel de référence, n’entre pas dans l’assiette de comparaison.

Selon l’article L.2132-3 alinéa 2 du code du travail, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

La violation des dispositions d’un accord de branche cause un préjudice à l’intérêt collectif de la profession.

La cour d’appel qui après avoir retenu que les dispositions de l’accord avaient été violées doit évaluer le préjudice en résultant.

 

STATUTS COLLECTIFS DU TRAVAIL.
Cass., Soc., 13 janvier 2021, n°19-13977.

 

La convention collective nationale de l’édition phonographique (la convention) a été signée le 30 juin 2008 entre, d’une part, des organisations syndicales d’employeurs, le SNEP et l’UPFI, d’autre part, treize organisations syndicales de salariés. Elle comprend une annexe n° 3 qui « règle tout ou partie des conditions d’emploi, de rémunération et de garanties sociales des artistes-interprètes » salariés, dont le titre III contient des dispositions « applicables aux artistes musiciens, artistes des chœurs et artistes choristes ». La convention a été étendue à l’ensemble du secteur par arrêté du 20 mars 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Le Syndicat national des musiciens force ouvrière (le SNM-FO), qui y a adhéré tout en émettant des réserves sur l’annexe n° 3, puis la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (la SPEDIDAM) ont assigné le SNEP et l’UPFI, ainsi que les autres signataires, en annulation des articles III.21 et suivants de son annexe n° 3. Le Syndicat national des enseignants et artistes (le SNE-UNSA), le Syndicat des artistes-interprètes et enseignants de la musique et de Paris Ile-de-France (le SAMUP) et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (la FESAC) sont intervenus volontairement à la procédure et les instances ont été jointes.

Saisi parallèlement par la SPEDIDAM d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de l’arrêté du 20 mars 2009, le Conseil d’Etat a sursis à statuer jusqu’à ce que l’autorité judiciaire se soit prononcée sur la validité de la convention collective au regard des moyens tirés, d’une part, de la méconnaissance par l’annexe n° 3 des dispositions de l’article L. 2221-1 du code du travail et des articles L. 212-3 et L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, d’autre part, de la méconnaissance des missions assignées par le législateur aux sociétés de gestion collective des droits des artistes-interprètes, ainsi que des droits qui leur sont reconnus.

Il résulte de l’article L. 2262-15 du code du travail, issu de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, que, en cas d’annulation par le juge de tout ou partie d’un accord ou d’une convention collective, celui-ci peut décider, s’il lui apparaît que l’effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement.

En l’absence de dispositions transitoires spécifiques, l’article L. 2262-15 est d’application immédiate, quelle que soit la date à laquelle l’accord collectif a été conclu.

En l’espèce, la cour d’appel, a retenu que l’annulation de l’article III.24.1 de l’annexe 3 de la convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008 relatif à l’objet du cachet perçu par les artistes interprètes conduisait à la remise en cause des sommes perçues par les salariés depuis une dizaine d’années, supposant un travail considérable, compliqué par l’ancienneté des situations établies avec une collecte de données de grande ampleur pour un résultat incertain en vue d’une reconstitution des droits de chacun. Elle a également relevé que le maintien de la clause pour le passé n’était pas de nature à priver les salariés de contrepartie puisque le salaire minimum déterminé par les articles III.2 à III.4 a été négocié par les partenaires sociaux pour couvrir les deux objets de cette rémunération et que les parties n’apportent pas d’éléments permettant de dégager un manque à gagner par rapport à ce que les artistes auraient eu des chances de percevoir au titre de l’exploitation selon le mode A en cas de recours à deux rémunérations distinctes pour la prestation et pour l’exploitation des droits en cause. Elle a ainsi caractérisé l’existence d’un intérêt général l’autorisant à reporter les effets de l’annulation de la clause.
Constatant la nécessité de laisser un délai pour la renégociation de la clause de rémunération, la cour d’appel a pu, sans encourir les griefs de la quatrième branche du moyen, fixer à la date du 1er octobre 2019 la prise d’effet de sa décision d’annulation.

Aux termes de l’article L. 2262-15 du code du travail, en cas d’annulation par le juge de tout ou partie d’un accord ou d’une convention collective, celui-ci peut décider, s’il lui apparaît que l’effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement.

Pour rejeter les demandes de la SPEDIDAM et du SAMUP de dommages-intérêts au titre de l’atteinte à l’intérêt collectif, la cour d’appel a retenu que ces demandes ne peuvent qu’être écartées dès lors que les effets de l’annulation de l’article III.24.1 de l’annexe III de la convention collective ont été reportés dans l’avenir, de sorte que l’article III.24.1 doit être considéré comme régulier pour le passé.

En statuant ainsi, alors qu’elle était saisie d’une action en nullité de l’article III.24.1 précité qui avait été engagée par la SPEDIDAM en mars et avril 2009 et que le SAMUP était intervenu volontairement à l’instance en 2009, ce dont il résultait que ces actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision décidant de déclarer nul l’article III.24.1 et de reporter au 1er octobre 2019 les effets de cette annulation n’étaient pas soumises au report des effets de la nullité partielle de l’annexe III de la convention collective, la cour d’appel a violé les l’article L. 2262-15 du code du travail et l’article 6, §,1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il résulte de l’article L.2262-15 du code du travail, issu de l’ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017, que, en cas d’annulation par le juge de tout ou partie d’un accord ou d’une convention collective, celui-ci peut décider, s’il lui apparaît que l’effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement.

En l’absence de dispositions transitoires spécifiques, l’article L.2262-15 est d’application immédiate, quelle que soit la date à laquelle l’accord collectif a été conclu.

Une cour d’appel, qui a retenu que l’annulation d’une clause d’une convention collective nationale conduisait à la remise en cause des sommes perçues par les salariés depuis une dizaine d’années, supposant un travail considérable, compliqué par l’ancienneté des situations établies avec une collecte de données de grande ampleur pour un résultat incertain en vue d’une reconstitution des droits de chacun, et qui a également relevé que le maintien de la clause pour le passé n’était pas de nature à priver les salariés de contrepartie, a caractérisé l’existence d’un intérêt général l’autorisant à reporter les effets de l’annulation de la clause et à fixer la prise d’effet de sa décision à une date tenant compte de la nécessité de laisser un délai pour la renégociation de la clause de rémunération.

Aux termes de l’article L.2262-15 du code du travail, en cas d’annulation par le juge de tout ou partie d’un accord ou d’une convention collective, celui-ci peut décider, s’il lui apparaît que l’effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement.

Il en résulte qu’une cour d’appel ne peut rejeter les demandes de dommages et intérêts au titre de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession formées par des organisations syndicales, à l’origine de l’action ayant conduit à l’annulation de la clause d’un accord collectif, au motif que les effets de l’annulation ont été reportés, dès lors que les actions contentieuses étaient déjà engagées à la date de sa décision d’annulation de la clause.

 

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – PROCEDURE CIVILE.
Cass., Soc., 13 janvier 2021, n°19-21422.

 

La société Y…, liquidateur de la société First Metal mise en liquidation judiciaire par jugement du 30 août 2006, a procédé au licenciement économique de tous les salariés employés par cette société, par lettres des 15 septembre et 26 octobre 2006.

Des salariés ont saisi la juridiction prud’homale, puis interjeté appel des jugements.

Par ordonnances du 29 mai 2015 rendues au visa des articles 432 et 446-2 du code de procédure civile et notifiées par lettres du 4 juin 2015, le magistrat de la cour d’appel chargé d’instruire l’affaire a dit que les parties seront convoquées à l’audience collégiale du 4 janvier 2016, qu’elles devront s’échanger leurs conclusions et pièces en respectant un certain délai et que les parties devront adresser à la cour d’appel leurs conclusions avec le bordereau récapitulatif de pièces et la lettre de rupture du contrat.

Par arrêts du 13 janvier 2016, la cour d’appel a prononcé la radiation des affaires pour défaut de diligence.

Le 2 octobre 2017, le greffe de la cour d’appel a délivré des avis de réinscription au rôle sur les conclusions de la société Y… agissant en qualité de liquidateur de la société First Metal.

Par arrêts du 12 juin 2019, la cour d’appel a constaté la péremption de l’instance, son extinction et le dessaisissement de la cour.

Selon les dispositions de l’article 446-2 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010, alors applicable, lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Si les parties en sont d’accord, le juge peut ainsi fixer les délais et conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces.

Selon les dispositions de l’article R. 1452-8 du code du travail, alors applicable, en matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

Si, en application du premier de ces textes, le juge ne peut fixer les délais et conditions de la communication entre parties de leurs prétentions, moyens et pièces, qu’après avoir recueilli l’accord des parties comparantes, il peut toujours, pour mettre l’affaire en état d’être jugée, prescrire des diligences à la charge des parties, telles que le dépôt au greffe de la cour d’appel de leurs conclusions écrites et pièces.

Dès lors, la cour d’appel qui a constaté que les ordonnances qui prévoyaient, sans leur impartir de délai, que chaque partie devait adresser à la cour d’appel ses conclusions avec le bordereau récapitulatif des pièces versées et la lettre de rupture du contrat, avaient été notifiées le 4 juin 2015, et que les appelants n’avaient conclu que le 19 novembre 2018, en a justement déduit que la péremption d’instance était acquise.

 

CONTRAT DE TRAVAIL – RUPTURE.
Cass., Soc., 13 janvier 2021, n°19-14050.

 

M. X…, directeur commercial de la société MD2I depuis 1998, a saisi la juridiction prud’homale le 17 janvier 2011 de demandes en paiement puis a sollicité le 18 juillet 2011 la résiliation de son contrat de travail. Il a été licencié le 27 juillet 2011 pour perte de confiance. Le 14 mars 2016, il a présenté pour la première fois une demande en nullité de son licenciement, en réintégration et en paiement d’une somme équivalente aux salaires qu’il aurait dû percevoir depuis sa date d’éviction.

En cas de licenciement nul, le salarié qui sollicite sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration. Toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.

Pour condamner l’employeur à payer une indemnité de 1 050 770 euros au titre de la nullité du licenciement pour la période du 28 octobre 2011 au 28 novembre 2018, l’arrêt retient que s’il est exact que le salarié n’a formé une demande en nullité du licenciement et par voie de conséquence en réintégration que par conclusions communiquées en mars 2016 devant la cour d’appel de Versailles, faute pour la société de soulever une exception de prescription, la période à prendre en considération ne peut être restreinte.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article L. 1121-1 du code du travail.

 

REPRESENTATION DES SALARIES – ELECTIONS.
Cass., Soc., 13 janvier 2021, n°19-23533.

 

La société Rapide Côte d’Azur a, courant 2018, engagé le processus de mise en place d’un comité social et économique au sein de l’entreprise. Dans ce cadre, l’employeur a décidé, par déclaration unilatérale en date du 22 août 2018, la possibilité d’un recours au vote électronique.

Le syndicat départemental CGT des transports 06 (le syndicat) a contesté cette décision unilatérale devant le tribunal d’instance.

La société soulève l’irrecevabilité du pourvoi, au motif que la contestation formée devant le tribunal d’instance, a fortiori saisi en la forme des référés, ne correspond à aucune des contestations énumérées aux articles R. 221-23 du code de l’organisation judiciaire et R. 2314-23 du code du travail, et que la décision rendue l’est par conséquent en premier ressort.

Il résulte du premier alinéa de l’article L. 2314-32 du code du travail que les contestations relatives à l’électorat, à la composition des listes de candidats en application de l’article L. 2314-30, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire, et de l’article R. 2314-32 que les contestations prévues à l’article L. 2314-32 sont jugées en dernier ressort.

Le recours au vote électronique, qu’il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, constitue une modalité d’organisation des élections, et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales.

Il en résulte que ce contentieux relève du tribunal judiciaire statuant en dernier ressort et que le pourvoi est recevable.

Il résulte des articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail que la possibilité de recourir au vote électronique pour les élections professionnelles peut être ouverte par un accord d’entreprise ou par un accord de groupe, et, à défaut d’accord, par une décision unilatérale de l’employeur.

Il ressort de ces dispositions que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique.

Dès lors que le législateur a expressément prévu qu’à défaut d’accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d’une décision unilatérale de l’employeur, cette décision unilatérale peut, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou dans le groupe, être prise par l’employeur sans qu’il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail.

En l’espèce, le tribunal d’instance, qui a constaté qu’il n’y avait plus dans l’entreprise de délégué syndical depuis le mois de février 2018, en a exactement déduit, par ces seuls motifs, que la décision unilatérale prise par l’employeur le 22 août 2018 sur le recours au vote électronique était valide.

Il résulte du premier alinéa de l’article L. 2314-32 du code du travail que les contestations relatives à l’électorat, à la composition des listes de candidats en application de l’article L. 2314-30, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire, et de l’article R. 2314-32 que les contestations prévues à l’article L. 2314-32 sont jugées en dernier ressort.

Le recours au vote électronique, qu’il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, constitue une modalité d’organisation des élections et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales.

Il résulte des articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail que la possibilité de recourir au vote électronique pour les élections professionnelles peut être ouverte par un accord d’entreprise ou par un accord de groupe, et, à défaut d’accord, par une décision unilatérale de l’employeur.

Il ressort de ces dispositions que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique.

Dès lors que le législateur a expressément prévu qu’à défaut d’accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d’une décision unilatérale de l’employeur, cette décision unilatérale peut, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou dans le groupe, être prise par l’employeur sans qu’il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail.

 

CONTRAT DE TRAVAIL – RUPTURE.
Cass., soc., 13 janvier 2021, n°19-12522 et 19-12527.

 

MM. X… et Y…, salariés de la société Pages jaunes, devenue la société Solocal, ont été licenciés pour motif économique dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France le 2 janvier 2014. Par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d’un autre salarié, une cour administrative d’appel a annulé cette décision de validation, au motif que l’accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail et le Conseil d’Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.

Les salariés avaient saisi la juridiction prud’homale pour contester la validité et le caractère réel et sérieux de leur licenciement et obtenir, en outre, le paiement de sommes à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire sur congé de reclassement.

Selon les articles L. 1235-10, L. 1235-11 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 , est nul le licenciement intervenu en l’absence de toute décision relative à la validation de l’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 du code du travail ou à l’homologation du document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4 ou alors qu’une décision négative a été rendue ainsi que le licenciement intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle en cas d’annulation d’une décision ayant procédé à la validation ou à l’homologation en raison d’une absence ou d’une insuffisance de plan de sauvegarde de l’emploi. Selon l’article L. 1235-16 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’annulation de la décision de validation ou d’homologation pour un motif autre que l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi donne lieu, sous réserve de l’accord des parties, à la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Il en résulte que l’annulation par la juridiction administrative d’une décision ayant procédé à la validation de l’accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi au motif de l’erreur de droit commise par l’administration en validant un accord qui ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par l’article L. 1233-24-1 du code du travail n’est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique mais donne lieu à l’application des dispositions de l’article L. 1235-16 du même code.

Pour juger les licenciements nuls et octroyer aux salariés une indemnité au visa de l’article L. 1235-11 du code du travail, les arrêts retiennent que l’annulation de l’accord collectif en raison de son absence de caractère majoritaire équivaut à une absence d’accord et que dès lors le plan de sauvegarde de l’emploi qu’il instituait ne peut plus être juridiquement regardé comme existant au sens des dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail et ne peut plus recevoir application. Les arrêts ajoutent qu’il ne peut pas être regardé comme un document unilatéral de l’employeur puisqu’il n’a pas été soumis au contrôle renforcé de l’administration. Ils en concluent que l’accord collectif ayant été annulé pour un motif relevant des dispositions de l’article L. 1235-10, alinéa 2, du code du travail, ce sont donc exclusivement les dispositions de l’article L. 1235-11 qu’il convient d’appliquer.

En statuant ainsi, alors que le juge administratif avait annulé la décision de validation pour un motif ne reposant pas sur l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Il résulte de l’article L. 7313-17 du code du travail que, lorsque l’employeur est assujetti à une convention collective applicable à l’entreprise, le voyageur, représentant ou placier (VRP) peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L. 7313-13 et L. 7313-14, prétendre à une indemnité qui sera égale à celle à laquelle il aurait eu droit si, bénéficiant de la convention, il avait été licencié, dès lors que la convention collective applicable n’exclut pas les VRP de son champ d’application.

Pour débouter les salariés de leur demande de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement fondée sur la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1975, les arrêts retiennent que les stipulations de son article 2 ne prévoient pas son application aux VRP.

En statuant ainsi, alors que la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1975 n’exclut pas les VRP de son champ d’application, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif déboutant les salariés de leurs demandes tendant au bénéfice de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective nationale de la publicité et décidant que la convention collective des VRP s’applique à la relation contractuelle entraîne la cassation des chefs de dispositif fixant à une certaine somme le salaire de référence pour le calcul de cette indemnité qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

 

REPRESENTATION DES SALARIES – LICENCIEMENT.
Cass., Soc., 13 janvier 2021, n°19-17489.

 

Mme Y… a été engagée le 7 novembre 2005 en qualité de télé gestionnaire par la société Credirec France, aux droits de laquelle est venue la société EOS Credirec, devenue la société EOS France. Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée occupait les fonctions d’expert métier.

Convoquée le 30 octobre 2014 à un entretien préalable au licenciement fixé au 12 novembre 2014, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse le 26 novembre 2014.

Invoquant le bénéfice du statut protecteur en raison de la connaissance par l’employeur de l’imminence de sa désignation en qualité de conseiller du salarié, la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 3 mars 2015 de demandes en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes.

L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement est nul et de le condamner au paiement de certaines sommes à titre d’indemnisation de la violation du statut du salarié protégé et d’indemnisation du licenciement illicite, alors « que ce n’est que si l’employeur a connaissance, au jour de l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable, marquant l’engagement de la procédure de licenciement, de la candidature ou de l’imminence de la désignation du salarié en qualité de conseiller du salarié que ce dernier peut bénéficier du statut protecteur lié à ce mandat extérieur à l’entreprise ; qu’en retenant que la protection prend effet avant la publication de la liste des conseillers du salarié si le salarié fait la preuve que son employeur a eu connaissance de l’imminence de sa désignation “ avant de procéder à son licenciement ” et qu’en l’espèce Mme Y… avait informé l’employeur de l’imminence de sa candidature le 6 novembre 2014, soit antérieurement à l’entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 12 novembre 2014, la cour d’appel qui s’est placée à la date de l’entretien préalable et non à celle de l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable, soit le 30 octobre 2014, pour apprécier si l’employeur avait connaissance de la candidature ou de l’imminence de la désignation de la salariée en qualité de conseiller du salarié a violé les articles L. 2411-1-16° et L. 2411-21 du code travail. »

La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu’il est contraire à la thèse soutenue par l’employeur devant les juges du fond.

Cependant la thèse soutenue par l’employeur, selon laquelle seule l’existence du mandat de conseiller du salarié et non l’imminence de la désignation du salarié en cette qualité confère le statut protecteur, n’est pas contraire au moyen soutenant à titre subsidiaire que dans l’hypothèse où, l’imminence de la désignation en qualité de conseiller du salarié est susceptible de conférer la protection reconnue aux salariés protégés, la connaissance de l’employeur de l’imminence de la désignation doit s’apprécier à la date de la convocation à l’entretien préalable.

Pour l’application des articles L. 2411-1, 16° et L. 2411-21 du code du travail, c’est au moment de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement que l’employeur doit avoir connaissance de l’imminence de la désignation d’un salarié en qualité de conseiller du salarié.

Pour dire le licenciement nul en l’absence d’autorisation administrative de licenciement, l’arrêt retient qu’il est constant que la protection prend effet avant la publication de la liste des conseillers du salarié si le salarié fait la preuve que son employeur a eu connaissance de l’imminence de sa désignation avant de procéder à son licenciement et qu’en l’espèce la salariée a bien informé l’employeur de l’imminence de sa candidature aux fonctions de conseiller du salarié le 6 novembre 2014, soit antérieurement à l’entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 12 novembre 2014.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 30 octobre 2014 et qu’il résultait de ses constatations que l’employeur n’avait eu connaissance de l’imminence de la désignation de l’intéressée en qualité de conseiller du salarié que le 6 novembre 2014, soit postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

STATUTS COLLECTIFS DU TRAVAIL – AVANTAGES SALARIAUX.
Cass., Soc., 13 janvier 2020, n°19-20736.

 

M. X…, engagé le 2 juillet 2012 en qualité de conducteur-receveur par la société Veolia transport, aux droits de laquelle vient la société Transdev Ile-de-France, a été licencié pour faute le 28 janvier 2015.

D’une part, aux termes de l’article L. 2261-1 du code du travail, les conventions et accords sont applicables, sauf stipulations contraires, à partir du jour qui suit leur dépôt auprès du service compétent. Il en résulte qu’un accord collectif peut prévoir l’octroi d’avantages salariaux pour une période antérieure à son entrée en vigueur.

D’autre part, il résulte de l’article 2 du code civil qu’une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu’il tient du principe d’égalité de traitement pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de l’accord.

Dès lors, la seule circonstance que le contrat de travail d’un salarié ait été rompu avant la date de signature de l’accord collectif ne saurait justifier que ce salarié ne bénéficie pas, à la différence des salariés placés dans une situation identique ou similaire et dont le contrat de travail n’était pas rompu à la date de signature de l’accord, des avantages salariaux institués par celui-ci, de façon rétroactive, pour la période antérieure à la cessation du contrat de travail.

La cour d’appel qui a constaté que l’octroi d’une prime du samedi et l’augmentation des salaires de base prévues par l’accord collectif du 8 octobre 2015 présentaient un caractère rétroactif au 1er janvier 2015, en a exactement déduit que la circonstance que le salarié ne faisait plus partie du personnel à la date de signature de l’accord n’était pas de nature à le priver du bénéfice des mesures prévues aux articles 1er et 8 du protocole d’accord pour les négociations annuelles obligatoires (NAO) 2015 du 8 octobre 2015 pour la période antérieure à la cessation du contrat de travail.

Dès lors qu’il résulte, d’une part, de l’article L. 2261-1 du code du travail qu’une convention ou un accord collectif peut prévoir l’octroi d’avantages salariaux pour une période antérieure à son entrée en vigueur et, d’autre part, de l’article 2 du code civil qu’une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu’il tient du principe d’égalité de traitement pour une période antérieure à l’entrée en vigueur de l’accord, la seule circonstance que le contrat de travail d’un salarié ait été rompu avant la date de signature de l’accord collectif ne saurait justifier que ce salarié ne bénéficie pas des avantages salariaux institués par celui-ci, de façon rétroactive, pour la période antérieure à la cessation du contrat de travail.

 

SYNDICATS PROFESSIONNELS – DISCRIMINATION SYNDICALE – ACTION EN JUSTICE.
Cass., Soc., 13 janvier 2021, n°19-17182.

 

M. J…, engagé par la société STP Manutention (la société) le 26 février 2010 en qualité de chauffeur super poids lourds – grutier, a été licencié pour faute grave le 22 juillet 2013.

Invoquant une discrimination syndicale, il a saisi le 3 février 2014 la juridiction prud’homale aux fins de contester son licenciement.

Le syndicat Union des travailleurs guyanais UTG (le syndicat) est intervenu à l’instance.

Ayant, par motifs propres et adoptés, constaté, d’une part que la lettre de licenciement reprochait au salarié quatre griefs parmi lesquels l’activité syndicale ne figurait pas, et d’autre part que l’existence de l’abandon de poste de la part du salarié depuis le 22 avril 2013, reproché à celui-ci dans la lettre de licenciement, était démontrée, de sorte que cette faute rendait impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d’appel qui en a déduit l’absence d’éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’activité syndicale, a légalement justifié sa décision.

Selon l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Pour déclarer irrecevable l’intervention volontaire du syndicat, l’arrêt énonce que le syndicat n’a ni intérêt ni qualité à agir dans le cadre d’un litige sur le licenciement d’un salarié non protégé, un tel litige n’intéressant que la personne du salarié et non l’intérêt collectif de la profession.

En statuant ainsi, alors que la violation invoquée des dispositions relatives à l’interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Selon l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. Le syndicat, qui poursuit le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’un licenciement dont il est soutenu qu’il a été prononcé de façon discriminatoire en considération de l’appartenance ou de l’activité syndicale du salarié, de sorte que la violation invoquée des dispositions relatives à l’interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, est recevable en son action.

 

PSE – INDEMNITE SUPRA-LEGALE DE LICENCIEMENT.
Cass., Soc., 16 décembre 2020, n°18-15532.

 

M. Y… a été engagé le 1er novembre 1992 par la société Union des coopérateurs d’Alsace (la société UCA) et occupait en dernier lieu les fonctions d’assistant acheteur. Il a été licencié pour motif économique le 23 avril 2014.

En application du plan de sauvegarde de l’emploi validé en mars 2014 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, il devait bénéficier d’une indemnité supra-légale de licenciement payable en trois échéances, soit une échéance à hauteur de 50 % au jour du licenciement, qui a été versée, puis deux échéances à hauteur de 25 % fixées au 15 septembre 2014 puis au jour du solde de tout compte, lesquelles n’ont pas été honorées.

La société UCA a fait l’objet le 20 octobre 2014 d’une procédure de redressement judiciaire, puis a été mise en liquidation judiciaire le 30 mars 2015, Mme E… étant désignée liquidateur judiciaire.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir l’inscription sur le relevé de créances de la société UCA de diverses sommes, notamment du montant du solde de l’indemnité supra-légale de licenciement.

Selon l’article L. 3253-8 4° du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, l’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 du code du travail couvre les mesures d’accompagnement résultant d’un plan de sauvegarde de l’emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l’employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu’il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l’article L. 1233-58 avant ou après l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Selon l’article L. 3253-13 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, l’assurance prévue à l’article L. 3253-6 du code du travail ne couvre pas les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, en application d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou de groupe, d’un accord collectif validé ou d’une décision unilatérale de l’employeur homologuée conformément à l’article L. 1233-57-3, lorsque l’accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou l’accord conclu ou la décision notifiée postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Pour dire la créance du salarié fixée à titre d’indemnité supra-légale de licenciement opposable à l’AGS, l’arrêt retient que si celle-ci fonde sa position sur l’article L. 3253-13 du code du travail, c’est avec pertinence que le salarié invoque à son profit l’exception au principe posé par ce texte constituée par l’article L. 3253-8, alinéa 4, du code du travail. Il ajoute qu’au vu de la date d’adoption du plan de sauvegarde de l’emploi, la garantie serait exclue si l’indemnité considérée n’avait pour objet que la réparation financière de la rupture du contrat de travail, mais qu’elle est en revanche due dès lors que la somme vise à accompagner le salarié dans une demande de reclassement professionnel et de recherche d’un emploi. Il conclut qu’à l’évidence instaurée par un plan de sauvegarde de l’emploi, l’indemnité litigieuse participe de la volonté d’accroître les moyens matériels du salarié pour faciliter la mise en œuvre de son reclassement professionnel, ce qui suffit à rendre la garantie de l’AGS mobilisable.

En statuant ainsi, alors qu’une indemnité supra-légale de licenciement n’est pas une mesure d’accompagnement résultant d’un plan de sauvegarde de l’emploi au sens de l’article L. 3253-8 4° du code du travail, mais une somme concourant à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail au sens de l’article L. 3253-13 du même code, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Une indemnité supra-légale de licenciement n’est pas une mesure d’accompagnement résultant d’un plan de sauvegarde de l’emploi au sens de l’article L. 3253-8 4° du code du travail, mais une somme concourant à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail au sens de l’article L. 3253-13 du même code.

 

 

Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation

 

 

PROTECTION DES CONSOMMATEURS
Cass., Soc., 20 janvier 2021, n°18-24297.

 

Suivant offre acceptée le 30 novembre 2011, la société Crédit du Nord (la banque) a consenti un prêt immobilier à M. X… et à Mme Y… (les emprunteurs). Les conditions générales du contrat prévoyaient à l’article 9-1 une exigibilité du prêt par anticipation, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l’emprunteur, dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur.

Soutenant que les emprunteurs avaient produit de faux relevés de compte à l’appui de leur demande de financement, la banque s’est prévalue de l’article 9.1 des conditions générales du contrat pour prononcer la déchéance du terme, puis les a assignés en paiement.

L’arrêt relève que la stipulation critiquée limite la faculté de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt aux seuls cas de fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l’octroi du prêt et ne prive en rien l’emprunteur de recourir à un juge pour contester l’application de la clause à son égard. Il ajoute qu’elle sanctionne la méconnaissance de l’obligation de contracter de bonne foi au moment de la souscription du prêt.

De ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui a implicitement mais nécessairement retenu que la résiliation prononcée ne dérogeait pas aux règles de droit commun et que l’emprunteur pouvait remédier à ses effets en recourant au juge, a déduit, à bon droit, que, nonobstant son application en l’absence de préavis et de défaillance dans le remboursement du prêt, la clause litigieuse, dépourvue d’ambiguïté et donnant au prêteur la possibilité, sous certaines conditions, de résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ne créait pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

 

Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

 

 

ETRANGERS – RETENTION.
Cass., Civ., 1ère, 13 janvier 2018, n°19-22721.

 

M. X…, de nationalité afghane, entré irrégulièrement en France, a déposé une demande d’asile le 14 février 2019. La consultation du fichier Eurodac a mis en évidence qu’il avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Allemagne. Après avoir été remis aux autorités allemandes le 23 mai, il est revenu sur le sol français et a déposé une nouvelle demande d’asile le 13 juin. Le 12 juillet, le préfet a notifié à M. X… deux arrêtés, l’un portant remise aux autorités allemandes, l’autre placement en rétention.

Le juge des libertés et de la détention a été saisi, par l’étranger, d’une requête en contestation de la régularité de la décision et par le préfet, d’une demande en prolongation de la mesure.

Selon l’article L. 551-1, II, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’étranger qui fait l’objet d’une décision de transfert vers un autre Etat, responsable de l’examen de sa demande d’asile, ne peut être placé en rétention que pour prévenir un risque non négligeable de fuite, et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionné et si les conditions d’une assignation à résidence ne sont pas remplies. Le risque non négligeable de fuite peut, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi notamment si l’étranger est de nouveau présent sur le territoire français après l’exécution effective d’une mesure de transfert.

Pour annuler la décision du 12 juillet 2019 ayant placé M. X… en rétention et ordonner la remise en liberté de l’intéressé, l’ordonnance retient que celui-ci n’a jamais fait obstacle à une mesure d’éloignement, qu’une précédente décision de remise aux autorités allemandes a pu être exécutée et que l’intéressé a répondu à la convocation de la préfecture du Bas-Rhin remise le 13 juin 2019.

En statuant ainsi, alors qu’il avait constaté que M. X… était de nouveau présent sur le territoire français après exécution effective d’une mesure de transfert vers l’Allemagne, le premier président, qui n’a fait état d’aucune circonstance particulière, a violé le texte susvisé.

Selon l’article 455 du code de procédure civile, tout jugement doit être motivé.

Pour statuer comme elle le fait, l’ordonnance se borne à énoncer que M. X… dispose manifestement d’une adresse en France où il peut être joint.

En se déterminant ainsi, sans mentionner les éléments de preuve sur lesquels il fondait sa décision, le premier président n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

 

European Court of Justice

 

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – CONSUMER PROTECTION – DIRECTIVE 93/13/EEC – UNFAIR TERMS IN CONSUMER CONTRACTS – ARTICLES 3(1), 4(1) AND 6(1) – ASSESSMENT OF THE UNFAIRNESS OF CONTRACTUAL TERMS – TERM FIXING IN ADVANCE THE CREDITOR’S POTENTIAL ADVANTAGE IN THE EVENT OF TERMINATION OF THE CONTRACT – SIGNIFICANT IMBALANCE IN THE PARTIES’ RIGHTS AND OBLIGATIONS UNDER THE CONTRACT – DATE ON WHICH THE IMBALANCE MUST BE ASSESSED – FINDING THAT A TERM IS UNFAIR – CONSEQUENCES – REPLACEMENT OF AN UNFAIR TERM WITH A SUPPLEMENTARY PROVISION OF NATIONAL LAW.
ECJ, 27 January 2021 Joined Cases C-229/19 and C-289/19, Dexia Nederland BV v XXX and Z.

 

The provisions of Directive 93/13/EEC of 5 April 1993 on unfair terms in consumer contracts must be interpreted as meaning that a term in a risk-weighted contract concluded between a seller or supplier and a consumer, such as share leasing agreements, must be regarded as unfair, since, having regard to the circumstances surrounding the conclusion of the contract in question and by reference to the date of its conclusion, that term may create a significant imbalance between the rights and obligations of the parties during the performance of the contract, even though that imbalance could occur only if certain circumstances were to arise and, in other circumstances, that term could even benefit the consumer. In those circumstances, it is for the referring court to ascertain, in the light of the circumstances attending the conclusion of the contract, whether a term fixing in advance the advantage which the seller or supplier is to enjoy in the event of premature termination of the contract was, from the time that contract was concluded, liable to create such an imbalance.

The provisions of Directive 93/13 must be interpreted as meaning that a seller or supplier which has imposed on a consumer a term declared unfair and, consequently, void by the national court cannot claim the statutory compensation provided for by a supplementary provision of national law which would have been applicable in the absence of that term where the contract is capable of continuing in existence without that term.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING – SOCIAL POLICY – EQUAL TREATMENT IN EMPLOYMENT AND OCCUPATION – DIRECTIVE 2000/78/EC – ARTICLE 2(1) AND (2)(A) AND (B) – ‘CONCEPT OF DISCRIMINATION’ – DIRECT DISCRIMINATION – INDIRECT DISCRIMINATION – DISCRIMINATION ON GROUNDS OF DISABILITY – DIFFERENCE IN TREATMENT WITHIN A GROUP OF WORKERS WITH DISABILITIES – GRANT OF AN ALLOWANCE TO WORKERS WITH DISABILITIES WHO HAVE SUBMITTED DISABILITY CERTIFICATES AFTER A DATE CHOSEN BY THE EMPLOYER – EXCLUSION OF WORKERS WITH DISABILITIES WHO HAVE SUBMITTED THEIR CERTIFICATES BEFORE THAT DATE.
ECJ, 26 January 2021, Case C-16/19, VL v Szpital Kliniczny im. dra J. Babińskiego Samodzielny Publiczny Zakład Opieki Zdrowotnej w Krakowie.

 

Article 2 of Council Directive 2000/78/EC of 27 November 2000 establishing a general framework for equal treatment in employment and occupation must be interpreted as meaning that:

– the practice adopted by an employer and consisting in the payment of an allowance to workers with disabilities who have submitted their disability certificates after a date chosen by that employer, and not to workers with disabilities who have submitted those certificates before that date, may constitute direct discrimination if it is established that that practice is based on a criterion that is inextricably linked to disability, inasmuch as it is such as to make it impossible for a clearly identified group of workers, consisting of all the workers with disabilities whose disabled status was necessarily known to the employer when that practice was introduced, to satisfy that temporal condition;

– that practice, although apparently neutral, may constitute discrimination indirectly based on disability if it is established that, without being objectively justified by a legitimate aim and without the means of achieving that aim being appropriate and necessary, it puts workers with disabilities at a particular disadvantage depending on the nature of their disabilities, including whether they are visible or require reasonable adjustments to be made to working conditions.

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