NEWSLETTER DECEMBRE 2020

NEWSLETTER DECEMBRE 2020

  • Droit du travail et sécurité sociale
  • Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation
  • Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
  • Cour de Justice de l’Union Européenne

 

Droit du travail et sécurité sociale

 

 

CONTRAT DE TRAVAIL – NOUVELLE DEFINITION DU COEMPLOI.
Cass., Soc., 25 novembre 2020, n°18-13769.

 

Une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Le groupe David, composé de la société David miroiterie et de la société David services, a été repris le 22 septembre 2010 par le groupe verrier japonais AGC (Asahi Glass Compagny Limited). La société AGC France exerçait la présidence de la nouvelle société AGC David miroiterie venue aux droits de la société David miroiterie et ayant absorbé la société David services. Les actions de la société AGC David miroiterie étaient détenues par une autre société du groupe, également présidée par la société AGC France. Les salariés non protégés ont été licenciés pour motif économique le 16 mai 2012, en raison de la cessation d’activité de la société AGC David miroiterie. Celle-ci a été placée le 9 janvier 2013 en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité jusqu’au 9 avril 2013, Mme Y… étant désignée en qualité de liquidatrice. Contestant leur licenciement, les salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de la société AGC David miroiterie et de la société AGC France, invoquant la qualité de coemployeur de celle-ci.

La Cour juge de façon constante que, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière (Soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.209 et s., Bull. 2014, V, n° 159, Molex ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-27.266 et s., Bull. 2016, V, n° 146, Continental ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-26.541, Bull. 2016, V, n° 145, Proma ; Soc., 6 juillet 2016, n° 15-15.481 à 15-15.545, Bull. 2016, V, n° 147, 3 Suisses).

Le premier de ces arrêts a ainsi été commenté par la chambre sociale (Site de la Cour, mensuel du droit du travail n° 56, juillet 2014, p. 4) : “L’arrêt confirme l’importance prise par ce critère d’immixtion dans la gestion économique et sociale de sa filiale par la société mère. Seule est susceptible d’être reprochée à une société mère son immixtion globale et permanente dans le fonctionnement de sa filiale, qui doit prendre à la fois une dimension économique et une dimension sociale. (…) Il n’y a immixtion sociale qu’à condition que la direction du personnel et la gestion des ressources humaines soient prises en main par la société mère qui ne permet plus à la filiale de se comporter comme le véritable employeur à l’égard de ses salariés. La situation de coemploi devrait donc rester exceptionnelle.” Il apparaît nécessaire eu égard à l’évolution du contentieux de préciser les critères applicables en la matière. Il y a lieu de juger, en application de l’article L. 1221-1 du code du travail précité, que, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière. Pour déclarer la société AGC France coemployeur avec la société AGC David miroiterie, dire qu’elle est tenue, in solidum avec cette dernière société, au paiement et au remboursement de diverses sommes et la condamner au paiement de ces sommes, l’arrêt retient que les sociétés AGC David miroiterie, AGC France, les autres filiales ou sous-filiales œuvraient toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales -dont AGC David miroiterie- plus particulièrement dans la transformation du verre. L’arrêt relève également que la société AGC France présidait, par l’intermédiaire d’un directeur, M. Z…, qui la représentait, d’une part, la société AGC David miroiterie, d’autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David miroiterie. Il constate que M. Z… avait réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David miroiterie, géré des litiges commerciaux, signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d’embauche, d’avertissement, de rupture, ainsi qu’un accord salarial en février 2011 et accordé des congés payés, sans que soit démontrée l’existence de consignes particulières données par la société AGC David miroiterie à ces diverses occasions. L’arrêt constate encore que si les éléments produits ne permettent pas d’établir que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que celle-ci fixait les prix de vente, il était imposé en revanche à la société AGC David miroiterie de traiter diverses commandes, rarement rentables, pour d’autres sociétés du groupe, qu’elle était parfois amenée à prêter ses machines à d’autres sociétés françaises du groupe et bénéficiait également de prêts. L’arrêt retient enfin qu’il existait, entre les sociétés AGC France et AGC David miroiterie, une confusion de direction, d’intérêt et d’activités qui s’est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion sociale de la société AGC David miroiterie, la seconde ayant délégué à la première, à compter de février 2012, la gestion de ses ressources humaines et la société AGC France lui ayant facturé son intervention. Il ajoute que cette confusion s’est également traduite par une immixtion anormale dans la gestion économique puisque, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une autre filiale du groupe, moyennant redevance, et que la trésorerie a été gérée par la société AGC France. L’arrêt observe que, en outre, entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit d’autres filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David miroiterie.

En se déterminant ainsi, sans caractériser une immixtion permanente de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.

Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

 

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE.
Cass., Soc., 25 novembre 2020, n°18-13771 et 18-13772.

(…)

La décision d’autorisation de licenciement prise par l’inspecteur du travail, à qui il n’appartient pas de rechercher si la cessation d’activité est due à la faute de l’employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s’il s’y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l’employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi.
Pour débouter les salariés de leur demande de dommages-intérêts au titre de la faute ou la légèreté blâmable de l’employeur les arrêts retiennent que les salariés ont été licenciés, après autorisation de l’inspection du travail, à raison de la liquidation judiciaire de l’employeur qui conduit à la fermeture définitive de son établissement et à sa cessation d’activité, ce qui implique la suppression de leur poste, et leur licenciement, aucun reclassement dans un emploi correspondant à leurs compétences n’étant possible.
Les arrêts constatent ensuite que les salariés soutiennent que la cessation d’activité de la société AGC David Miroiterie trouve son origine dans la faute ou la légèreté blâmable de la société et réclament des dommages-intérêts “à raison du préjudice subi”, antérieur, selon eux, à la rupture de leur contrat de travail.
Les arrêts relèvent que, toutefois, ils caractérisent ce préjudice par le fait que “l’absence de faute et de légèreté blâmable aurait permis le maintien de l’engagement contractuel”, considérant ce faisant, que leur préjudice est bien constitué par la perte de leur emploi et donc par le licenciement et n’établissent pas, ni même ne soutiennent, que la faute et la légèreté blâmable de leur employeur leur auraient occasionné un préjudice distinct.
Les arrêts retiennent enfin qu’en l’absence de tout préjudice autre que celui découlant de la perte d’emploi, qui ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires, ils seront déboutés de cette demande.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
La décision d’autorisation de licenciement prise par l’inspecteur du travail, à qui il n’appartient pas de rechercher si la cessation d’activité est due à la faute de l’employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s’il s’y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l’employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi. Dès lors, encourt la cassation l’arrêt qui, pour débouter le salarié protégé de sa demande de dommages-intérêts au titre de la faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, retient que le préjudice découlant de la perte de son emploi ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires.

 

ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES – COLLEGE ELECTORAL.
Cass., Soc., 25 novembre 2020, n°19-60222.

 

La société Aurilis Group Flauraud a organisé le 16 mai 2019 le second tour des élections des membres du comité social et économique, le premier tour ayant donné lieu à procès-verbal de carence faute de quorum. Le pourcentage de femmes et d’hommes au sein du premier collège était respectivement de 13,36 % et de 86,61 %. Invoquant le non-respect par une liste de candidats libres, composée de trois hommes, des règles de la représentation équilibrée des femmes et des hommes, l’union départementale CGT du Puy-de-Dôme (le syndicat CGT) a saisi le tribunal d’instance, le 28 mai 2019, d’une demande d’annulation de l’élection des deux élus du sexe masculin selon elle surnuméraires.

Aux termes de l’article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes présentées aux élections professionnelles qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.

Les dispositions de l’article L. 2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s’appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s’appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles.

Le tribunal d’instance a constaté que la demande d’annulation de l’élection des élus faute de respect des règles sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes était dirigée contre une liste de candidatures libres. Les dispositions invoquées à l’appui de la demande en annulation n’étaient donc pas applicables.

Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l’article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Aux termes de l’article L.2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes présentées aux élections professionnelles qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les dispositions de l’article L.2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s’appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s’appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles.

 

LICENCIEMENT – PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE – DONNEES INFORMATIQUES.

Cass., Soc., 25 novembre 2020, n°17-19523.

 

M. X…, engagé par l’Agence France Presse (AFP) le 9 septembre 1991, a saisi la juridiction prud’homale le 17 février 2012 de diverses demandes en paiement. Il a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire le 27 février 2015 et a été licencié pour faute grave le 23 mars 2015, au motif d’une usurpation de données informatiques.

La cour d’appel qui a, d’une part, relevé que l’article 32 du règlement intérieur de la société prévoit qu’aucune sanction autre qu’un simple avertissement ne sera notifiée sans qu’aient été préalablement avisés les délégués du personnel de la catégorie de l’intéressé et, d’autre part, constaté que l’avis aux délégués du personnel avait été effectué le 23 mars 2015 et que la notification du licenciement, au sens des dispositions conventionnelles applicables, était intervenue le 24 mars 2015, en a déduit à bon droit que l’employeur avait respecté l’article 32 précité.

Selon l’article 51 de la convention d’entreprise AFP du 29 octobre 1976, les conflits individuels seront soumis à une commission paritaire amiable, ayant uniquement une mission conciliatrice. Si l’une des parties récuse cette commission, ou si la tentative de conciliation échoue, les intéressés pourront toujours porter le différend devant toute juridiction française compétente en la matière. Le recours à la commission paritaire amiable est notifié par la partie la plus diligente à l’autre partie par lettre exposant le ou les points sur lesquels porte le litige.

La cour d’appel en a exactement déduit que l’employeur n’avait pas l’obligation de saisir la commission paritaire amiable préalablement au licenciement.
Les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, au sens de l’article 2 de la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, de sorte que leur collecte par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de données à caractère personnel et doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application de l’article 23 de la loi précitée.

Toutefois, ainsi que la Cour l’a déjà jugé (Soc., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15 10.203, Bull. 2016, V, n° 209), le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. De même, elle a déjà jugé (Soc., 31 mars 2015, pourvoi n° 13 24.410, Bull. 2015, V, n° 68), qu’un salarié ne peut s’approprier des documents appartenant à l’entreprise que s’ils sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans un litige l’opposant à son employeur, ce qu’il lui appartient de démontrer.

Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, s’agissant plus particulièrement de la surveillance des employés sur le lieu de travail, qu’elle a estimé que l’article 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales laissait à l’appréciation des États le choix d’adopter ou non une législation spécifique concernant la surveillance de la correspondance et des communications non professionnelles des employés (CEDH, Barbulescu, 5 sept. 2017, n° 61496/08, (§ 119). Elle a rappelé que, quelle que soit la latitude dont jouissent les États dans le choix des moyens propres à protéger les droits en cause, les juridictions internes doivent s’assurer que la mise en place par un employeur de mesures de surveillance portant atteinte au droit au respect de la vie privée ou de la correspondance des employés est proportionnée et s’accompagne de garanties adéquates et suffisantes contre les abus (Barbulescu, précité, (§ 120).

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé également que, pour déterminer si l’utilisation comme preuves d’informations obtenues au mépris de l’article 8 ou en violation du droit interne a privé le procès du caractère équitable voulu par l’article 6, il faut prendre en compte toutes les circonstances de la cause et se demander en particulier si les droits de la défense ont été respectés et quelles sont la qualité et l’importance des éléments en question (CEDH, 17 oct. 2019, Lopez Ribalda, n° 1874/13 et 8567/13, (§ 151).

Enfin, aux termes de l’article 13. 1 g) de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, applicable à l’époque des faits, les États membres peuvent prendre des mesures législatives visant à limiter la portée des obligations et des droits prévus à l’article 6 paragraphe 1, à l’article 10, à l’article 11 paragraphe 1 et aux articles 12 et 21, lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui.

Il y a donc lieu de juger désormais que l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004 801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Pour juger le licenciement fondé sur une faute grave et débouter le salarié de sa demande principale de réintégration et de ses demandes subsidiaires d’indemnité de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que selon un procès-verbal de constat d’huissier, le recoupement des informations de fichiers de journalisation extraites de données du gestionnaire centralisé de logs de l’AFP sur la journée du 30 janvier 2015 et la plage horaire de 12 heures 02 à 16 heures 02 et de l’adresse utilisée pour l’envoi des messages incriminés, a permis de constater que l’adresse IP utilisée est celle de M. X…. Il énonce également que les logs, fichiers de journalisation et adresses IP, qui constituent un traçage informatique que ne peut ignorer le salarié compte tenu de ses fonctions, ne sont pas soumis à une déclaration à la CNIL, ni ne doivent faire l’objet d’une information du salarié en sa qualité de correspondant informatique et libertés, lorsqu’ils n’ont pas pour vocation première le contrôle des utilisateurs. Il ajoute que seule la mise en œuvre d’un logiciel d’analyse des différents journaux (applicatifs et systèmes) permettant de collecter des informations individuelles poste par poste pour contrôler l’activité des utilisateurs doit être déclarée à la CNIL en ce qu’il s’agit d’un traitement automatisé d’informations nominatives. L’arrêt en conclut que s’agissant non pas de la mise en œuvre d’un tel logiciel, mais d’un simple traçage issu des fichiers de journalisation, pour lesquels la charte des ressources informatiques et internet en vigueur à l’AFP précise qu’ils sont conservés par l’administrateur pour une durée pouvant atteindre six mois, la preuve opposée au salarié est légale et ne procède pas d’une exécution déloyale du contrat.

En statuant ainsi, alors que l’exploitation des fichiers de journalisation, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, constitue un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, et était ainsi soumise aux formalités préalables à la mise en œuvre de tels traitements prévues au chapitre IV de ladite loi, ce dont il résultait que la preuve était illicite et, dès lors, les prescriptions énoncées au paragraphe 16 du présent arrêt invocables, la cour d’appel a violé les textes susvisés Vu les articles 2 et 22 de la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004 801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 

TRAVAIL TEMPORAIRE – CONTRAT DE MISSION – REQUALIFICATION EN CDI.
Cass., Soc., 12 novembre 2020, n°18-18294.

 

M. I… a été engagé par la société Manpower (l’entreprise de travail temporaire), du 19 mai 2008 au 15 février 2013, suivant deux cent dix-huit contrats de mission pour exercer, au sein de la société Bestfoods France industries (l’entreprise utilisatrice), des fonctions de préparateur matières premières, et ponctuellement celles d’agent de préparation, d’agent de préparation polyvalent, mélangeur et opérateur.

Il résulte des articles L. 1251-5 du code du travail, L. 1251-6 du même code, dans sa rédaction applicable, et de l’article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu’en cas de litige sur le motif de recours au travail temporaire, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

La cour d’appel, qui a constaté que, malgré la contestation de la réalité de ces motifs d’accroissement temporaire d’activité émise par le salarié, l’entreprise utilisatrice, à laquelle il appartenait de produire les éléments permettant de vérifier la réalité des motifs énoncés dans les contrats, ne se rapportait à aucune donnée concrète justifiant des motifs de recours à l’embauche précaire du salarié puisqu’elle se limitait à critiquer la pertinence des documents produits aux débats par le salarié à l’appui de la dénonciation d’une pratique habituelle de l’entreprise d’un recours à des embauches précaires pour des motifs de moindre coût, ce dont elle a déduit que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Les dispositions de l’article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’oeuvre est interdite n’ont pas été respectées.

Par ailleurs, il résulte de l’article L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, et de l’article L. 1251-37 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que l’entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu’à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l’un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l’accroissement temporaire d’activité.

Ayant fait ressortir que l’entreprise de travail temporaire avait conclu plusieurs contrats de mission au motif d’un accroissement temporaire d’activité sans respect du délai de carence, la cour d’appel en a exactement déduit que la relation contractuelle existant entre le salarié et l’entreprise de travail temporaire devait être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009.

Le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par l’entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l’établissement des contrats de mission, la cour d’appel, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, en a exactement déduit qu’elle devait être condamnée in solidum avec l’entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l’exception de l’indemnité de requalification, dont l’entreprise utilisatrice est seule débitrice.

Ayant constaté les manquements imputables tant à l’entreprise utilisatrice qu’à l’entreprise de travail temporaire, la cour d’appel, qui les a condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par le salarié, a souverainement apprécié la part de responsabilité qu’elle a retenue à l’encontre des co-obligées.

 

TRAVAIL TEMPORAIRE – CONTRATS DE MISSION.
Cass., Soc., 12 novembre 2020, n°19-11402.

 

M. X… a été engagé à compter du mois de février 2006, en qualité d’ouvrier docker occasionnel, par plusieurs entreprises de travail temporaire qui l’ont mis à disposition de la société Terminal des Flandres, l’une des sociétés de manutention portuaire sur le port de Dunkerque, au moyen de deux cent un contrats de mission. A compter du 1er janvier 2013, il a été recruté directement par la société Terminal des Flandres dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage. La relation de travail ayant pris fin le 16 juillet 2014, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à obtenir la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats de mission temporaire ainsi que des contrats à durée déterminée, avec toutes les conséquences attachées à la rupture injustifiée d’un contrat à durée indéterminée.

Aux termes de l’article L. 124-2, alinéa 1, devenu l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.

Selon les articles L. 124-2, alinéa 2, L. 124-2-1 et D. 124-2 devenus les articles L. 1251-6 et D. 1251-1 du même code, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il peut être fait appel à un salarié temporaire pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » pour certains des emplois en relevant lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats de mission successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié.

Il résulte de l’application combinée de ces textes, que le recours à l’utilisation de contrats de missions successifs impose de vérifier qu’il est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Ayant relevé que les contrats de mission conclus en 2006 et 2007 mentionnaient comme motif de recours « emploi pour lequel il n’est pas d’usage de recourir au contrat à durée indéterminée » et que l’entreprise utilisatrice, avec laquelle la relation de travail s’était poursuivie de manière continue au moyen de contrats à durée déterminée d’usage, se contentait d’affirmer que, compte tenu du caractère fluctuant et imprévisible de l’activité de la manutention portuaire, le recours aux ouvriers dockers occasionnels se justifiait nécessairement par une tâche précise et temporaire indissociablement liée au secteur d’activité de la manutention portuaire sans qu’elle ne verse, aucun élément permettant au juge, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par le salarié, la cour d’appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du premier contrat de mission irrégulier.

 

TRAVAIL TEMPORAIRE – PLATE-FORME NUMERIQUE – TROUBLE MANIFESTE.
Cass., Soc., 12 novembre 2020, n°19-10606.

 

Les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 (les sociétés Staffmatch), membres du groupe Staffmatch, exercent leur activité dans le secteur du travail temporaire se rapportant à l’hôtellerie et la restauration, la seconde étant une agence de travail temporaire.

Par acte du 26 janvier 2018, elles ont assigné en référé devant le président d’un tribunal de commerce la société Brigad qui exerce une activité de programmation informatique et d’exploitation d’un site internet dédié aux professionnels du secteur de la restauration, aux fins de faire reconnaître que l’activité de cette société causait un trouble manifestement illicite et les exposait à un dommage imminent qu’il fallait respectivement faire cesser et prévenir.

Il résulte de l’article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence de ce tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Ayant relevé, d’une part, que les articles L. 7341-1 et suivants du code du travail, issus de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, étaient applicables aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts et qu’ils prévoyaient les conditions d’exercice de la responsabilité sociale de ces plateformes et, d’autre part, qu’en vertu de l’article L. 8221-6 du même code, les travailleurs indépendants étaient présumés n’être pas liés avec le donneur d’ordres par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la cour d’appel, qui a retenu que l’essor des plateformes numériques telles que celle en litige était encadré par les dispositions législatives susvisées et constaté l’absence d’indices suffisants permettant avec l’évidence requise en référé de renverser la présomption de non-salariat prévue à l’article L. 8221-6 du code du travail pour les travailleurs indépendants s’y inscrivant, a ainsi fait ressortir que n’était pas établi avec évidence le fait que la société Brigad exerce de façon illicite une activité d’exploitation de plateforme numérique légalement reconnue, écartant ainsi implicitement toute hypothèse de fraude manifeste à la loi.

Elle a pu déduire, sans dénaturer les conclusions des parties ni être tenue de procéder à des recherches excédant ses pouvoirs, l’absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent consécutif à ce trouble.

La cour d’appel qui, saisie en référé de faits de concurrence déloyale constitutifs d’un trouble manifestement illicite imputés par deux sociétés exerçant leur activité dans le secteur du travail temporaire à une société exploitant une plate-forme numérique, retient que cette dernière activité est encadrée par les dispositions législatives applicables aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une plate-forme de mise en relation par voie électronique et constate l’absence d’indices suffisants permettant avec évidence de renverser la présomption de non-salariat prévue à l’article L. 8221-6 du code du travail pour les travailleurs indépendants s’y inscrivant, a pu en déduire l’absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent en découlant.

 

REMUNERATION – EGALITE DE TRAITEMENT.
Cass., Soc., 12 novembre 2020, n°18-23986.

 

Mme O… a été engagée le 1er février 2001 par la société Cofismed gestion, aux droits de laquelle sont successivement venues les sociétés Viveris management puis ACG management, tous ces établissements exerçant une activité de gestion de fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI). Recrutée initialement en qualité de chargée d’affaires, elle a occupé à compter du 1er septembre 2008 un poste de directrice d’investissement.

Soutenant avoir été victime d’une inégalité de traitement, la salariée a saisi le 20 octobre 2011 la juridiction prud’homale afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et la condamnation de ce dernier à lui payer diverses sommes.

Il ressort du procès-verbal de recherches infructueuses que l’huissier de justice s’est borné à constater qu’aucune personne répondant à l’identification du destinataire de l’acte n’avait son domicile ou sa résidence au dernier domicile connu de la salariée et qu’un occupant de l’immeuble lui avait déclaré que celle-ci était inconnue à l’adresse indiquée, sans accomplir de diligence afin de rechercher le destinataire de l’acte.

Il en résulte que la signification de l’arrêt effectuée le 25 juillet 2018 est irrégulière au regard de l’article 659 du code de procédure civile.

Selon le principe d’égalité de traitement et l’article L. 3221-3 du code du travail, constitue une rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié, en raison de l’emploi de ce dernier.

Pour débouter la salariée de ses demandes fondées sur un manquement de l’employeur au principe d’égalité de traitement, l’arrêt, après avoir indiqué qu’en droit la règle d’égalité de rémunération s’applique au salaire ou traitement ordinaire brut de base ou minimum et à tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier et englobe donc l’ensemble des droits individuels et collectifs, qu’ils soient financiers ou non, accordés aux salariés en raison de leur appartenance à l’entreprise, retient que dès lors qu’il s’agit d’un avantage réservé aux membres des équipes de gestion de la société ACG management sur un mode d’actionnariat salarié consistant en des titres attribués, en plus de la rémunération, aux salariés et aux dirigeants, afin de les intéresser à la réussite des investissements, les parts de carried interest doivent à ce titre être prises en compte pour évaluer la situation d’inégalité de traitement.

En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi les parts de carried interest constituaient un élément de rémunération versé par l’employeur, en tant que contrepartie du travail fourni, ou un avantage directement ou indirectement payé par l’employeur au salarié, en espèces ou en nature, en raison de l’emploi de ce dernier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Ne donne pas de base légale à sa décision, au regard du principe d’égalité de traitement et de l’article L. 3221-3 du code du travail, la cour d’appel qui, pour débouter une salariée de ses demandes fondées sur une inégalité de traitement, intègre dans l’assiette de calcul des rémunérations des salariés concernés leurs parts de carried interest sans caractériser en quoi celles-ci constituaient un élément de rémunération versé par l’employeur, en tant que contrepartie du travail fourni, ou un avantage directement ou indirectement payé par l’employeur au salarié, en espèces ou en nature, en raison de l’emploi de ce dernier.

 

LANCEUR D’ALERTE – LICENCIEMENT.
Cass., Soc., 4 novembre 202, n°18-15669.

 

M. W…, engagé en qualité de consultant senior par la société Eurodécision, spécialisée dans le développement de solutions logicielles et d’expertises dans le domaine de l’optimisation et des solutions d’aide à la décision, s’est vu confier une mission auprès d’un technocentre Renault. Lors d’un entretien du 16 mars 2016, l’employeur a évoqué avec le salarié avoir été averti de l’envoi par l’intéressé d’un courriel politique à des salariés de la société Renault. Le 18 mars 2016, il lui a notifié une mise à pied conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable prévu le 25 mars suivant en vue d’un éventuel licenciement. Le 31 mars 2016, le salarié a fait l’objet d’un avertissement pour violation du guide d’information de la société Renault et notamment de sa lettre de mission au technocentre. Il a été licencié le 21 avril 2016 pour faute grave, l’employeur lui reprochant un manquement à ses obligations de loyauté et de bonne foi, pour avoir procédé à l’enregistrement sonore de l’entretien informel du 16 mars 2016 à son insu et pour avoir communiqué cet enregistrement à des tiers afin d’assurer sa diffusion le 21 mars 2016 dans le cadre d’une vidéo postée sur le site internet Youtube. L’enregistrement diffusé révélait qu’au cours de l’entretien du 16 mars 2016 l’employeur avait déclaré : “donc ils surveillent, ils surveillent les mails, et à ton avis les mails de qui ils surveillent en priorité ‘…Bah les mails des syndicalistes bien évidemment… t’es pas censé, en tant qu’intervenant chez Renault, (de) discuter avec les syndicats Renault. Les syndicats de Renault, ils sont là pour les salariés de Renault…”

Le salarié, faisant valoir que son licenciement était intervenu en violation de la protection des lanceurs d’alerte, a sollicité devant le juge des référés la cessation du trouble manifestement illicite résultant de la nullité de son licenciement et l’octroi de provisions à valoir sur la réparation de son préjudice. Les syndicats se sont joints à ces demandes.

Selon l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Pour prononcer la nullité du licenciement et condamner l’employeur au paiement de diverses sommes au salarié et aux syndicats, l’arrêt retient que la révélation des faits d’atteinte à la liberté d’expression dans le cadre d’échanges avec un syndicat est intervenue par la voie de médias par internet lors de la diffusion de l’enregistrement litigieux le 21 mars 2016 puis de l’entretien entre le salarié et un journaliste le 22 mars 2016, alors que M. W… avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause son droit à sa libre communication avec les syndicats de la société Renault, au vu des propos tenus par le dirigeant de la société Eurodécision lors de l’entretien informel du 16 mars 2016 et de la procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire engagée dès le 18 mars 2016 et suivie d’un avertissement puis de son licenciement pour faute grave. L’arrêt en déduit que le salarié est recevable à invoquer le statut de lanceur d’alerte et en conclut qu’en application des articles L. 1132-3-3 et L. 1132-3-4 du code du travail, il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement.

En statuant ainsi, sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Un salarié ne peut se prévaloir du statut de lanceur d’alerte instauré par l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, si les faits qu’il dénonce au moyen d’un enregistrement clandestin de l’employeur ne sont pas susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime.

 

SALARIES DETACHES – LEGISLATION APPLICABLE.
Cass., Soc., 4 novembre 2020, n°18-24451 s.

 

MM. C…, M…, F…, T…, N…, D…, H…, W…, O…, P… et TZ… B…, VV…, L…, AP…, X…, E…, de nationalité polonaise et domiciliés en Pologne, ont été mis à disposition de la société Bouygues travaux publics (la société Bouygues TP) ou de la société Welbond armatures par la société de travail temporaire Atlanco Limited, entreprise de droit chypriote (la société Atlanco), entre le mois de mars 2010 et le mois de juin 2011, pour exercer une activité salariée sur le chantier de construction d’un réacteur nucléaire de nouvelle génération sur le site de Flamanville.

L’institution compétente de l’État chypriote, sur le territoire duquel est situé le siège de l’employeur, a retiré les certificats E101 et A1 qu’elle avait précédemment délivrés pour les salariés.

La société Bouygues TP fait grief à l’arrêt de dire que la société Atlanco a effectué du travail dissimulé, de condamner cette dernière à verser aux salariés une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et à régulariser leur situation ainsi que de dire que la solidarité financière de la société Bouygues TP est engagée au titre du travail dissimulé et de la condamner au paiement de cette indemnité forfaitaire.

Les dispositions du titre II du règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE) n° 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, et du titre II du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale constituent un système complet et uniforme de règles de conflit de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union européenne au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités (CJCE, 24 mars 1994, Van Poucke/Rijksinstituut voor de Sociale Verzekeringen der Zelfstandigen e.a., C-71/93, point 22 ; CJCE, 10 février 2000, FTS, C-202/97, point 20).

Ce système repose sur le principe de coopération loyale qui impose à l’institution de sécurité sociale compétente de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents pour l’application des règles relatives à la détermination de la législation applicable et, partant de garantir l’exactitude des mentions figurant dans le certificat délivré (CJCE, 10 février 2000, FTS, C-202/97, point 51).

Ce principe implique également celui de confiance mutuelle (CJUE, 6 février 2018, Altun e.a., C-359/16, point 40).

Selon les articles 13 § 2, sous a), du règlement n° 1408/71 et 11 § 3, sous a), du règlement n° 883/2004, la règle générale est celle de l’application de la législation de l’État d’exercice de l’activité salariée.

Il résulte de l’article 14, point 1, sous a), et point 2, du règlement n° 1408/71 et des articles 12 § 1 et 13 § 1 du règlement n° 883/2004 que font exception à cette règle, les situations de travail détaché et d’exercice normal d’une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres.

Conformément à l’article 14, point 1, sous a) du règlement n° 1408/71, aux articles 11 § 1 et 12 bis, point 1, sous b), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement (CE) n° 120/2009 de la Commission, du 9 février 2009, à l’article 12 §1 du règlement n° 883/2004, aux articles 15 § 1 et 16 § 2 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004, l’institution désignée vérifie si une situation de détachement est caractérisée en sorte que la législation applicable est celle de l’État membre de cette institution ou détermine, dans une situation d’exercice d’une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres, quelle est la législation applicable.

Cette institution est, dans le cas d’une situation de détachement, celle de l’État où l’employeur exerce normalement son activité.

Dans le cas d’une situation d’exercice d’une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres, ladite institution est celle de l’État membre de résidence de la personne concernée.

Selon les articles 11 § 1, 12 bis, points 2 et 4, du règlement n° 574/72, l’article 19 § 2 du règlement n° 987/2009, à la demande de la personne concernée ou de l’employeur, l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable atteste, par la délivrance des certificats A1/E101, que cette législation est applicable.

Il résulte des textes précités que la caractérisation de situations de détachement ou d’exercice d’une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres au sens des règlements de coordination ressort uniquement à la compétence soit de l’institution compétente de l’État membre dans lequel l’employeur exerce normalement son activité, dans le cas où une situation de détachement est alléguée, soit, dans le second cas, de l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre de résidence.

Le système complet et uniforme de conflit de lois ainsi institué par les titres II des règlements de coordination, en l’absence de fraude et lorsque État membre de résidence et État membre où est exercée l’activité salariée ne coïncident pas, ne confère aux institutions compétentes de ce dernier État ou à ses juridictions nationales aucune compétence pour procéder à une telle caractérisation afin de retenir l’application d’une loi autre que celle de cet État.

Dès lors, en l’absence de certificat E101/A1 résultant d’un refus de délivrance ou d’un retrait par l’institution compétente, seule trouve à s’appliquer la législation de l’État membre où est exercée l’activité salariée.
Cette conclusion s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable au regard des caractéristiques propres des règlements de coordination et de l’absence de toute difficulté particulière d’interprétation ou de tout risque de divergence de jurisprudence à l’intérieur de l’Union en sorte qu’il n’y a pas lieu de poser de question à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne.

Il en résulte que, après avoir constaté que les salariés employés par la société Atlanco et mis à disposition des sociétés Bouygues TP et Welbond armatures exerçaient une activité salariée sur le territoire français, à Flamanville, et que les certificats A1/E101 délivrés par l’institution compétente chypriote avaient été retirés, la cour d’appel, sans avoir à procéder à des recherches que ces constatations rendaient inopérantes et sans méconnaître le principe de l’égalité des armes garanti par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a exactement retenu que ces salariés étaient soumis à la législation française.

 

LICENCIEMENT – INDEMNITES DE CHOMAGE.
Cass., Soc., 4 novembre 202, n° 19-11865.

 

M. C… a été engagé le 6 janvier 2014 par la société Distribution matériaux bois panneaux (la société), en qualité de technico-commercial. Le 13 décembre 2014, le salarié a informé son employeur de son élection aux fonctions d’adjoint délégué au sport de la commune de Bouguenais le 20 novembre précédent.
Une convention de rupture conventionnelle a été signée (par les parties) le 10 décembre 2015 et homologuée tacitement par la Direccte. Le contrat de travail a pris fin le 26 janvier 2016.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale, le 10 mai 2016, d’une demande d’annulation de la rupture conventionnelle pour absence d’autorisation de la Direccte malgré son statut de salarié protégé et obtenir le règlement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, de salaire pendant la période de protection et d’indemnité de préavis.

Aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015, lorsqu’ils n’ont pas cessé d’exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du même article, soit les maires et les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail. C’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a décidé que la rupture conventionnelle des maires et adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins qui n’ont pas cessé leur activité professionnelle devait être autorisée préalablement par l’inspecteur du travail.

Ayant relevé par ailleurs que le salarié avait, le 13 décembre 2014, informé son employeur de son élection aux fonctions d’adjoint délégué au sport de la commune de Bouguenais le 20 novembre précédent et constaté qu’en l’espèce, la rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié avait fait l’objet d’une homologation par l’inspecteur du travail et non d’une autorisation préalable, la cour d’appel en a exactement déduit que cette rupture conventionnelle était nulle et produisait les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur du salarié.

Aux termes de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Pour condamner la société à rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois d’indemnités, la cour d’appel a retenu, par motifs adoptés, que le salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convenait d’ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

En statuant ainsi alors que le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

SECURITE SOCIALE – CONTRIBUTIONS ET COTISATIONS.
Cass., Soc., 26 novembre 2020, n°19-21731.

 

A la suite du calcul des cotisations et contributions sociales définitives dues par M. X… (le cotisant) au titre de l’année 2015 et compte tenu des sommes versées à titre provisionnel, l’URSSAF de Haute-Normandie (l’URSSAF) a procédé à son profit au remboursement d’une certaine somme.

Ayant constaté que la somme remboursée était supérieure à la somme due, l’URSSAF a notifié au cotisant une mise en demeure puis a délivré à son encontre, le 30 janvier 2017, une contrainte d’un montant de 3 388 euros, afférente à la régularisation des cotisations et contributions sociales de l’année 2015.

Le cotisant a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction de sécurité sociale.

La contrainte délivrée par le directeur d’un organisme de sécurité sociale sur le fondement de l’article L. 244-9 du code de la sécurité sociale a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations et contributions sociales et des majorations de retard.

Pour débouter le cotisant de son opposition, ayant constaté que la contrainte, qui se réfère expressément à la mise en demeure du 21 novembre 2016, indique au titre du motif du recouvrement, une insuffisance de versement et au titre de la période concernée, une régularisation 2015, l’arrêt précise que la contrainte mentionne le montant des cotisations dues et des majorations, aucun nouveau versement n’étant intervenu depuis la mise en demeure. Il retient que le cotisant ne peut soutenir que la somme réclamée a changé de nature et de montant, dès lors que l’URSSAF ne réclame pas le remboursement d’une somme qu’elle a versée par erreur mais explique le raisonnement qui a conduit au montant restant dû au titre de l’année 2015, mentionné dans la mise en demeure et la contrainte, qui correspond bien à un solde impayé de cotisations.

En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que le cotisant avait acquitté les sommes dont il était redevable, de sorte que la contrainte avait pour objet, non le recouvrement des cotisations sociales définitives de l’année 2015, mais le remboursement d’un indu correspondant aux sommes versées par erreur par l’URSSAF, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

LICENCIEMENT – ELECTIONS PROFESSIONNELLES.
Cass., Soc., 4 novembre 2020, n° 19-12775.

 

M. S… a été engagé par la société 2L Multimédia en 2008. Il a saisi le 19 avril 2016 la juridiction prud’homale de demandes de dommages et intérêts notamment pour harcèlement moral, puis, à la suite de son licenciement intervenu le 20 janvier 2017, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour a jugé (Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 108 ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392 publié), qu’il résulte de l’application combinée de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil et de l’article 8, § 1, de la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l’employeur qui, bien qu’il y soit légalement tenu, n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

En revanche, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice lorsque, l’institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l’institution représentative du personnel, les salariés n’étant pas dans cette situation privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

Il résulte de l’arrêt de la cour d’appel et des productions, d’une part, qu’à la suite des élections des délégués du personnel ayant eu lieu en avril 2013, les deux élus délégués du personnel titulaires ont quitté l’entreprise respectivement en novembre 2013 et avril 2014 et l’un des deux suppléants a également quitté l’entreprise en avril 2014, ce dont il résultait qu’un délégué du personnel était toujours présent et d’autre part que dès que le salarié avait demandé l’organisation d’élections partielles, l’employeur y avait procédé.

 

CES – ELECTIONS DES REPRESENTANTS DU PERSONNEL.
Cass., Soc., 4 novembre 2020, n° 19-13151.

 

Les 6 et 20 juin 2018 se sont tenues les élections des représentants du personnel au comité social et économique au sein de la société Schoeller-Allibert France (la société). Le 12 juin 2018, le syndicat CFE-CGC chimie Lyon (le syndicat) a procédé à la désignation de M. Q… en qualité de représentant de la section syndicale de la société au titre de la CFE-CGC. Par jugement du 14 septembre 2018, le tribunal d’instance a annulé le premier et le second tour des élections au sein de la société pour l’ensemble des trois collèges, et ordonné à la société d’engager un nouveau processus électoral. Le premier et unique tour des élections des représentants du personnel au comité social et économique de l’entreprise a eu lieu le 5 novembre 2018. Le syndicat a procédé à la désignation du même salarié en qualité de représentant de la section syndicale au sein de l’entreprise suivant courrier du 28 novembre 2018 reçu le 30 novembre 2018 par l’employeur. Le 7 décembre suivant, la société a saisi le tribunal d’instance pour contester cette désignation.

Les dispositions de l’article L. 2142-1-1 du code du travail, qui interdisent de désigner immédiatement après l’organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections, ne sont pas opposables au syndicat dès lors que la nouvelle désignation intervient à la suite des élections professionnelles organisées en exécution d’un jugement ayant procédé à l’annulation des élections professionnelles à l’issue desquelles le salarié avait précédemment été désigné en qualité de représentant de section syndicale. Par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l’article 1015 du code de procédure civile, le jugement se trouve justifié.

 

LICENCIEMENTS – COMPETITIVITE DE L’ENTREPRISE – FAUTE DE L’EMPLOYEUR.
Cass., Soc., 4 novembre 2020, n°18-23029.

 

Si la faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute.

MM. X…, Y…, Z…, et P… et Mme Q…, salariés de la société Pages jaunes, ont été licenciés pour motif économique entre le 30 avril et le 11 août 2014 après avoir refusé la modification de leur contrat de travail pour motif économique proposée dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise ayant donné lieu à un plan de sauvegarde de l’emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France le 2 janvier 2014. Par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d’un autre salarié, une cour administrative d’appel a annulé cette décision de validation, au motif que l’accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail. Le Conseil d’Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt. Les salariés ont saisi la juridiction prud’homale pour voir juger sans cause réelle et sérieuse leur licenciement pour motif économique.

Pour condamner la société Pages jaunes à verser aux salariés diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonner le remboursement à l’organisme concerné des indemnités de chômage payées aux salariés dans la limite de trois mois d’indemnités, les arrêts retiennent que la société Pages jaunes est une filiale à 100 % au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce de Pages jaunes groupe, aujourd’hui dénommé Solocal, que dans le cadre d’une opération de rachat d’entreprise par endettement dite « LBO » pour « leverage buy-out », l’utilisation des ressources financières du groupe, constituées essentiellement par les ressources financières de la société Pages jaunes, n’a été possible que parce que cette dernière a accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding, laquelle a ainsi asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques, alors même que l’essor d’un marché « online » et la multiplication d’entreprises au modèle innovant ou spécialisées ayant une activité concurrentielle nécessitaient de proposer des prestations spécialisées et adaptées, que si une ébauche de transformation et d’adaptation a été lancée en 2011 avec le projet « Jump », pour répondre au besoin de spécialisation du marché, force est de relever la tardiveté et l’insuffisance de cette restructuration, qui a coïncidé avec la décision de ne plus affecter les liquidités à la distribution de dividendes, que la société Pages jaunes ne met pas la cour en mesure de considérer que l’inadaptation de son organisation à la nouvelle configuration du marché de la publicité et la dégradation de la situation économique qui s’en est suivie ne résulte pas de l’incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l’opération dite « LBO », du fait de la mise à disposition de ses liquidités en 2006 et des versements continus de dividendes opérés jusqu’en 2011, de financer les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l’entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008, que dès lors le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l’entreprise au moment de la mise en œuvre de la procédure de licenciement n’est pas dissociable de la faute de la société Pages jaunes, caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l’actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion.

En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Une faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est susceptible de priver de cause réelle et sérieuse les licenciements prononcés. Mais l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas, à elle seule, une telle faute.

 

CONTRAT DE TRAVAIL – RUPTURE.
Cass., Soc., 4 novembre 2020, n°19-12367 et 19-12369.

 

Selon les arrêts attaqués (Caen, 20 décembre 2018), statuant en référé, MM. X… et Y… ont été engagés les 1er janvier 2008 et 24 mars 2014 par la société Derichebourg polyurbaine, aux droits de laquelle vient la société Collectes valorisation énergie déchets, en qualité d’équipier de collecte.

Le 5 février 2017, ils ont écrit à la direction des ressources humaines pour exprimer des revendications en ce qui concerne les temps de pause. Le 23 mars 2017, la direction a refusé d’y faire droit et les a invités à respecter les consignes concernant la pause à proximité du lieu de collecte. Une note de service du 12 avril 2017 a demandé à l’ensemble du personnel de respecter les lieux de pause définis dans le planning hebdomadaire. Le 12 mai 2017, les salariés ont reçu un avertissement pour non-respect des lieux de pause. Le 4 octobre 2017, ils ont saisi la juridiction prud’homale en référé pour obtenir l’annulation de cette sanction, un rappel de salaire et des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité. Cette affaire a été appelée à l’audience du 23 janvier 2018, la décision devant être rendue le 30 janvier 2018.Le 4 janvier 2018, les salariés ont saisi le conseil de prud’hommes en référé pour voir ordonner la suspension de la note de service du 12 avril 2017 et que le dépôt de Giberville soit retenu comme lieu de pause. Le 29 janvier 2018, à la suite d’un contrôle opéré sur une tournée, ils ont été mis à pied à titre conservatoire puis licenciés pour faute grave le 15 février 2018, au motif de la réalisation d’une collecte bilatérale interdite et dangereuse.

Soutenant que leur licenciement intervenait en violation de la liberté fondamentale d’agir en justice et encourait la nullité, ils ont saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes aux fins que leur réintégration soit ordonnée et que l’employeur soit condamné à leur payer des rappels de salaire depuis la mise à pied.

Le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice.

La cour d’appel a constaté, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les actions en justice engagées portaient sur la question du lieu de pause, soit sur une question sans rapport avec le motif de licenciement, que la lettre de licenciement ne contenait pas de référence à ces actions en justice, que la procédure de licenciement avait été régulièrement suivie et que la lettre de notification du licenciement était motivée en ce qu’elle contenait l’exposé de faits circonstanciés dont il appartient à la seule juridiction du fond de déterminer s’ils présentent un caractère réel et sérieux notamment au regard de la pratique antérieure, des consignes et de la formation reçues et qu’enfin, pour avoir été inopiné, le contrôle terrain n’en était pas moins une pratique dans l’entreprise dont la déloyauté n’était pas en l’état manifeste s’agissant de celui du 29 janvier 2018, ce dont il résultait que le licenciement ne présentait pas de caractère manifestement illicite. Elle en a, sans inverser la charge de la preuve et procédant à la recherche prétendument omise, exactement déduit l’absence d’un trouble manifestement illicite.

Le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice.

 

SYNDICATS PROFESSIONNELS – ELECTIONS – CANDIDATURES.
Cass., Soc., 21 octobre 2020, n°20-16669.

 

Le Syndicat des artistes interprètes et enseignants de la musique et de la danse et des arts dramatiques et de tous les salariés sans exclusive (les cadres compris) (le SAMUP) a déposé sa candidature auprès de la direction générale du travail dans le cadre du scrutin destiné à mesurer l’audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés. Il y a été déclaré recevable en tant qu’organisation syndicale interprofessionnelle par décision du 12 mai 2020.

La Confédération générale du travail force ouvrière (CGT-FO), la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération française de l’encadrement (CFE-CGC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ont saisi le tribunal judiciaire le 8 juillet 2020 pour contester la décision de la direction générale du travail.

Il résulte de l’article L. 2122-10-6 du code du travail que peuvent être candidates au scrutin permettant de mesurer l’audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines, d’indépendance et de transparence financière, légalement constituées, depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel.

Peuvent ainsi être candidates audit scrutin les organisations syndicales professionnelles, ainsi que les unions et confédérations syndicales, remplissant certaines conditions.

Le code du travail distingue à cet égard les syndicats dits primaires, qui, aux termes de l’article L. 2131-2 du code du travail regroupent des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l’établissement de produits déterminés ou la même profession libérale, et les unions de syndicats, au sein desquelles, selon l’article L. 2133-1 du code du travail, les syndicats professionnels régulièrement constitués peuvent se concerter pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Il résulte de cette distinction que si les unions de syndicats peuvent être intercatégorielles, les syndicats professionnels primaires doivent respecter dans leurs statuts les prescriptions de l’article L. 2131-2 et ne peuvent dès lors prétendre représenter tous les salariés et tous les secteurs d’activité.

En l’espèce, le tribunal judiciaire a constaté que, suite à une modification de ses statuts actée en février 2020, le SAMUP avait ajouté à son sigle, son objet et ses conditions d’adhésion, la possibilité de représenter tous les salariés sans exclusive et tous les secteurs d’activité. Il en a exactement déduit que le SAMUP ne pouvait plus être qualifié d’organisation syndicale professionnelle et que, ne constituant pas une union syndicale, il ne pouvait pas être candidat au scrutin permettant de mesurer l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés.

Le code du travail distingue les syndicats dits primaires, qui, aux termes de l’article L.2131-2 du code du travail regroupent des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l’établissement de produits déterminés ou la même profession libérale, et les unions de syndicats, au sein desquelles, selon l’article L.2133-1 du code du travail, les syndicats professionnels régulièrement constitués peuvent se concerter pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Il résulte de cette distinction que si les unions de syndicats peuvent être intercatégorielles, les syndicats professionnels primaires doivent respecter dans leurs statuts les prescriptions de l’article L.2131-2 et ne peuvent dès lors prétendre représenter tous les salariés et tous les secteurs d’activité.

 

Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation

 

 

CONSOMMATION – PRET.
Cass., Civ., 1ère, 25 novembre 2020, n°19-14908.

 

M. X… et Mme Y… (les emprunteurs) ont, le 9 juin 2012, après un démarchage à domicile, acquis une éolienne auprès de la société Vensolia énergies (le vendeur), qui a été placée en liquidation judiciaire le 24 octobre 2012. Ils ont souscrit, le jour de l’acquisition, auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (la banque), un prêt destiné à la financer. L’éolienne a été installée le 2 juillet 2012 et la banque a versé les fonds au vendeur au vu d’un certificat signé par Mme Y… attestant de la livraison de l’éolienne et de la réalisation des travaux et lui demandant de débloquer les fonds. 2. Par acte du 21 octobre 2013, les emprunteurs ont assigné la banque et le liquidateur judiciaire du vendeur, ès qualités, en annulation des contrats de vente et de prêt, en restitution des échéances payées et en paiement de dommages-intérêts, en se prévalant d’irrégularités du contrat de vente relatives à l’absence de certaines mentions obligatoires.

Le contrat de vente ainsi que le contrat de crédit ont été annulés.

La résolution ou l’annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Après avoir constaté que les emprunteurs avaient reçu, sans émettre de réserves, une éolienne en bon état de fonctionnement et que la banque avait débloqué les fonds à leur demande, la cour d’appel a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, qu’ils ne justifiaient pas d’un préjudice en lien avec la faute invoquée, tenant à l’absence de vérification de la régularité formelle du contrat principal, de sorte qu’elle n’a pu qu’en déduire qu’ils devaient restituer le capital emprunté.

Il s’ensuit que le moyen, qui critique des motifs surabondants de l’arrêt relatifs à la faute de la banque, est inopérant.

 

BAIL COMMERCIAL – REVISION DU LOYER.
Cass., Civ., 3ème, 19 novembre 2020, n°19-20405.

 

La société Haussmann-Italiens a donné à bail à M. Y… des locaux commerciaux à compter du 1er avril 1998 pour une durée de neuf années. Le 30 mars 2007, la société civile immobilière Caravelle (la SCI), devenue propriétaire des lieux loués, a donné congé à M. Y… avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2007, moyennant un loyer annuel en principal de 86 000 euros. Le loyer du bail renouvelé a été fixé judiciairement à la somme annuelle de 57 970 euros en principal. 3. Le 4 octobre 2013, M. Y… a cédé son fonds de commerce à la société Cap Aud. Le 5 août 2014, la SCI a délivré à la société Cap Aud un commandement de payer la somme de 19 589,13 euros au titre des loyers et charges dus au 28 juillet 2014, puis l’a assignée en référé en acquisition de la clause résolutoire. Un arrêt du 19 novembre 2015, qui a déclaré acquise la clause résolutoire au 5 octobre 2014, a été cassé (3e iv., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-12.179). Le 13 janvier 2016, la société Cap Aud a assigné à jour fixe la SCI aux fins de voir déclarer réputée non écrite la clause de révision du loyer stipulée au bail, annuler le commandement de payer et, subsidiairement, se voir accorder des délais de paiement rétroactifs et la suspension des effets de la clause résolutoire. La SCI a soulevé l’irrecevabilité des demandes et conclu au rejet de la demande de délais. Un jugement du 23 mars 2017 a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Cap Aud et désigné la société X… Z… en qualité de liquidateur judiciaire. La cour d’appel ayant rejeté la demande d’annulation du commandement formée par la société Cap Aud, la SCI est sans intérêt à critiquer la disposition de l’arrêt déclarant cette demande recevable.

La cour d’appel a relevé que la loi du 18 juin 2014, en ce qu’elle a modifié l’article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce, leur caractère réputé non écrit. Elle a retenu à bon droit que ce texte est applicable aux baux en cours et que l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n’est pas soumise à prescription. Elle en a exactement déduit que l’action tendant à voir réputer non écrite la clause du bail relative à la révision du loyer, formée le 13 janvier 2016, soit après l’entrée en vigueur de la loi précitée, était recevable.

La cour d’appel a relevé que, si les causes du commandement de payer étaient partiellement fondées et si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies, la société locataire avait réglé, le 9 juin 2015, toutes les sommes dues entre les mains de l’huissier de justice poursuivant. Elle a souverainement retenu, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que, compte tenu des efforts de la société locataire pour apurer la dette locative, il y avait lieu de lui accorder des délais rétroactifs au 9 juin 2015 en application de l’article L. 145-41 du code de commerce et en a exactement déduit que la clause résolutoire n’avait pas produit ses effets.

 

BAIL COMMERCIAL – CLAUSE RESOLUTOIRE.
Cass., Civ., 3ème, 22 octobre 2020, n°19-19542.

 

Le 21 décembre 2012, la société Aeroville a donné à bail à la société C & A France des locaux à usage commercial pour une durée de dix ans avec renonciation du preneur à la faculté de résiliation à la fin de la première période triennale, le bail comportant une clause résolutoire, “si bon semble au bailleur”. Le 27 juillet 2015, la société Aeroville a délivré à la société C & A France un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis l’a assignée en référé en constatation de l’acquisition de cette clause et en paiement d’une provision. Une ordonnance de référé du 27 novembre 2015 a condamné la société C & A France à payer une provision à la société Aeroville, a suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé à la société C & A France des délais de paiement avec déchéance du terme. Cette ordonnance, signifiée le 11 décembre 2015 par la société Aeroville, n’a pas été frappée d’appel. Le 8 janvier 2016, la bailleresse a mis en demeure la locataire de payer les sommes dues au titre de la période comprise entre le 12 mai et le 23 novembre 2015. Par lettre du 22 janvier 2016, la locataire, qui ne s’était pas acquittée de la première mensualité, a informé le bailleur qu’elle prenait acte de la résiliation définitive du bail et qu’elle restituerait les clefs le 3 mars 2016. La société Aeroville a informé la société C & A France qu’elle renonçait à se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire, puis l’a assignée en exécution forcée du bail, subsidiairement, en paiement des loyers et charges jusqu’à la deuxième échéance triennale du bail.

Il résulte de l’article L. 145-41 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre les effets d’une clause résolutoire, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice passée en force de chose jugée. La clause résolutoire est réputée n’avoir jamais produit ses effets si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Dès lors que l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée et en l’absence de décision contraire statuant au principal, le bailleur ne peut plus, en cas de non-respect par le preneur des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause résolutoire, demander unilatéralement l’exécution du bail résilié.

Pour dire que le bail s’était poursuivi entre les parties en dépit de ce que la locataire n’avait pas payé les loyers courants et les mensualités sur arriérés dans les conditions fixées par l’ordonnance du 27 novembre 2015, l’arrêt retient que la locataire ne peut tirer parti d’une clause résolutoire stipulée au seul bénéfice du bailleur ni se prévaloir de son propre comportement pour prendre acte de la résiliation du bail et que, si la bailleresse a signifié l’ordonnance de référé pour faire courir les délais de paiement, ce qui ne manifestait pas son intention de poursuivre l’acquisition de la clause résolutoire, elle n’avait engagé aucun acte d’exécution forcé de sorte qu’elle conservait la liberté de poursuivre ou non, à ses risques et périls, l’exécution du titre provisoire que constituait cette ordonnance et pouvait, ainsi, renoncer au bénéfice de l’acquisition de la clause résolutoire.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 145-41 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance précitée, et 500 du code de procédure civile.

 

BAUX COMMERCIAUX – EXPULSION.
Cass., Civ., 3ème, 22 octobre 2020, n°19-20443.

 

Le 1er juin 2013, la société de La Cadène a consenti à M. U…, qui occupait déjà les lieux et qui avait renoncé à se prévaloir du droit au statut des baux commerciaux lui étant acquis à l’expiration du précédent bail dérogatoire, un bail pour une durée de vingt-quatre mois. Le 1er juin 2015, les parties ont conclu un nouveau bail dérogatoire courant jusqu’au 31 mai 2016.

Le 31 mars 2016, la société de La Cadène a informé M. U… de sa volonté de ne pas consentir un nouveau bail.

M. U… ayant revendiqué le droit au statut des baux commerciaux, la société de La Cadène l’a assigné en expulsion.

La loi du 18 juin 2014 a ajouté à l’article L. 145-5 du code de commerce une disposition selon laquelle les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l’expiration d’une durée de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs.

Selon ce texte, les parties ne peuvent pas conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l’expiration d’une durée totale de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs et qui court dès la prise d’effet du premier bail dérogatoire, même si le preneur a renoncé, à l’issue de chaque bail dérogatoire, à l’application du statut des baux commerciaux.

En application de l’article 21 II de la loi du 18 juin 2014, les baux dérogatoires conclus à compter du 1er septembre 2014 sont soumis au nouvel article L. 145-5 du code de commerce.

Pour déclarer M. U… occupant sans droit ni titre, après avoir constaté que, le 1er juin 2013, les parties avaient conclu un nouveau bail dérogatoire stipulant que M. U…, qui était dans les lieux en exécution d’un précédent bail dérogatoire, renonçait expressément à se prévaloir du statut des baux commerciaux et que la régularité de cet acte n’était pas contestée, l’arrêt retient qu’à cette date, les parties pouvaient conclure un bail dérogatoire de deux ans sans que l’antériorité du bail précédent n’ait à être prise en compte, que la loi du 18 juin 2014, n’ayant pas d’effet rétroactif, n’a pas remis en cause la situation antérieure de sorte que ne pouvait être prise en compte l’occupation réelle des lieux avant le 1er juin 2013 et le bail conclu le 1er juin 2015, d’une durée d’un an, avait pour effet de porter la durée cumulée des baux pouvant être retenue à trente-six mois, soit la durée maximale désormais autorisée.

En statuant ainsi, alors que, pour pouvoir déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, le bail conclu le 1er juin 2015, postérieurement à l’entrée en vigueur du nouvel article L. 145-5 du code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014, devait répondre aux exigences de ce texte et, par suite, ne pas avoir une durée cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux de plus de trois ans courant à compter de la date d’effet du premier bail dérogatoire, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

CONSOMMATION – SURENDETTEMENT.
Cass., Civ., 2ème, 22 octobre 2020, n° 19-15688.

 

La société fait grief au jugement de constater qu’elle n’a pas qualité à agir et ne justifie pas du fondement de sa créance, d’écarter la créance n° 35550961116 de la procédure de surendettement et de rappeler que cette créance ne pourra faire l’objet de poursuites, alors « que dans les cas où il statue par jugement, le juge du surendettement convoque les parties intéressées ou les invite à produire leurs observations, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; qu’en l’espèce, il résulte du dossier de la procédure que, suite à l’audience du 21 janvier 2019, le service du surendettement du tribunal d’instance de Lens n’a pas régulièrement invité, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la société My Money Bank à produire certaines pièces justificatives ; qu’en constatant que la société My Money Bank n’a pas qualité à agir et ne justifie pas du fondement de sa créance, pour écarter sa créance de la procédure de surendettement, au motif qu’elle n’a produit les pièces en question, cependant que la société My Money Bank n’a pas été régulièrement invitée, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à les produire, la cour d’appel a violé l’article R. 713-4 du code de la consommation. »
Lorsqu’une partie use de la faculté prévue à ce texte, sans comparaître à l’audience, le juge qui, à l’issue de cette audience, entend recueillir des observations de cette partie doit, s’il ne rend pas de jugement avant dire droit, notifié conformément aux dispositions de l’article R. 733-11 du code de la consommation, l’inviter à produire ses observations par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Pour écarter la créance, le juge du tribunal d’instance a statué après que la société eut été invitée, par une lettre simple du greffe, à justifier d’un certain nombre de pièces et à présenter ses observations.
En statuant ainsi, le juge du tribunal d’instance a violé l’article R. 713-4 du code de la consommation.
Au visa de l’article R. 713-4 du code de la consommation, la Cour de cassation casse le jugement d’un tribunal d’instance qui écarte, d’une procédure de surendettement, la créance d’une société faute, pour cette dernière, d’avoir produit les pièces demandées par le juge, alors que cette invitation a été opérée par une lettre simple du greffe et non au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

 

CONSOMMATION – PRET – CAUTION.
Cass., Com., 21 octobre 2020, n°19-11700.

 

Selon l’arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 novembre 2018), par un acte sous seing privé du 7 juin 2004, la société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la SODEGA) a consenti à la société Compagnie Générale de Torréfaction (la société) un prêt d’un montant de 100 000 euros. Par un acte du même jour, Mme M… C…, épouse X…, et M. R… C… se rendus cautions de ce prêt.

La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 27 juillet et 23 novembre 2006, la société financière Antilles Guyane (la SOFIAG), venant aux droits de la SODEGA, a assigné Mme M… C… et M. R… C…, en exécution de leurs engagements. Les cautions ont demandé, reconventionnellement, l’annulation de ceux-ci sur le fondement des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016.

D’une part, après avoir relevé que Mme M… C… et M. R… C… ont, dans l’acte de cautionnement du 7 juin 2004, fait précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante : « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents », l’arrêt en déduit exactement que le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, n’a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l’identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l’engagement, ni n’indique ce que signifie son caractère « solidaire ». L’arrêt retient, en outre, que l’adjectif « indivise » contribue à la confusion et à l’imprécision en ce qu’il constitue un ajout par rapport à la mention légale, et que, de plus, il est impropre, et, en tout état de cause, non défini.

En l’état de ces éléments, la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.

D’autre part, la sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n’est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l’établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n’est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l’établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CEDH.

 

Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

 

 

ETAT D’URGENCE SANITAIRE – VISIO-CONFERENCE – JURIDICTIONS PENALES.
CE, 27 novembre 2020, Ord., Réf., n° 446712 s.

 

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face à la nouvelle progression de l’épidémie de covid-19, une ordonnance du 18 novembre 2020 du Gouvernement a adapté plusieurs règles de procédure pénale afin, selon son article 1er, « de permettre la continuité de l’activité des juridictions pénales essentielle au maintien de l’ordre public ». Plusieurs associations, des ordres d’avocats et un syndicat de magistrats ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre en urgence certaines dispositions de cette ordonnance, en particulier l’extension des possibilités de recours à la visio-conférence (article 2) et la restriction de l’accès du public aux audiences (article 4).

Le juge des référés a suspendu le 27 novembre 2020 la possibilité, résultant de cette ordonnance, de recourir à la visio-conférence après la fin de l’instruction à l’audience devant les juridictions criminelles, c’est-à-dire pendant le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries des avocats.

Il estime en effet que ces dispositions portent une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable. Il relève que, devant la cour d’assises ou la cour criminelle, la gravité des peines encourues et le rôle dévolu à l’intime conviction des magistrats et des jurés confèrent une place spécifique à l’oralité des débats. Il souligne le caractère essentiel, durant le réquisitoire et les plaidoiries, de la présence physique des parties civiles et de l’accusé, en particulier lorsque l’accusé prend la parole en dernier. Dans ces conditions, les contraintes liées à l’épidémie, les avantages de la visio-conférence et les garanties dont elle est entourée ne suffisent pas à justifier l’atteinte ainsi portée aux principes fondateurs du procès criminel et aux droits des personnes physiques parties au procès.

Concernant la possibilité de restreindre l’accès du public à l’audience, si le juge ne suspend pas cette mesure, il précise toutefois qu’elle ne concerne pas les journalistes et qu’il appartient aux magistrats de s’assurer qu’elle est justifiée et proportionnée à la situation sanitaire au moment de l’audience.

 

European Court of Justice

 

 

CONSUMER PROTECTION – DIRECTIVE (EU) 2015/2366 – PAYMENT SERVICES IN THE INTERNAL MARKET – ARTICLE 4(14) – CONCEPT OF ‘PAYMENT INSTRUMENT’ – PERSONALISED MULTIFUNCTIONAL BANK CARDS – NEAR-FIELD COMMUNICATION (NFC) FUNCTIONALITY – ARTICLE 52(6)(A) AND ARTICLE 54(1) – INFORMATION TO BE PROVIDED TO USERS – CHANGE IN THE CONDITIONS OF A FRAMEWORK CONTRACT – TACIT CONSENT – ARTICLE 63(1)(A) AND (B) – RIGHTS AND OBLIGATIONS RELATED TO PAYMENT SERVICES – DEROGATION FOR LOW-VALUE PAYMENT INSTRUMENTS – CONDITIONS UNDER WHICH APPLICABLE – PAYMENT INSTRUMENT THAT DOES NOT ALLOW ITS BLOCKING – PAYMENT INSTRUMENT USED ANONYMOUSLY – LIMITATION OF THE TEMPORAL EFFECTS OF THE JUDGMENT,
ECJ, 11 November 2020, Case C-287/19, DenizBank AG v Verein für Konsumenteninformation.

 

Article 52(6)(a) of Directive (EU) 2015/2366 of the European Parliament and of the Council of 25 November 2015 on payment services in the internal market, amending Directives 2002/65/EC, 2009/110/EC and 2013/36/EU and Regulation (EU) No 1093/2010, and repealing Directive 2007/64/EC, read in conjunction with Article 54(1) thereof, must be interpreted to the effect that it governs the information and conditions to be provided by a payment service provider wishing to agree, with a user of its services, on tacit consent with regard to changes, in accordance with the detailed rules laid down in those provisions, of the framework contract that they have concluded, but does not lay down restrictions regarding the status of the user or the type of contractual terms that may be the subject of such tacit consent, without prejudice, however, where the user is a consumer, to a possible review of the unfairness of those terms in the light of the provisions of Council Directive 93/13/EEC of 5 April 1993 on unfair terms in consumer contracts.

Article 4(14) of Directive 2015/2366 must be interpreted as meaning that the near-field communication (NFC) functionality of a personalised multifunctional bank card, by means of which low-value payments are debited from the associated bank account, constitutes a ‘payment instrument’, as defined in that provision.
Article 63(1)(b) of Directive 2015/2366 must be interpreted as meaning that a contactless low-value payment using the near-field communication (NFC) functionality of a personalised multifunctional bank card constitutes ‘anonymous’ use of the payment instrument in question, within the meaning of that derogation provision.

Article 63(1)(a) of Directive 2015/2366 must be interpreted as meaning that a payment service provider who intends to rely on the derogation provided for in that provision may not simply assert that it is impossible to block the payment instrument concerned or to prevent its continued use, where, in the light of the objective state of available technical knowledge, that impossibility cannot be established.

 

DIRECTIVE 95/46/EC – ARTICLE 2(H) AND ARTICLE 7(A) – REGULATION (EU) 2016/679 – ARTICLE 4(11) AND ARTICLE 6(1)(A) – PROCESSING OF PERSONAL DATA AND PROTECTION OF PRIVATE LIFE COLLECTION AND STORAGE OF THE COPIES OF IDENTITY DOCUMENTS BY A PROVIDER OF MOBILE TELECOMMUNICATIONS SERVICES CONCEPT OF THE DATA SUBJECT’S ‘CONSENT’ – FREELY GIVEN, SPECIFIC AND INFORMED INDICATION OF WISHES – DECLARATION OF CONSENT BY MEANS OF A TICK BOX SIGNING OF THE CONTRACT BY THE DATA SUBJECT – BURDEN OF PROOF.
ECJ, 11 November 2020, Case C-61/19, Orange Romania SA v Autoritatea Naţională de Supraveghere a Prelucrării Datelor cu Caracter Personal (ANSPDCP).

 

Article 2(h) and Article 7(a) of Directive 95/46/EC of the European Parliament and of the Council of 24 October 1995 on the protection of individuals with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data and Article 4(11) and Article 6(1)(a) of Regulation (EU) 2016/679 of the European Parliament and of the Council of 27 April 2016 on the protection of natural persons with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data, and repealing Directive 95/46/EC (General Data Protection Regulation), must be interpreted as meaning that it is for the data controller to demonstrate that the data subject has, by active behaviour, given his or her consent to the processing of his or her personal data and that he or she has obtained, beforehand, information relating to all the circumstances surrounding that processing, in an intelligible and easily accessible form, using clear and plain language, allowing that person easily to understand the consequences of that consent, so that it is given with full knowledge of the facts.

A contract for the provision of telecommunications services which contains a clause stating that the data subject has been informed of, and has consented to, the collection and storage of a copy of his or her identity document for identification purposes is not such as to demonstrate that that person has validly given his or her consent, as provided for in those provisions, to that collection and storage, where
– the box referring to that clause has been ticked by the data controller before the contract was signed, or where
– the terms of that contract are capable of misleading the data subject as to the possibility of concluding the contract in question even if he or she refuses to consent to the processing of his or her data, or where
– the freedom to choose to object to that collection and storage is unduly affected by that controller, in requiring that the data subject, in order to refuse consent, must complete an additional form setting out that refusal.



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