Droit du travail – janvier 2024

membre titulaire du comité social et économique central

Droit du travail – janvier 2024

Paiement d’heures supplémentaires et congés payés – Charge de la preuve.

Dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé :
– apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble ;
– en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence :
– le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail :
– lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif ;
– l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-3 du même code :
– l’employeur tient à la disposition des membres compétents de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail :
– en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies ;
– l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions :
– qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies ;
– il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies ;
– afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Licenciement pour motif disciplinaire – Conversation privée (Facebook).

Egalité de traitement (rémunération) – Non-discrimination (activités syndicales).

Il résulte des articles L. 1224-2, L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail que, si le nouvel employeur est tenu, en cas de transfert en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail :
– de vérifier que le principe d’égalité de traitement en matière de rémunération ou de non-discrimination en raison des activités syndicales du salarié transféré est respecté, au regard de la situation des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale ;
– en tenant compte de l’ancienneté acquise au titre du même contrat de travail auprès des précédents employeurs du salarié transféré ;
– et, le cas échéant, d’accorder à ce salarié un indice de rémunération supérieur à celui dont il bénéficiait avant le transfert de son contrat de travail ;
– l’existence d’une discrimination quant aux conditions de l’évolution de carrière du salarié transféré chez ses précédents employeurs ne saurait être présumée.

Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel :
– a écarté le panel de comparaison produit par un salarié transféré sur lequel figuraient des salariés qui, au 1er juillet 2002 ;
– date du transfert du salarié, étaient déjà managers au statut cadre ou agents de maîtrise chez leurs précédents employeurs ;
– tandis que le salarié était seulement employé de station-service chez son précédent employeur.

Rupture du contrat de travail – Procédure collective.

Aux termes de l’article 10 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, les effets de la procédure d’insolvabilité sur un contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de l’État membre applicable au contrat de travail.

L’action fondée sur l’article L. 1224-1 du code du travail :
– qui a pour objet la poursuite des contrats de travail des salariés ;
– ne requiert pas l’ouverture préalable d’une procédure d’insolvabilité ni l’intervention d’un syndic au sens du règlement (CE) n° 1346/2000 ;
– et ne tend pas au remboursement partiel des créanciers, de sorte qu’elle ne dérive pas directement d’une procédure d’insolvabilité.

C’est dès lors à bon droit qu’une cour d’appel a retenu :
– que le litige relatif à la rupture du contrat de travail pour être intervenue en violation de l’article L. 1224-1 du code du travail ne relevait pas de la procédure d’insolvabilité ouverte sur le territoire italien ;
– mais était régi par la loi de l’Etat membre applicable aux contrats de travail ;
– et en a déduit, après avoir relevé que la loi française était la loi applicable aux contrats de travail des salariés, que les conditions d’un éventuel transfert de ces contrats de travail devaient être examinées au regard de la loi française.

D’abord aux termes de l’article 3, § 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements :
– les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont :
– du fait de ce transfert ;
– transférés au cessionnaire.

Selon l’article 4, § 1, de cette directive, le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire.

Aux termes de l’article 5, § 1, de la même directive :
– sauf si les États membres en disposent autrement ;
– les articles 3 et 4 ne s’appliquent pas au transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement lorsque le cédant fait l’objet d’une procédure de faillite ou d’une procédure d’insolvabilité analogue ouverte en vue de la liquidation des biens du cédant et se trouvant sous le contrôle d’une autorité publique compétente.

Ensuite, aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail :
– lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société de l’entreprise ;
– tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

L’article L.1224-2 du même code précise que le nouvel employeur est tenu :
– à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent ;
– aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf notamment en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Il en résulte :
– d’une part, que l’article L. 1224-1, sous la réserve des dispositions prévues à l’article L. 1224-2 du même code, s’applique au transfert d’une entité économique autonome intervenant à l’occasion d’une procédure collective ;
– et, d’autre part, que le fait qu’une cession ordonnée à l’occasion d’une procédure collective ne concerne que certains des actifs de la société liquidée n’est pas de nature à faire échec à son application.

Rémunération – Panel de comparaison.

Il résulte de l’article L. 2141-5-1 du code du travail et de l’exposé des motifs de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ayant créé ce texte, combinés aux articles L. 3141-24, alinéa 1, L. 3121-63, L. 2241-8, alinéa 1, et L. 2241-9 du code du travail :
– qu’en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariés mentionnés à l’article L. 2141-5-1 du code du travail au moins aussi favorables ;
– la comparaison de l’évolution de leur rémunération, au sens de l’article L. 3221-3 de ce code, au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise ;
– doit être effectuée annuellement.

Secret médical – Documents.

Aux termes de l’article L. 1110-4, alinéa 2, du code de la santé publique, le secret médical couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance :
– du professionnel ;
– de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes ; -et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes.

Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Il résulte de ce texte et de l’article L. 1234-1 du code du travail :
– que la production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée ;
– que lorsqu’elle est indispensable à l’exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi

Inaptitude du salarié – Reclassement.

Il résulte de l’article L. 1226-2-1 du code du travail :
– que lorsque le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ;
– l’employeur n’est pas tenu de rechercher un reclassement au salarié.

Réglementation du travail – Santé et sécurité.

Selon l’article L. 4624-7 du code du travail (rédaction loi n° 2018-217 du 29 mars 2018), le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes en la forme des référés d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4.

Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige.

Le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers.

A la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet.

Le salarié est informé de cette notification.

Il résulte de ces dispositions que le médecin inspecteur du travail n’est tenu de communiquer au médecin mandaté par l’employeur que les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l’exclusion de tout autre élément porté à sa connaissance dans le cadre de l’exécution de sa mission.

Comité social et économique central – Désignation.

Il résulte de l’article L. 2314-37 du code du travail :
– applicable, en l’absence de disposition contraire, au comité social et économique central ;
– que, lorsqu’un membre titulaire du comité social et économique central cesse ses fonctions par suite de son décès, d’une démission, de la rupture du contrat de travail ou de la perte des conditions requises pour être éligible ;
– il est remplacé dans les conditions prévues par ledit article.

Travailleur étranger – Carte de résident.

Il résulte de la combinaison des articles L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (rédaction antérieure loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018) et R. 311-2, 4°, du même code (rédaction antérieure décret n° 2019-141 du 27 février 2019) qu’un étranger :
– titulaire d’une carte de résident ;
– doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d’exercer une activité professionnelle ;
– en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration.

Inaptitude et reclassement du personnel de la SNCF.

Il résulte de la combinaison :
– de l’article 7, §§ 2 et 4, du chapitre 12 du référentiel ressources humaines (RH 0001), portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ;
– de l’article 30 du référentiel RH 0359, relatif au règlement d’assurance-maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF ;
– et du préambule du référentiel RH 360 de la SNCF, relatif à l’inaptitude et au reclassement, dans sa version applicable à compter du 1er juillet 2012 ;
– que lorsque l’agent est déclaré en invalidité et que le médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF estime que l’intéressé est dans l’impossibilité de reprendre un emploi, l’employeur n’est pas tenu de rechercher un reclassement.

Rémunération – Indemnité de congés payés.

S’il est possible :
– d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient ;
– cette inclusion doit résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible ;
– ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.

La rémunération versée pendant les périodes de congés payés et de fermeture du cabinet :
– correspondant non à l’indemnité de congé ;
– mais, en raison du lissage annuel, au paiement des heures de travail ;
– c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que la salariée pouvait prétendre à un rappel de salaire au titre des congés payés et de la période de fermeture de l’établissement excédant les cinq semaines de congés légaux ;
– peu important que cette rémunération soit supérieure aux minima légal et conventionnel.

Licenciement – Période de protection.

Il résulte de l’article L. 1225-4 du code du travail (rédaction loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l’article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992) :
– qu’il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte ;
– mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

Ainsi, l’employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection :
– notamment en envoyant la lettre de convocation à l’entretien préalable ;
– un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période. 

Transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise

Ce texte, qui porte transposition de l’ANI du 10 février 2023 vise à : – renforcer le dialogue social sur les classifications des emplois ; – faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur ; – simplifier la mise en place de dispositifs de partage et développer l’actionnariat salarié.

Deux mesures visent à généraliser les dispositifs de partage de la valeur :
– les entreprises de moins de 50 salariés pourront mettre en place à titre volontaire un dispositif de participation de branche ou d’entreprise pouvant être moins favorable que la formule légale. D’ici le 30 juin 2024, les branches professionnelles devront ouvrir une négociation en ce sens.
– à partir du 1er janvier 2025, les entreprises de 11 à 49 salariés devront mettre en place au moins un dispositif de partage de la valeur dès lors qu’elles sont profitables (bénéfice net fiscal d’au moins 1% de leur chiffre d’affaires pendant trois exercices consécutifs). Les entreprises déjà couvertes par un dispositif de partage, les entreprises individuelles et les sociétés anonymes à participation ouvrière (SAPO) s ne sont pas concernées. Les dispositions sont mises en place pour cinq ans.

La loi instaure une nouvelle obligation de négocier sur les bénéfices exceptionnels pour les entreprises de 50 salariés et plus disposant d’un ou plusieurs délégués syndicaux. Les entreprises déjà couvertes par un accord d’intéressement ou de participation devront engager une négociation d’ici le 30 juin 2024 sur la définition de leur bénéfice exceptionnel et comment il sera partagé avec les salariés.

Le texte facilite aussi le versement de la prime de partage de la valeur (PPV) qui pourra être attribuée deux fois par an dans la limite des plafonds totaux d’exonération (3 000 euros ou 6 000 euros), d’une part, et être placée sur un plan d’épargne salariale, d’autre part. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la prime restera, pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic, exonérée de cotisations fiscales et sociales ainsi que d’impôt sur le revenu jusqu’au 31 décembre 2026.

Un nouveau dispositif facultatif dénommé “plan de partage de la valorisation de l’entreprise” pourra être mis en place pour trois ans par accord et devra bénéficier à tous les salariés ayant au moins un an d’ancienneté, sauf accord d’entreprise plus favorable. En cas de hausse de la valeur de l’entreprise lors des trois années de durée du plan, les salariés pourront bénéficier d’une “prime de partage de la valorisation de l’entreprise” qui pourra être placée sur un plan d’épargne salariale.

Une ouverture plus grande de portion du capital aux salariés actionnaires est rendue possible.

Des dispositions pour promouvoir une épargne verte, solidaire et responsable complètent le texte.



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