NEWSLETTER – MAI 2015

NEWSLETTER – MAI 2015

Droit du travail et sécurité sociale

 

  • Convention de rupture du contrat de travail – Transaction. Cour de cassation, Soc.,  25 mars 2015, N°13-23368.

  1. X… a été engagé le 3 juillet 1965 par l’Union agricole des Pays de Loire en qualité de technicien viticole. Au dernier état de la relation de travail, il occupait les fonctions de directeur de production et directeur de sites viti-vinicoles. Les parties ont signé le 22 juillet 2009 une convention de rupture du contrat de travail fixant la fin de la relation de travail au 31 août 2009, homologuée par l’autorité administrative le 12 août 2009. Elles ont, entre le 22 juillet et le 28 août 2009, conclu une transaction destinée à mettre fin à toute contestation résultant de la conclusion, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. Le salarié a été licencié le 11 septembre 2009 pour faute lourde. Il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de l’indemnité prévue à la transaction.

Il résulte de l’application combinée des articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail, ensemble l’article 2044 du code civil, qu’un salarié et un employeur ayant signé une convention de rupture ne peuvent valablement conclure une transaction, d’une part, que si celle-ci intervient postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité administrative, d’autre part, que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture.

Pour débouter l’employeur de sa demande en annulation de la transaction et accueillir la demande du salarié en paiement d’une somme au titre de cette transaction, l’arrêt, après avoir relevé, par motifs adoptés, que celle-ci a été signée entre le 22 juillet 2009, date de signature de la rupture conventionnelle et le 12 août 2009, date d’homologation de celle-ci, retient, par motifs propres, d’une part qu’un différend s’étant élevé au sujet de cette rupture conventionnelle, les parties ont entendu régler de façon globale, forfaitaire et définitive tous litiges pouvant se rattacher à l’exécution du contrat de travail et à la rupture de celui-ci, et que moyennant le paiement d’une indemnité, ce salarié a renoncé à contester le principe et les modalités de la rupture conventionnelle, ensuite que la nullité d’une transaction résultant du fait qu’elle a été conclue avant la date de la rupture du contrat de travail est une nullité relative qui ne peut pas être invoquée par l’employeur.

En statuant ainsi, alors que les parties à la rupture conventionnelle ne peuvent, pour remettre en cause celle-ci, éluder l’application des dispositions de l’article L. 1237-14 du code du travail prévoyant la saisine du conseil de prud’hommes et qu’il résultait de ses constatations que la transaction avait notamment pour objet de régler un différend relatif à la rupture du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

  • Clause de non concurrence – Discrimination salariale. Cour de cassation, Soc.,  25 mars 2015, N°14-10149.

 

Mme X… a été engagée le 15 septembre 2003 en qualité d’ingénieur commercial par la société Sword. Son contrat de travail comportait en son article 4 une clause dite de non concurrence. A l’issue du congé de maternité dont la salariée a bénéficié du 18 avril 2009 au 7 août 2009, les parties ont convenu le 10 août d’une rupture conventionnelle, qui a fait l’objet d’une homologation par l’autorité administrative le 7 septembre 2009. La salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives tant à l’exécution de son contrat de travail qu’à la rupture de celui-ci.

Pour débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour discrimination salariale, l’arrêt retient par motifs propres que l’intéressée travaillait en Rhône-Alpes et M. Y… dans le secteur de Rennes et du grand ouest, ce dont il résultait que leurs situations n’étaient pas comparables et par motifs adoptés que l’employeur a deux modes de rémunération pour ses ingénieurs commerciaux : un fixe pour ceux qui doivent prendre une clientèle existante, un fixe plus une variable pour ceux qui démarrent une clientèle et qui doivent la développer et que si M. Z…, un homme, qui exerce sur Lyon, n’a jamais eu de rémunération variable, Mmes A… et B…, deux femmes, sont rémunérées avec un fixe plus une variable, ce qui démontre qu’il n’y a pas de discrimination sexiste au sein de la société.

En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans se livrer à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités de l’intéressée avec celles des autres ingénieurs commerciaux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale  au regard des articles L. 3221-2, L. 3221-3 et L. 3221-8 du code du travail.  

 

  • Reclassement du salarié – Obligation légale de consultation des délégués du personnel. Cour de cassation, Soc.,  25 mars 2015, N°13-28229.

Il résulte de l’article L. 1226-10 du code du travail que l’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié doit être recueilli après que l’inaptitude du salarié en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle a été constatée, dans les conditions prévues par l’article R. 4624-31 du code du travail, et avant la proposition à l’intéressé d’un poste de reclassement approprié à ses capacités.

 

  1. Z…, engagé le 17 juin 2002 par la société Ducros express aux droits de laquelle se trouve la société Mory Ducros, a été en arrêt maladie à compter du 1er juillet 2010 et déclaré, à l’issue de deux examens médicaux des 15 et 29 octobre 2010, inapte à son poste. Ayant été licencié le 19 janvier 2011, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et au titre d’un licenciement abusif. La société Mory Ducros a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, M. Y…étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Pour débouter le salarié de ses demandes, l’arrêt retient que deux postes de type administratif correspondant aux préconisations du médecin du travail ont été proposés à l’intéressé le 22 novembre 2010 sans consultation des délégués du personnel, que celui-ci a refusés, que la caisse primaire d’assurance maladie n’a notifié au salarié et à l’employeur que le 7 décembre 2010 sa décision de prise en charge de la pathologie du salarié à l’origine de son inaptitude au titre d’une maladie professionnelle, et que l’employeur, en convoquant le 17 décembre 2010 les délégués du personnel pour recueillir leur avis sur les recherches de reclassement, a donc respecté, non seulement son obligation légale de reclassement, mais aussi la formalité substantielle de consultation des délégués du personnel.

En statuant ainsi, alors qu’il appartenait à l’employeur, dès lors qu’il avait connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude, de respecter l’obligation légale de consultation des délégués du personnel antérieurement aux éventuelles propositions de reclassement, et qu’il ressortait de ses constatations que les délégués du personnel avaient été consultés postérieurement aux offres de reclassement du salarié, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

  • Conducteur routier – Décompte du temps de travail. Cour de cassation, Soc.,  25 mars 2015, N°13-22043.

  1. X… a été engagé le 17 mai 2004 par la société Roulleau, devenue la société Rouxel béton, en qualité de conducteur grand routier. Il a, le 8 avril 2008, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur et saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes

Aux termes de l’article 4 du décret n° 2007-13 du 4 janvier 2007, en l’absence d’accord conclu dans le cadre des dispositions de l’article L. 212-8 ancien du code du travail, la durée hebdomadaire du travail des personnels roulants peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, sans pouvoir dépasser trois mois, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s’ils existent.

Pour condamner l’employeur au paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période postérieure au 5 janvier 2007, l’arrêt, après avoir constaté que la société Rouxel Béton produisait un procès-verbal de réunion du comité d’entreprise du 2 avril 2007 précisant que « la direction maintient son calcul des temps sur trois mois bien que le secrétaire du CE émette un avis contraire », retient que l’employeur a mis en place une modulation du temps de travail sur l’année sans accord express du salarié et sans négociation avec les organisations représentatives du personnel, que ce système ne peut être validé et que seul un décompte hebdomadaire du temps de travail doit être pris en compte.

En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur était fondé, nonobstant la mise en place d’une modulation illicite, à décompter le temps de travail sur trois mois, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé.

 

  • Rupture du contrat de travail – Contrat de sécurisation professionnelle. Cour de cassation, Soc., 17 mars 2015, N°13-26941.

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié, en application du premier des textes susvisés, lorsque le délai dont dispose le salarié pour faire connaître sa réponse à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail.

Lorsqu’un salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail intervient à l’expiration du délai dont il dispose pour prendre parti.

 

  • Clause de non-concurrence – Délai de renonciation. Cour de cassation, Soc., 11 mars 2015, N°13-22257.
  1. X… a été engagé par la société Delta en qualité de responsable technico-commercial, à compter du 2 novembre 2000. L’employeur a libéré le salarié de son obligation de non-concurrence par lettre du 7 avril 2010. L’intéressé, licencié le 28 juin 2010, a saisi la juridiction prud’homale.

La clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière, est stipulée dans l’intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l’employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l’exécution de cette convention.

 

 

  • Travail temporaire – Contrat de travail. Cour de cassation, Soc., 11 mars 2015, N° 12-27855.

 

Mme X… a été engagée par la société Randstad, société de travail intérimaire, (la société) dans le cadre de divers contrats de mission pour sa mise à disposition des sociétés Air France et Air France KLM. La salariée a saisi la juridiction prud’homale.

Sous réserve d’une intention frauduleuse du salarié, le non-respect par l’entreprise de travail temporaire de l’une des prescriptions des dispositions de l’article L. 1251-16 du code du travail, lesquelles ont pour objet de garantir qu’ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d’œuvre est interdite, implique la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.

La  cour d’appel, qui a constaté l’absence de mention sur le contrat de travail signé le 26 mars 2006 de l’indemnité de fin de mission, a légalement justifié sa décision.

 

  • Loi applicable au contrat de travail – Sécurité sociale. Cour de cassation, Soc., 3 mars 2015, N° 13-24194.
  1. X… a été engagé en qualité d’attaché commercial par la société de droit marocain Banque centrale populaire (BCP) à compter du 2 janvier 1969, en vertu d’une lettre d’engagement du 6 février 1969, et a été envoyé en France, le 18 février 1969, pour remplir des fonctions de chef de service et de responsable régional adjoint, où il a travaillé jusqu’à sa mise à la retraite le 30 juin 2004. Il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

A défaut de choix par les parties de la loi applicable, le contrat de travail est régi, sauf s’il présente des liens plus étroits avec un autre pays, par la loi du pays où le salarié en exécution du contrat accomplit habituellement son travail.

En statuant comme elle l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que les parties n’avaient pas choisi, lorsque le salarié est venu exercer son activité en France, de continuer de soumettre leurs relations contractuelles à la loi marocaine et que, lors de la rupture du contrat, le salarié était depuis trente-cinq ans en France où il avait fixé le centre de ses intérêts de manière stable, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé  les articles L. 1221-1 et L. 1221-3 du code du travail et 3 du code civil.

Il résulte de l’article 3 de la convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965 entre la France et le Maroc, applicable à l’époque des faits, que les travailleurs salariés occupés sur le territoire de l’une des parties contractantes sont soumis aux législations en vigueur de leur lieu de travail et qu’il n’est fait exception à ce principe que pour un travailleur salarié qui, étant au service d’une entreprise ayant sur le territoire de l’un des Etats un établissement dont il relève normalement, est détaché par cette entreprise sur le territoire de l’autre Etat pour y effectuer un travail pour cette entreprise à condition que la durée prévisible du détachement n’excède pas trois ans, période éventuellement renouvelable pour trois ans maximum.

En statuant comme elle l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que la BCP avait muté M. X… en France le 18 février 1969 et l’y a fait travailler pendant trente-cinq ans, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 3 de la convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965 entre la France et le Maroc.

 

 

  • Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail  – Action contre l’employeur. Cour de cassation, Soc., 3 mars 2015, N° 13-26258.

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l’entreprise ainsi qu’à l’amélioration de leurs conditions de travail, et qui est doté dans ce but de la personnalité morale, est en droit de poursuivre contre l’employeur la réparation d’un dommage que lui cause l’atteinte portée par ce dernier à ses prérogatives.

 

  • Rupture conventionnelle – Entretien préalable. Cour de cassation, Soc., 3 mars 2015, N° 13-23348.

La signature par les parties d’une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription prévue par l’article L. 1332-4 du code du travail.

La cour d’appel, qui a souverainement retenu que l’employeur ne justifiait pas n’avoir eu connaissance des absences reprochées, dont la dernière était du 11 septembre 2010, que dans les deux mois ayant précédé la convocation, le 16 novembre 2010, à l’entretien préalable, en a exactement déduit la prescription des faits fautifs.

 

  • Rupture conventionnelle – Comportement du salarié – Faute grave. Cour de cassation, Soc., 3 mars 2015, N°13-15551.

Engagé par la société Bicbo Soredis selon contrat du 2 novembre 2000 en qualité de promoteur des ventes, M. X… a été convoqué pour le 7 juin 2010 à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Ayant signé ce même jour une convention de rupture du contrat de travail, il a exercé son droit de rétractation par lettre du 16 juin 2010. Convoqué par lettre du 21 juin 2010 à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 juin suivant, il a été licencié pour faute grave par lettre du 1er juillet 2010.

La signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire.

Il s’ensuit que si le salarié exerce son droit de rétractation de la rupture conventionnelle, l’employeur est fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation du salarié à un nouvel entretien préalable dans le respect des dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail et à prononcer une sanction, y compris un licenciement pour faute grave.

Ayant relevé que M. X…, commercial expérimenté, avait insulté un fournisseur, avait quitté les lieux malgré l’ordre de son supérieur hiérarchique et que ses débordements comportementaux étaient réitérés et imprévisibles, la cour d’appel a pu en déduire, en dépit de l’absence de reproche antérieur et de l’ancienneté de ce salarié, l’existence de faits rendant impossible son maintien dans l’entreprise et constituant une faute grave.

 

  • Rupture conventionnelle – Clause de non-concurrence. Cour de cassation, Soc., 3 mars 2015, N° 13-20549.

Lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue.

Aux termes de l’article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture conclue entre un employeur et un salarié fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par l’autorité administrative. Il en résulte que, lorsque le contrat de travail prévoit que l’employeur pourra libérer le salarié de l’interdiction de concurrence soit à tout moment au cours de l’exécution du contrat soit à l’occasion de sa cessation au plus tard dans la lettre notifiant le licenciement ou le jour même de la réception de la démission, c’est, en cas de rupture conventionnelle, la date de la rupture fixée par la convention de rupture qui détermine le respect par l’employeur du délai contractuel.

Droit des affaires, concurrence, distribution et consommation

  • Liquidation judiciaire – Vente d’un immeuble. Cour de cassation, Com., 24 mars 2015, N°14-10175.

Le débiteur peut opposer à son liquidateur la déclaration d’insaisissabilité qu’il a effectuée avant d’être mis en liquidation judiciaire.

  1. X… a été mis en liquidation judiciaire le 16 novembre 2011. Le liquidateur a saisi le juge-commissaire en vue d’être autorisé à poursuivre la vente par adjudication judiciaire d’un bâtiment agricole, aménagé pour partie en habitation, déclaré insaisissable par M. X… par acte notarié du 27 février 2010. Pour confirmer l’ordonnance accueillant la demande du liquidateur, l’arrêt, après avoir énoncé que la déclaration d’insaisissabilité n’est opposable qu’aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette déclaration et à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant, constate que M. X… ne conteste pas avoir des dettes personnelles antérieures à la déclaration d’insaisissabilité puis retient que l’existence d’un créancier admis à qui est inopposable la déclaration d’insaisissabilité du bien est suffisante pour que les poursuites puissent s’exercer sur l’immeuble.

En statuant ainsi, alors que le juge-commissaire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, autoriser le liquidateur à procéder à la vente d’un immeuble dont l’insaisissabilité lui était opposable, la cour d’appel a consacré un excès de pouvoir et violé l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

 

  • Prêt bancaire – Caution solidaire. Cour de cassation, Com., 24 mars 2015, N°13-16076.

Mme X… Y… (la caution) s’est rendue caution solidaire du remboursement de prêts souscrits auprès de la Banque populaire Bourgogne Franche-Comté (la banque) et du solde du compte courant ouvert dans ses livres par l’EURL X…(l’EURL) qu’elle dirigeait. Le 20 février 2008, la banque a adressé à l’EURL une lettre confirmant son accord pour un règlement échelonné du solde débiteur du compte jusqu’au 20 septembre 2009. Le 24 novembre 2008, elle a réclamé à l’EURL la restitution des moyens de paiement mis à sa disposition. Le 8 décembre suivant, l’EURL a été mise en liquidation judiciaire. La banque a assigné la caution en paiement de diverses sommes. Celle-ci, soutenant que la banque avait commis une faute dans la rupture de ses concours, a recherché sa responsabilité.

En premier lieu, ayant relevé que, si des dépassements de l’autorisation de découvert étaient intervenus entre les mois de février et décembre 2008 pour les sommes de 739, 86 euros au 31 juillet, 478, 61 euros au 29 septembre, 586, 28 euros au 31 octobre et 883, 81 euros au 28 novembre, ceux-ci n’étaient pas systématiques et que l’EURL avait continué à rembourser les échéances des prêts, puis constaté que le 31 décembre 2008 le solde débiteur de son compte bancaire avait été ramené à celui du découvert autorisé, la cour d’appel ne s’est pas placée à une date postérieure à la dénonciation du concours pour apprécier le caractère irrémédiablement compromis de la situation de l’EURL.

En second lieu, sauf stipulation contractuelle, une ouverture de crédit consentie à une entreprise pour une durée déterminée ne peut être réduite ou interrompue avant son terme que dans les cas prévus par l’article L. 313-12, alinéa 2, du code monétaire et financier. Si c’est à tort qu’après avoir constaté que la banque ne rapportait pas la preuve du caractère irrémédiablement compromis de la situation de l’EURL, la cour d’appel en a déduit qu’elle était tenue de respecter le délai de préavis de soixante jours fixé par l’alinéa premier de ce texte, qui ne concerne que les concours à durée indéterminée, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure dès lors que n’était invoquée aucune autre cause de rupture anticipée.

Pour rejeter l’intégralité des demandes en remboursement de la banque, l’arrêt retient que la caution est fondée à invoquer la rupture fautive des concours accordés.

En statuant ainsi, alors que la caution est tenue, en vertu du caractère accessoire de son engagement, de payer à la banque le montant des sommes restant dues par le débiteur principal, la créance de dommages-intérêts détenue par la première à l’égard de la seconde ne pouvant donner lieu qu’à compensation, la cour d’appel a violé  l’article 1147 du code civil.

Après avoir retenu que la banque avait fautivement rompu les concours consentis à l’EURL, l’arrêt la condamne à payer à la caution la somme de 90 000 euros au titre de la perte de valeur du fonds de commerce.

En statuant ainsi, alors que le préjudice ainsi réparé n’est pas subi par la caution mais par l’EURL, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil.

 

  • Redressement et liquidation judiciaires – Mandataire et administrateurs judiciaires. Cour de cassation, Com., 10 mars 2015, N°13-21711.

L’obligation faite par l’article L. 811-15, alinéa 1, du code de commerce à l’administrateur judiciaire suspendu de s’abstenir de tout acte professionnel, rendue applicable au mandataire judiciaire par l’article L. 812-9 du même code, lui interdit d’exercer des mandats de justice, peu important qu’il n’en ait pas été déchargé par les juridictions mandantes. L’acte de procédure accompli en violation de cette obligation n’encourt pas la nullité facultative prévue par l’article L. 811-15, alinéa 2, dudit code mais est entaché d’une irrégularité de fond relevant des dispositions des articles 117 et suivants du code de procédure civile.

 

  • Consommation – Crédit en compte courant  – Intérêts. Cour de cassation, Com., 10 mars 2015, N°14-11616.

En cas d’ouverture de crédit en compte courant, la mention sur les relevés périodiques de compte du taux effectif global régulièrement calculé pour la période écoulée vaut information de ce taux pour l’avenir à titre indicatif, et, suppléant l’irrégularité du taux figurant dans le contrat initial, emporte obligation, pour le titulaire du compte, de payer les intérêts au taux conventionnel à compter de la réception sans protestation ni réserve de cette information, même si le taux effectif global constaté a posteriori, peu important qu’il soit fixe ou variable, est différent de celui qui a été ainsi communiqué, la cour d’appel a violé les articles 1907 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation.

Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

 

  • Etrangers – Demande d’asile – Délais pour statuer. Conseil d’État, N° 380489, 2ème/ 7ème SSR, 27 février 2015.

   
Il appartient, en principe, à la Cour nationale du droit d’asile, qui est saisie d’un recours de plein contentieux, non d’apprécier la légalité de la décision du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui lui est déférée, mais de se prononcer elle-même sur le droit de l’intéressé à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire au vu de l’ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle statue

Toutefois, lorsque le recours dont est saisie la Cour est dirigé contre une décision du directeur général de l’Office qui a statué sur une demande d’asile sans procéder à l’audition du demandeur prévue par l’article L. 723-3, il revient à la Cour, eu égard au caractère essentiel et à la portée de la garantie en cause, si elle juge que l’Office n’était pas dispensé par la loi de convoquer le demandeur à une audition et que le défaut d’audition est imputable à l’Office, d’annuler la décision qui lui est déférée et de renvoyer l’examen de la demande d’asile à l’Office, sauf à ce qu’elle soit en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle.

S’il revient à la Cour de s’assurer que la convocation a été adressée par l’Office en temps utile pour permettre à l’intéressé de se rendre à l’entretien, l’appréciation portée sur ce point par la Cour doit tenir compte, le cas échéant, de la circonstance que l’Office est saisi dans le cadre de la procédure prioritaire prévue par le second alinéa de l’article L. 723-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui impose, en principe, à l’Office de statuer dans les délais brefs prévus par l’article R. 723-3 du même code.

 

  • Réfugiés – Rapprochement familial – Filiation. Cour Administrative d’Appel de Nantes , N° 14NT00474, 5èmechambre, 27 février 2015.

A l’appui de la contestation du refus de délivrer un visa de long séjour motif tiré du défaut d’établissement de la filiation entre le demandeur de visa et la personne résidant en France, est inopposable et dépourvu de caractère probant un document présenté comme constituant les résultats de tests d’identification par les empreintes génétiques, dès lors que cette identification n’a été conduite, ni dans les conditions prévues, à l’article 16-11 du code civil, par la loi française, ni dans les conditions prévues par une loi étrangère présentant des garanties équivalentes à celles de la loi française.

En l’espèce, une ressortissante togolaise ayant obtenu en France la reconnaissance de la qualité de réfugiée demandait, au titre de la procédure de rapprochement familial d’un réfugié statutaire, l’introduction en France de deux enfants pour laquelle l’autorité consulaire française au Togo refusait de délivrer des visas de long séjour à ces deux personnes, au motif que leur filiation n’est pas établie.

 

  • Etrangers – Droit d’asile – Rétention administrative – Délai. Tribunal des Conflits, N° C3986,  9 février 2015.

En vertu des articles L. 552-1 et L. 552-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), la prolongation de la rétention administrative d’un étranger, dans la limite de deux fois vingt jours, est subordonnée à des décisions du juge judiciaire. Il résulte des réserves d’interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution de ces dispositions législatives, dans ses décisions n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 et n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, qu’il appartient au juge judiciaire de mettre fin, à tout moment, à la rétention administrative, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient. Il en résulte que le juge judiciaire est seul compétent pour mettre fin à la rétention lorsqu’elle ne se justifie plus pour quelque motif que ce soit.

Pour juger qu’il résulte des articles L. 552-1 et L. 552-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que le juge judiciaire est compétent pour connaître d’une demande tendant à ce qu’il soit mis fin à la rétention administrative d’un étranger, le Tribunal des conflits se fonde expressément sur la réserve d’interprétation dont le Conseil constitutionnel avait assorti ces dispositions dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 et qui s’impose à toute les autorités administratives et juridictionnelles en vertu de l’article 62 de la Constitution.

La seule constitution d’un avocat en vue d’une intervention volontaire qui n’est ni accompagnée ni suivie d’observations écrites ne constitue pas une intervention sur l’admission de laquelle il y aurait lieu de statuer.

Saisi en prévention de conflit négatif pour déterminer l’ordre de juridiction compétent pour examiner une demande tendant à ce qu’il soit mis fin à la rétention administrative d’un étranger, le Tribunal des conflits, après avoir jugé que le litige ressortit à la juridiction judiciaire, constate que les délais légaux de rétention administrative sont expirés et dit n’y avoir lieu à renvoyer les parties devant cette juridiction.

 

Court of Justice of the European Union

  • Reference for a preliminary ruling — Directive 2005/29/EC — Unfair commercial practices — Erroneous information provided by a telecommunications undertaking to one of its subscribers which has resulted in additional costs for the latter — Classification as a ‘misleading commercial practice. ECJ, 16 April 2015, Case C388/13, UPC Magyarország Kft.

Directive 2005/29/EC of the European Parliament and of the Council of 11 May 2005 concerning unfair business-to-consumer commercial practices in the internal market and amending Council Directive 84/450/EEC, Directives 97/7/EC, 98/27/EC and 2002/65/EC of the European Parliament and of the Council and Regulation (EC) No 2006/2004 of the European Parliament and of the Council (‘Unfair Commercial Practices Directive’) must be interpreted as meaning that the communication, by a professional to a consumer, of erroneous information, such as that at issue in the main proceedings, must be classified as a ‘misleading commercial practice’, within the meaning of that directive, even though that information concerned only one single consumer.

Directive 2005/29 must be interpreted as meaning that, if a commercial practice meets all of the criteria specified in Article 6(1) of that directive for classification as a misleading practice in relation to the consumer, it is not necessary further to determine whether such a practice is also contrary to the requirements of professional diligence, as referred to in Article 5(2)(a) of that directive, in order for it legitimately to be regarded as unfair and, consequently, prohibited in accordance with Article 5(1) of that directive.

 

  • Reference for a preliminary ruling — Male and female workers — Equal treatment in matters of social security — Directive 79/7/EEC — Article 4 — Directive 97/81/EC — UNICE, CEEP and ETUC Framework Agreement on part-time work — Calculation of benefit — System for inclusion of contribution gaps — Part-time workers and full-time workers. ECJ, 14 April 2015, Case C527/13, Lourdes Cachaldora Fernández.

Article 4(1) of Council Directive 79/7/EEC of 19 December 1978 on the progressive implementation of the principle of equal treatment for men and women in matters of social security must be interpreted as not precluding a rule of national law which provides that the contribution gaps existing within the reference period for calculating a contributory invalidity pension, after a period of part-time employment, are taken into account by using the minimum contribution bases applicable at any time, reduced as a result of the reduction coefficient of that employment, whereas, if those gaps follow full-time employment, there is no provision for such a reduction.

The Framework Agreement on part-time work, concluded on 6 June 1997, set out in the Annex to Council Directive 97/81/EC of 15 December 1997 concerning the Framework Agreement on part-time work concluded by UNICE, CEEP and the ETUC, as amended by Council Directive 98/23/EC of 7 April 1998, must be interpreted as not applying to legislation of a Member State which provides that the contribution gaps existing within the reference period for calculating a contributory invalidity pension, after a period of part-time employment, are taken into account by using the minimum contribution bases applicable at any time, reduced as a result of the reduction coefficient of that employment, whereas, if those gaps follow full-time employment, there is no provision for such a reduction.

 

  • Reference for a preliminary ruling — Social policy — Directive 2008/104/EC — Temporary agency work — Article 4(1) — Prohibitions or restrictions on the use of temporary agency work — Justification — Grounds of general interest — Obligation to review — Scope. ECJ, 17 March 2015, Case C533/13, Auto- ja Kuljetusalan Työntekijäliitto AKT.

Article 4(1) of Directive 2008/104/EC of the European Parliament and of the Council of 19 November 2008 on temporary agency work must be interpreted as meaning that:

-the provision is addressed only to the competent authorities of the Member States, imposing on them an obligation to review in order to ensure that any potential prohibitions or restrictions on the use of temporary agency work are justified, and, therefore,

-the provision does not impose an obligation on national courts not to apply any rule of national law containing prohibitions or restrictions on the use of temporary agency work which are not justified on grounds of general interest within the meaning of Article 4(1).

 

  • Reference for a preliminary ruling — Statute of the European Schools — Competence of the Complaints Board of the European Schools to rule on a fixed-term employment contract entered into between a European school and a teacher not posted or seconded by a Member State. ECJ, 11 March 2015, Joined Cases C464/13 and C465/13, Europäische Schule München v. Silvana Oberto,  Barbara O’Leary.

The first sentence of the first subparagraph of Article 27(2) of the Convention defining the Statute of the European Schools, concluded in Luxembourg on 21 June 1994 between the Member States and the European Communities, must be interpreted as meaning that part-time teachers employed by a European school who are not seconded by the Member States are among the persons covered by that provision, unlike the administrative and ancillary staff, who are excluded from it.

The first sentence of the first subparagraph of Article 27(2) of the Convention defining the Statute of the European Schools must be interpreted as not precluding an agreement concerning the fixed-term nature of the employment relationship, contained in the employment contract concluded between the school and the part-time teacher, from being regarded as constituting an act adversely affecting that part-time teacher.

The first sentence of the first subparagraph of Article 27(2) of the Convention defining the Statute of the European Schools must be interpreted as not precluding an act carried out by the headteacher of a European school in the exercise of his powers from coming, in principle, within the scope of that provision. Points 1.3, 3.2 and 3.4 of the Conditions of Employment for Part-time Teachers recruited between 1 September 1994 and 31 August 2011 must be interpreted as meaning that a dispute concerning the legality of an agreement on limiting the duration of the employment relationship included in the employment contract concluded between a part-time teacher and that headteacher comes within the exclusive jurisdiction of the Complaints Board of the European Schools.

  • Reference for a preliminary ruling — Social security — Regulation (EEC) No 1408/71 — Agreement between the European Community and its Member States, of the one part, and the Swiss Confederation, of the other, on the free movement of persons — National of a Member State, in which he resides, employed on a pipe-laying vessel flying the flag of another third State — Person initially employed by an undertaking established in the Netherlands and subsequently by an undertaking established in Switzerland — Work performed, in succession, on the continental shelf adjacent to a third State, in international waters and in the part of the continental shelf adjacent to certain Member States — Scope ratione personae of Regulation No 1408/71 — Determination of the legislation applicable. ECJ, 19 March 2015, Case C266/13, L. Kik.

Regulation (EEC) No 1408/71 of the Council of 14 June 1971 on the application of social security schemes to employed persons, to self-employed persons and to members of their families moving within the Community, in the version amended and updated by Council Regulation (EC) No 118/97 of 2 December 1996, as amended by Council Regulation (EC) No 307/1999 of 8 February 1999, must be interpreted to the effect that the persons covered by it include an employed person who, like Mr Kik, is a national of a Member State, in which he resides and in which his income is subject to tax, is employed on a pipe-laying vessel flying the flag of a third State and operating in various parts of the world, in particular above the part of the continental shelf adjacent to certain Member States, was previously employed by an undertaking established in his Member State of residence, changes employer and thereafter is employed by an undertaking established in Switzerland, whilst continuing to reside in the same Member State and to sail on the same vessel.

The provisions determining the national legislation applicable, which are contained in Title II of Regulation No 1408/71, must be interpreted as meaning that a national of a Member State, or of the Swiss Confederation (a State treated as a Member State for the purposes of applying the regulation), who is employed on board a vessel flying the flag of a third State and carries out his activities outside the territory of the European Union — including above the continental shelf of a Member State — but who is employed by an undertaking established in the Swiss Confederation, is subject to the legislation of the State in which his employer is established. However, in circumstances such as those of the main proceedings, if, pursuant to Regulation No 1408/71, that legislation entails him being insured under a voluntary insurance scheme or not being insured under any social security scheme, that national will be subject to the legislation of his Member State of residence.

 



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