Absence de présomption générale de justification des différences de traitement opérées par voie d’accord collectif

Absence de présomption générale de justification des différences de traitement opérées par voie d’accord collectif

Par son arrêt en date du 3 avril 2019 (Pourvoi 17-11.970), la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur le moyen tendant à la reconnaissance d’une présomption générale de justification des différences de traitement opérées par voie d’accord collectif.

Les accords collectifs sont soumis au principe d’égalité de traitement.

Le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union Européenne, désormais consacré aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la réglementation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (CJUE, arrêt du 9 mars 2017, Milkova, C-406/15, point 55).

En application de ces principes, en Droit français, les différences de traitement que les accords collectifs instaurent entre les salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage considéré doivent reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence (Soc., 1 juillet 2009, pourvoi n° 07-42.675, Bull. 2009, V, n° 168).

Dans la mesure où elles sont opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, la Cour de Cassation a été conduite à reconnaître que les différences de traitement entre catégories professionnelles sont présumées justifiées.

Il appartient donc à celui qui conteste ces différences de traitement de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-14.773, 13-14.908, Bull. 2015, V, n° 8, Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-22.179, Bull. 2015, V, n° 9 et Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-25.437, Bull. 2015, V, n° 10).

En vertu de la même considération, la Cour de Cassation a établi des présomptions identiques de justification des différences de traitement :

– entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d’accord collectif (Soc., 8 juin 2016, pourvoi n° 15-11.324, Bull. 2016, V, n° 130),
– entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accord d’entreprise (Soc., 4 octobre 2017, pourvoi n° 16-17.517, Bull. 2017, V, n° 170),
– ainsi que, de manière spécifique, entre des salariés appartenant à la même entreprise de nettoyage mais affectés à des sites ou établissements distincts, opérées par voie d’accord collectif (Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 17-12.925, en cours de publication).

La Cour de cassation a également jugé également que les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (Soc., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-18.444, Bull. 2016, V, n° 206).

Or, la reconnaissance d’une présomption générale de justification de toutes différences de traitement entre les salariés opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs serait contraire au Droit de l’Union européenne :
– en ce qu’elle ferait reposer sur le seul salarié la charge de la preuve de l’atteinte au principe d’égalité
– et en ce qu’il résulte d’une jurisprudence ancienne et constante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, arrêts du 8 avril 1976, Defrenne, 43-75, point 39, du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C-307/05, points 57 et 58, du 17 avril 2018, Egenberger, C-414/16, point 77) qu’un accord collectif n’est pas en soi de nature à justifier une différence de traitement.

C’est pourquoi, la chambre sociale a décidé qu’une différence de traitement uniquement fondée sur la date de présence sur un site, ne saurait être présumée justifiée.

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/558_3_41900.html



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